CEDH

Avortement : trois juges de la CEDH sapent le droit à l’objection de conscience

La CEDH sape la clause de conscience

Par Grégor Puppinck1584226391175
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Article publié initialement par Valeurs actuelles.

Par une double décision rendue publique ce jeudi 12 mars 2020, dans les affaires Grimmark et Steen contre la Suède, trois juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ont privé les sages-femmes européennes de la garantie de leur droit à l’objection de conscience face à l’avortement. Cette décision peut s’appliquer, par extension, à toute la profession médicale.

Ils ont déclaré pour ce faire que l’avortement est un acte médical ordinaire, et que l’accès général à l’avortement prime le respect de la liberté de conscience personnelle.

Les recours dont il est question avaient été introduits par deux sages-femmes suédoises qui ne peuvent exercer leur profession parce que leurs demandes de ne pas pratiquer l’avortement sont systématiquement rejetées par leurs employeurs. Ces refus furent validés par les autorités suédoises ; la Suède étant l’un des très rares pays à ne pas reconnaître de droit à l’objection de conscience face à l’avortement. L’avortement y est « libre » jusqu’à 18 semaines et porte sur un cinquième des grossesses.

La CEDH, saisie par les deux femmes, confia leurs requêtes à un petit comité de trois juges seulement, procédure réservée aux affaires simples. Ceux-ci donnent raison aux autorités suédoises, jugeant que l’obligation de pratiquer l’avortement poursuit « l’objectif légitime de protéger la santé des femmes qui cherchent à avorter ». Ils estiment en outre qu’il est nécessaire d’obliger ces deux sages-femmes à pratiquer l’avortement afin que cette pratique soit disponible sur tout le territoire suédois. Enfin, ils jugent que les sages-femmes ont choisi volontairement de faire ce métier, « sachant que cela impliquerait de participer à des avortements ».

À aucun moment, les trois juges n’ont tenu compte du fait que les sages-femmes proposaient d’effectuer d’autres tâches pour compenser la gêne éventuelle occasionnée dans le service par leur objection. Ils n’ont pas davantage voulu voir l’évidence, à savoir que le respect de la conscience de ces deux sages-femmes n’entraverait aucunement l’accès à l’avortement en Suède. Ils n’ont pas rappelé non plus – et pour cause – que la Convention dont ils ont la garde garantit la liberté de conscience, mais aucunement un « droit à l’avortement », ni même un droit à la santé, à supposer que l’avortement est pratiqué pour « protéger la santé ».

En fait, ces deux sages-femmes ont été sacrifiées au dogme de l’avortement. La liberté de conscience est vidée de sa substance ; elle ne vaut rien face à l’avortement. Pourtant, faut-il le rappeler, cet acte met fin à une vie humaine. Les rédacteurs de la Convention doivent se retourner dans leur tombe, eux qui voulaient protéger la vie et la liberté humaines de l’idéologie étatique.

Cette décision se démarque complètement des jugements antérieurs de la Cour qui, jusqu’alors, s’était refusée à mettre en cause le droit à l’objection de conscience face à l’avortement médical ou chirurgical. Elle avait seulement jugé qu’une personne en droit de recourir à l’avortement devrait pouvoir y accéder auprès d’un autre médecin, lorsque son médecin exerce sa clause de conscience (R.R. c. Pologne). Par sa nouvelle décision, la Cour rabaisse le  régime des sages-femmes sur celui des pharmaciens à qui la Cour a déjà dénié la garantie de ce droit s’agissant de la vente de produits abortifs. Plus grave encore, elle indique aux gouvernements qu’ils peuvent à présent abolir les clauses de conscience sans s’exposer à sa condamnation. C’est là une régression majeure de la liberté de conscience, opérée au nom d’une Cour qui prétend être « La Conscience de l’Europe ». Nous devrions d’ailleurs nous alerter lorsqu’une institution, ou un responsable politique, prétend être « La » conscience de tous.

Il faut souligner que la logique de cette décision peut s’appliquer au-delà des sages-femmes, à toutes les professions médicales, et à tout acte « médical », dès lors qu’il est légal. L’exercice de professions médicales est ainsi rendu précaire, voire impossible, pour toute personne respectant la vie humaine. Les chrétiens en sont déjà les principales victimes.

La Cour avait pleinement connaissance de l’importance de ces affaires, tant elles furent médiatisées et exposées dans les instances européennes et internationales. Il est ainsi anormal et choquant qu’une telle décision ne soit prise que par un comité de 3 juges, et non par une chambre de 7 juges, ou une grande chambre de 17 juges. En effet, en principe, un comité de trois juges ne peut ‘‘qu’expédier les affaires courantes’’ en faisant application de la jurisprudence constante antérieure. Lorsque la question est plus complexe, ou nouvelle, elle doit être traitée en chambre, voire en grande chambre.

Il faut souligner en outre que ces trois juges n’ont pas donné à leur jugement la forme d’un arrêt, susceptible d’appel, mais d’une simple « décision d’irrecevabilité » qui est de ce fait définitive. Ainsi, c’est une décision de portée exceptionnelle qui a été adoptée en petit comité et « par la petite porte ». Cette démarche est ‘‘rusée’’, mais elle pourrait aussi, de ce fait, être contredite à l’avenir par une chambre plus élevée.

Une campagne internationale contre l’objection de conscience

Cette décision s’inscrit dans le cadre d’une campagne internationale menée par certaines ONG pro-avortement, depuis une quinzaine d’années, pour supprimer la clause de conscience face à l’avortement au motif que cette clause « stigmatiserait l’avortement » et entraverait sa pratique. De fait, dans certains pays, un nombre croissant de personnes refusent de pratiquer l’avortement suite aux progrès de l’échographie et de la médecine prénatale.

Cette campagne s’observe aujourd’hui en France dans la tentative de supprimer la clause de conscience instaurée par la loi Veil. Elle s’observe également au sein du Comité des droits de l’homme des Nations unies, de l’Association médicale mondiale, ou encore dans le récent rapport d’Ahmed Shaheed, Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction. Son prédécesseur, à l’inverse, avait réaffirmé ce droit, à l’invitation de l’ECLJ. Déjà en 2010, c’est contre cette campagne que l’ECLJ avait finalement obtenu l’adoption, par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, d’une résolution réaffirmant « Le droit à l’objection de conscience dans le cadre des soins médicaux légaux ». Suite à ce vote, le Parlement suédois avait adopté une résolution engageant son gouvernement à agir au plan international contre l’objection de conscience.

Le profil des juges

La publication du rapport de l’ECLJ sur « les ONG et les juges de la CEDH » a rappelé que la « CEDH » est composée de personnes ayant des engagements divers qui peuvent jeter un doute sur l’impartialité de la Cour. Ce rapport a aussi démontré qu’en de très nombreuses occasions, des juges ont statué alors qu’ils étaient objectivement en situation de conflits d’intérêts.

Il convient donc, particulièrement lorsque l’affaire est idéologique, de vérifier la composition des formations de jugement de la Cour. Or en l’espèce, parmi les trois juges ayant statué, outre le magistrat chypriote Georgios Serghides, on trouve le Suédois Erik Wennerstöm et la Maltaise Lorraine Schembri Orland. Or, le juge suédois fut précédemment membre de l’Agence suédoise sur l’égalité des genres, l’instance chargée officiellement de promouvoir les « droits des femmes » dans le pays le plus radicalement « féministe » et pro-avortement d’Europe. Quant à la juge maltaise, son curriculum vitae indique qu’elle a occupé d’importantes responsabilités dans des structures féministes depuis la fin des années 1980…

A présent, les promoteurs de l’avortement vont se prévaloir de cette décision, et de toute l’autorité de « La CEDH », pour justifier la suppression des clauses de conscience des législations nationales.

Voilà comment nous sommes à présent gouvernés en Europe.

Pour la protection de toute vie humaine
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