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Entrisme des Frères musulmans : à quand leur interdiction en France ?

Frères musulmans : une interdiction en France ?

Par Youssef Ayed1748439661032
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Depuis la publication le 21 mai 2025 du rapport sur l’entrisme des Frères musulmans en France, une partie de la classe politique cherche à prouver sa fermeté à leur égard. Près de neuf Français sur dix sont favorables à leur interdiction. Pourtant, l’affaire est plus complexe, puisque la confrérie, selon sa stratégie d’influence à bas bruit, ne dispose pas de structure politique ou religieuse qui revendique son affiliation. C’est donc l’idéologie frériste elle-même et les accusations fallacieuses d’islamophobie qu’il faut combattre pour venir à bout des Frères musulmans en France.

 

L’ampleur de l’emprise des Frères musulmans en France est enfin reconnue officiellement. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, présentait lors d’un Conseil de défense le 21 mai 2025 un rapport intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France ». Le rapport, commandé en avril 2024 par son prédécesseur Gérald Darmanin, était resté sans suite sur le bureau du Président Macron depuis l’automne. Bien qu’il n’apporte pas de révélations inédites, sa publication consacre toutefois la reconnaissance institutionnelle du danger frériste et permet une large attention médiatique. Le Royaume-Uni avait déjà publié un rapport sur la question en décembre 2015, et des chercheurs renommés comme Florence Bergeaud-Blackler ont déjà risqué leur carrière et leur sécurité personnelle pour s’y consacrer académiquement.

Mais au vu de la « gravité des faits » établis dans le rapport, le président a demandé au gouvernement de formuler de « nouvelles propositions », en vue d’un prochain Conseil, annoncé pour le « début du mois de juin ». Et dès le 22 mai 2025, Emmanuel Macron demandait au Quai d’Orsay d’écrire aux ambassades françaises présentes dans plusieurs pays musulmans pour essayer de les rassurer et de montrer que la France n’est pas « islamophobe ». Le 26 mai 2025, en marge d’une visite d’État au Vietnam, il mettait en garde contre les risques d’amalgame : voir de l’islamisme partout « peut rendre complotiste ou paranoïaque ». Au moment où Bruno Retailleau, auréolé de sa récente élection à la présidence des Républicains, donne de la voix sur le sujet, Emmanuel Macron cherche à s’en emparer et à l’inscrire dans la continuité de son discours des Mureaux sur le séparatisme en 2020, qui a débouché sur la loi sur les principes et valeurs de la République de 2021.

« Faire basculer toute la société française dans la charia »

Le rapport compte 139 lieux de culte identifiés comme affiliés à la fédération Musulmans de France (ex-UOIF), considérée comme la branche française des Frères musulmans. À cela s’ajoutent 68 lieux de culte jugés proches de cette fédération, répartis sur 55 départements. Ensemble, ces lieux représentent environ 7 % des 2 800 mosquées répertoriées en France, avec une fréquentation estimée à 91 000 fidèles chaque vendredi. Cela semble peu, si l’on considère d’une part qu’un fidèle fréquentant une mosquée de la mouvance n’en est pas forcément membre lui-même, et d’autre part que la population française compte 7,5 millions de musulmans. Mais dans l’immédiat l’enjeu n’est pas quantitatif : il se trouve dans le prosélytisme et la capacité d’influence des Frères musulmans.

Pour le ministre de l’Intérieur, ce rapport est la preuve que ce groupe souhaite « faire basculer toute la société française dans la charia ». Les auteurs, le diplomate François Gouyette (ancien ambassadeur de France aux Émirats arabes unis, en Libye, en Tunisie, en Arabie saoudite et en Algérie) et le préfet de l’Aube Pascal Courtade décrivent le frérisme comme « une menace qui s’étend de manière pernicieuse et progressive », sapant la cohésion nationale par une stratégie

d’entrisme discrète et méthodique. En ne prônant jamais la violence, leur influence se diffuse insidieusement, de manière subversive, en particulier au niveau local. Les élections municipales de 2026 sont ainsi particulièrement scrutées. Les listes communautaristes ne sont pas interdites en droit français, mais les Frères musulmans pourraient profiter du clientélisme communautaire pour se fondre dans des partis classiques et promettre les voix de la communauté musulmane en échange de la défense de leurs revendications islamistes.

« L’infériorisation de la femme (mais la valorisation de la femme voilée) »

Le rapport résume l’idéologie frériste en quatre déterminants. « La prééminence de la loi coranique, dans une perspective intégraliste », fait en sorte qu’« aucun aspect de la vie individuelle et collective n’est susceptible d’échapper à une parole au nom de l’islam ». De plus, « une conception de l’altérité, notamment religieuse, à géométrie variable », explique entre autres l’implication d’acteurs fréristes dans le dialogue islamo-chrétien comme une « option tactique dans leur quête de légitimation vis-à-vis des pouvoirs publics ». Et le rapport de noter qu’un « dialogue sincère se heurte tout particulièrement à la question de l’apostasie en islam, qui contraint la totalité des centaines de musulmans baptisés chaque année (350 en 2024) à dissimuler leur conversion au christianisme », comme l’expliquait déjà en 2021 l’ECLJ dans son rapport sur la persécution des chrétiens ex-musulmans en France et en Europe.

Le troisième déterminant, « l’infériorisation de la femme (mais la valorisation de la femme voilée) », « érige la non-mixité en règle et instrumentalise le port du voile », plaçant « la femme voilée au cœur de la stratégie d’expansion du culturalisme musulman, en opposition à l’Occident ». Enfin, « le conflit israélo-palestinien agit comme un catalyseur de l’antisionisme historiquement porté par la confrérie et de sa mutation en antisémitisme au sein de la mouvance », notamment ravivé par les attaques du Hamas du 7 octobre 2023.

« Dissimulation, quête de légitimation et dénonciation de l’’’islamophobie’’ »

La stratégie d’implantation de la confrérie s’appuie sur la dissimulation, la quête de légitimation et la dénonciation de l’« islamophobie » (entre guillemets dans le texte). Adepte du culte du secret, la confrérie, que les membres intègrent après avoir suivi un « processus en dix étapes », se fonde, révèle le rapport, sur une « double organisation, l’une officielle pour respecter le cadre légal et l’autre secrète, autour d’un conseil des sages ». En matière de double discours, le rapport cite Chakib Benmakhlouf, ancien président de la Fédération des organisations islamiques d’Europe, aujourd’hui le Conseil des Musulmans Européens, qui reconnaît que le cadre juridique européen permet de « présenter le modèle d’un musulman décent qui est considéré comme un bon modèle pour propager l’islam de manière positive sans attirer l’attention […] sur le fait que nous islamisons l’Occident ».

Les Frères musulmans utilisent le concept d’« islamophobie » « pour discréditer les mesures inspirées par le principe de laïcité, présentées comme relevant d’un ‘‘racisme d’État’’ visant les musulmans ». Le concept a été adopté à l’ONU puisque son Assemblée générale a proclamé en 2022 une « Journée Internationale de lutte contre l’islamophobie » le 15 mars. Le Conseil de l’Europe préfère parler de racisme et de haine anti-musulmans. En 2021, il dénonçait le retrait en France de sa campagne « La liberté dans le hijab », co-financée par l’Union européenne, et promouvant le port du voile islamique. Face à l’islamisation de la France et de l’Europe, l’ECLJ travaille sans relâche à promouvoir la liberté d’expression et le droit de critiquer l’islam, contre l’instrumentalisation du concept d’« islamophobie » et la promotion de l’interdiction du blasphème contre l’islam.

L’entrisme des Frères musulmans à l’école et dans le sport

Le rapport recense 280 associations liées à cette mouvance, actives dans de nombreux secteurs de la vie quotidienne des musulmans. L’entrisme associatif s’opère notamment dans le domaine scolaire, avec 21 établissements identifiés comme liés à la mouvance des Frères musulmans, accueillant 4200 élèves. Cinq établissements disposent d’un contrat d’association avec l’État, remis en cause pour trois d’entre eux. L’une des figures emblématiques est Amar Lasfar, président de Musulmans de France et fondateur du lycée Averroès (Lille). En 2017, il déclarait : « Nous ne faisons pas partie des Frères musulmans. En revanche, nous nous inscrivons dans leur courant de pensée. » En décembre 2023, l’État a mis fin au contrat d’association du lycée, invoquant l’enseignement d’un islam rigoriste contraire aux valeurs républicaines. Mais le 23 avril 2025, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision. La ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a fait savoir qu’un appel serait engagé.

Le 12 mars 2025, le tribunal de Lyon a confirmé la résiliation du contrat avec l’école Al-Kindi, entraînant la suppression d’un soutien public annuel estimé à 1,6 million d’euros. Le 21 mai 2025, dès la publication du rapport, Renaud Muselier, président de la région Sud-Paca, et Martine Vassal, présidente du département des Bouches-du-Rhône, ont décidé de suspendre le forfait d’externat du collège Ibn Khaldoun. Les deux élus ont aussi demandé à la ministre de l’Éducation de suspendre, de son côté, le contrat d’association liant l’établissement marseillais à l’État. Le rapport note que « l’investissement de la mouvance dans le secteur éducatif se déploie dans un contexte d’augmentation continue des atteintes à la laïcité dans le milieu scolaire, alimentées par l’activité des prédicateurs en ligne ». Les écoles coraniques, « caractérisées par l’opacité de leur fonctionnement et qui ne sont, de fait, pas exemptes de dérives séparatistes », sont également pointées du doigt.

En 2020, 127 associations sportives étaient identifiées comme « ayant une relation avec une mouvance séparatiste », dont 18 salafistes et 5 fréristes, rassemblant plus de 65 000 adhérents. « Leurs dirigeants ou entraineurs adoptent une attitude prosélyte, mettent en avant l’identité arabo-musulmane et développent des pratiques religieuses (prières collectives avant match, salles de prière aménagées dans les vestiaires, rappels réguliers des commandements religieux) ». La revendication du port du voile est notamment portée par un collectif informel constitué en 2020 au sein de l’association Alliance citoyenne et regroupant une cinquantaine de femmes identifiées comme les Hijabeuses, à l’origine de plusieurs manifestations et de recours en justice. En octobre 2024, l’ECLJ est intervenu en tant que tierce-partie dans une affaire pendante à la Cour européenne des droits de l’homme (F.D. et I.M. contre la France).

Perte d’influence dans le monde arabo-musulman mais progression en Europe

Les Frères musulmans sont confrontés au recul continu de leur influence en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Bénéficiant « d’un solide ancrage social et d’appareils associatif et militant structuré », les partis islamistes ont accédé au pouvoir lors des Printemps arabes en Tunisie (Ennahda), au Maroc (parti Justice et Développement) et en Égypte (Mohammed Morsi). Depuis, l’influence des Frères musulmans inquiète de nombreux régimes qui redoutent leurs visées politiques et leurs proximités avec des groupes armés comme le Hamas. L’Égypte post-Morsi, la Jordanie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis ou encore Bahreïn les ont interdits. La Turquie, dans sa volonté de rapprochement avec l’Égypte, se désolidarise pragmatiquement, sans rompre idéologiquement et continue de fournir un indispensable soutien logistique et financier à la branche européenne de la confrérie. Le Qatar quant à lui continue d’entretenir des liens avec des mouvements islamistes, comme le Hamas, tout en niant soutenir directement les

Frères musulmans. Il cherche ainsi à préserver son influence régionale, à jouer un rôle de médiateur dans certains conflits et à éviter de s’opposer frontalement à ses voisins.

En Europe, les Frères musulmans « ont privilégié une stratégie d’influence, voire d’entrisme, à l’appui d’une idéologie adaptée et d’une méthode projetée sur le temps long », plutôt que de constituer des formations politiques identifiables et d’investir le jeu électoral. Le Conseil des musulmans européens (CEM), basé à Bruxelles depuis 2007, coordonne et met en œuvre leur stratégie d’influence envers les institutions et les pays européens. Le CEM se réunit régulièrement à Istanbul où la Turquie lui accorde des facilités, dans le cadre d’un accord avec la Diyanet (administration turque chargée de l’organisation et du financement de l’islam). Grâce notamment au Forum des organisations européennes de jeunesse musulmanes (FEMYSO), inscrit au registre de transparence de l’Union européenne, le CEM fait résonner « une vision singulière de la liberté religieuse faite de dénonciation de l’’’islamophobie’’, de revendication de la pénalisation du blasphème, ou encore de déploiement du halal ».

L’urgence de combattre l’idéologie frériste en Europe

En dépit de l’image de bienveillance que les Frères musulmans cherchent à projeter en Europe, l’Autriche a interdit l’affichage de leurs symboles par une loi antiterroriste adoptée en 2021. Elle a aussi placé l’organisation sur sa liste noire des « groupes extrémistes liés à la criminalité à motivation religieuse ». Toutefois, aucune interdiction formelle de l’organisation n’a été possible, faute de structure officiellement identifiable. En France, près de neuf Français sur dix appellent à l’interdiction des Frères musulmans, selon une enquête CSA pour CNews, Europe 1 et le JDD. En déplacement à Nanterre à la préfecture des Hauts-de-Seine le 26 mai 2025, le ministre de l’Intérieur a rappelé les dispositifs existant pour lutter contre l’islam radical tout en exhortant les préfectures au volontarisme.

Concrètement, c’est l’idéologie elle-même qu’il faut combattre pour venir à bout des Frères musulmans. Par exemple, le Collectif contre l’islamophobie en France a été dissous en 2020, mais il s’est immédiatement reconstitué à Bruxelles sous le nom de Collectif contre l’islamophobie en Europe. Par ailleurs, accuser de racisme ou d’islamophobie ceux qui dénoncent l’idéologie frériste revient à protéger un projet politico-religieux qui opprime d’abord les musulmans eux-mêmes. En effet, ce sont les Frères musulmans qui essentialisent les musulmans et parlent en leur nom. Il ne s’agit pas d’interdire l’islam, mais de combattre l’instrumentalisation politique de la foi musulmane au détriment de notre démocratie.

Pour la défense des Chrétiens persécutés
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