CEDH

Conflits d'intérêts à la CEDH : la Russie entre en scène

Juges & ONG : la Russie entre en scène

Par Grégor Puppinck1589165400000
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Plus de deux mois après la publication du rapport du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), de nouvelles voix s’élèvent chaque jour pour dénoncer les conflits d’intérêts existant entre des juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et des ONG financées par George Soros, dont la richissime et très controversée Open Society.

Article paru dans Valeurs Actuelles le 11 mai 2020.

Pour rappel, ce rapport a révélé que 18 juges ont statué à 88 reprises dans des affaires introduites ou soutenues par ces ONG dont ils avaient été précédemment collaborateurs ou dirigeants, en violation grave de l’éthique judiciaire. Dans n’importe quel État de droit, l’auteur de tels manquements encourrait de lourdes sanctions disciplinaires, et les affaires en cause devraient être rejugées.

Loin de retomber dans le silence, et malgré le confinement, les révélations faites dans ce rapport n’ont cessé jusqu’à maintenant de se diffuser à travers l’Europe, et même au-delà, par le biais de centaines de publications. Nous savons que la CEDH, ne pouvant contester les faits, a décidé de ne pas y répondre. Pire, le juge le plus controversé, le Bulgare Yonko Grozev, a été élu le 24 avril à l’importante fonction de « président de section ».  

Mais il semble à présent que la CEDH ne pourra pas s’enfermer durablement dans le silence.

En effet, l’une des dernières voix à s’être levées pour dénoncer cette situation n’est autre que celle du Ministère russe des Affaires étrangères qui a consacré un communiqué officiel au rapport de l’ECLJ. Dans ce texte, il s’inquiète de « l’influence cachée » de certaines ONG occidentales au sein de la CEDH et déclare que cette influence « affecte directement la qualité, l’impartialité et l’équité des jugements de la Cour ». La Russie estime en outre qu’un « examen approprié » de ces dysfonctionnements par les États membres du Conseil de l’Europe, dans le cadre du processus de réforme de la Cour, permettrait de corriger et de réduire « les interférences politiques » exercées par ces ONG dans le processus judiciaire.

Cette déclaration a une portée considérable compte-tenu du poids diplomatique de la Russie à Strasbourg. Son ambassadeur la mettra certainement en œuvre avec fermeté auprès des représentants des 46 autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Nul doute qu’il sera soutenu en cela par d’autres gouvernements, en particulier d’Europe centrale, qui ont également des raisons de se plaindre de l’influence politique de ces mêmes ONG dans leurs propres pays. Le Ministre bulgare de la Justice a déjà fait une déclaration en ce sens.

Il ne sera pas même nécessaire à la Russie de demander l’inscription de ce sujet à l’ordre du jour du Comité des Ministres (au sein duquel négocient les 47 ambassadeurs), puisque celui-ci a déjà été saisi en ce sens par trois questions écrites émanant de députés de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le débat aura donc lieu et – espérons-le – sans faux semblant, car le Comité des Ministres est la seule instance à exercer un certain pouvoir sur la Cour. En réponse à ces questions, les gouvernements européens devront s’accorder sur les mesures à prendre afin de « restaurer l’intégrité de la Cour européenne », « mettre fin aux conflits d’intérêts » et garantir la transparence de l’action de ces ONG auprès de la Cour.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – qui élit les juges de la CEDH – sera aussi saisie du sujet par une pétition initiée par l’ECLJ, suivant la procédure officielle permettant à toute personne de demander l’inscription d’un sujet à son ordre du jour.

Enfin, des députés ont déjà manifesté leur intention d’initier la rédaction d’un rapport parlementaire en vue de l’adoption d’une recommandation, ce qui impliquera la tenue d’une enquête et l’audition de représentants de la Cour.

À terme, des mesures devront être prises par la CEDH pour remédier à la situation, à commencer par celle consistant à s’appliquer à elle-même les règles déontologiques qu’elle impose aux juridictions nationales. Des mesures précises ont été identifiées et soutenues par une centaine de juristes dans un appel récemment lancé pour l’indépendance et l’impartialité de la CEDH. La CEDH ne pourra retrouver une autorité que si elle restaure son intégrité.

Mettre fin aux conflits d’intérêts à la CEDH
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