CEDH

Mettre fin aux conflits d’intérêts à la CEDH

Mettre fin aux conflits d’intérêts

Par ECLJ1665587438641

Signatures

À l’attention du Président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, M. Tiny Kox.

 

Monsieur le Président,

Nous avons l’honneur de vous adresser une « Pétition pour mettre fin aux conflits d’intérêts à la CEDH », conformément à l’article 71 du Règlement de l’Assemblée. 

En 2019, l’ECLJ a entrepris une recherche approfondie sur les relations entre les juges de la CEDH et les ONG, après avoir observé la surreprésentation de candidats et de juges issus d’un nombre réduit d’organisations privées. Il en a résulté la publication du rapport Les ONG et les Juges de la CEDH, 2009-2019.

 

Ce rapport fait apparaître qu’au moins 22 des 100 juges permanents ayant siégé à la Cour entre 2009 et 2019 sont d’anciens responsables ou collaborateurs de sept ONG fortement actives auprès de cette Cour. Douze juges sont liés au réseau de l’Open Society Foundation (OSF), sept aux comités Helsinki, cinq à la Commission Internationale des Juristes, trois à Amnesty International, un à Human Rights Watch, un à Interights et un à l’A.I.R.E. Centre. L’Open Society se distingue par le nombre de juges qui lui sont liés et par le fait qu’elle finance les 6 autres organisations citées dans ce rapport.

 

Entre 2009 et 2019, on recense au moins 185 affaires publiées par la Cour (HUDOC) dans lesquelles l’une de ces sept ONG est officiellement impliquée dans la procédure. Parmi celles-ci, dans 88 cas, des juges ont siégé dans une affaire dans laquelle était directement impliquée l’ONG qu’ils avaient eux-mêmes fondée, dirigée ou pour laquelle ils avaient travaillé. Il s’agit de cas manifestes de conflits d’intérêts. Sur la même période, on observe seulement 12 cas de déports dans lesquels un juge s’est retiré d’une affaire en raison, semble-t-il, d’un lien avec une ONG impliquée dans l’affaire.

Depuis 2019, d’autres affaires jugées en situation de conflits d’intérêts ont été identifiées.

 

Ce rapport a aussi fait apparaitre un manque fréquent de transparence dans l’action des ONG auprès de la Cour, certaines agissant de façon officieuse. Ceci peut nuire à l’équité et à l’impartialité de la procédure, en particulier lorsqu’un membre du greffe ou de la Cour en charge de l’affaire est issu de ladite ONG.

 

Cette situation est grave, car elle met en cause l’indépendance de la Cour et l’impartialité de ses juges ; elle est contraire aux règles que la Cour impose elle-même aux États en la matière.

 

Considérant le rôle central de l’APCE dans l’évaluation et l’élection des juges de la CEDH, il est de la compétence de l’APCE de se saisir de ce sujet.

 

À la suite de ce rapport, le 8 avril 2021, le Comité des Ministres a répondu à trois questions écrites posées par des députés de l’APCE (Doc. 15258). Il n’a ni contredit ni minimisé les faits révélés dans le rapport de l’ECLJ. Sa réponse consistait ensuite dans le rappel de la nécessité de « garantir le niveau le plus élevé de qualification, d’indépendance et d’impartialité des juges de la Cour », et dans l’énoncé des mesures prises à cette fin. Les ambassadeurs ont aussi indiqué vouloir réévaluer « d’ici fin 2024, à la lumière de l’expérience acquise, l’efficacité du système actuel de sélection et d’élection des juges de la Cour ». Cette initiative est en cours.

 

Le 26 juillet 2021, le Comité des Ministres a répondu à deux autres questions écrites de députés de l’APCE (Doc. 15345). Il a alors révélé le fait que la Cour a entrepris de réexaminer son règlement « y compris l’article 28 » qui traite précisément de la question des conflits d’intérêts.

 

Le 2 septembre 2021, la Cour a publié une nouvelle version de sa « résolution d’éthique judiciaire », adoptée le 21 juin 2021. Le nouveau texte renforce les obligations d’intégrité, d’indépendance et d’impartialité des juges. En écho au rapport de l’ECLJ, la résolution oblige à présent les juges à être indépendants de toute institution, y compris de toute « organisation » et « de toute entité privée ». Le texte ajoute que les juges « doivent être libres de toute influence injustifiée, qu’elle soit interne ou externe, directe ou indirecte. Ils s’abstiennent de toute activité, de tout commentaire et de toute association, refusent toute instruction et évitent toute situation pouvant être interprétés comme nuisant à l’exercice de leurs fonctions judiciaires ou comme étant de nature à nuire à la confiance que le public se doit d’avoir en leur indépendance ». Le texte précédent était beaucoup plus succinct.

 

Sur l’impartialité, le nouveau texte ajoute l’interdiction explicite de « participer à aucune affaire qui pourrait présenter un intérêt personnel pour eux », renforçant ainsi la prévention des conflits d’intérêts. Les juges doivent en outre s’abstenir « de toute activité, de tout commentaire et de toute association pouvant être interprétés comme étant de nature à nuire à la confiance que le public se doit d’avoir en leur impartialité ».

 

Ces réponses au rapport sont positives, mais ne sont cependant pas suffisantes. Plusieurs mesures devraient être recommandées à la Cour, tendant à, notamment :

  • prescrire aux juges la publication de déclarations d’intérêts ;
  • demander aux candidats à la fonction de juge de déclarer tout lien de parenté avec un membre du gouvernement ou de leur parlement national :
  • éviter la présentation de candidats issus d’organisations militantes actives auprès de la CEDH ;
  • établir une procédure formelle de récusation, respectueuse des exigences posées par la Cour à l’égard des juridictions nationales ;
  • informer à l’avance les parties de la composition de la formation de jugement, par respect pour la transparence judiciaire, et afin de permettre aux parties de demander éventuellement la récusation d’un juge ;
  • appliquer aux juges l’obligation, et non plus seulement la faculté, d’informer le Président de la Cour en cas de doute quant à leur indépendance ou leur impartialité objectives ;
  • établir un formulaire de demande de tierce intervention faisant apparaître les liens éventuels avec les parties principales ;
  • assurer un contrôle de l’APCE sur le choix des juges ad hoc ;
  • accroître la transparence du fonctionnement du Panel consultatif d'experts sur les candidats à l'élection de juges à la Cour :
  • publier la liste des membres du greffe de la Cour, comme le font la Cour interaméricaine des droits de l’homme et la Cour de justice de l’Union européenne.

 

Nous vous prions, Monsieur le Président, conformément à l’article 71 du Règlement de l’Assemblée, d’inscrire cette pétition à l’ordre du jour de l’Assemblée, afin qu’un rapport soit rédigé et que des solutions soient recommandées au Comité des Ministres.

Croyez, Monsieur le Président, que nous avons l’espoir que l’APCE se saisisse de cette question importante, qui relève de sa compétence, pour le bien du système européen de protection des droits de l’homme,

* * *

Voir le Rapport complet de l'ECLJ

 

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