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À l’ONU, l’Occident précède les États musulmans dans « la lutte contre l’islamophobie »

L’Occident à la pointe «contre l’islamophobie»

Par Thibault van den Bossche1729069200000
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Dans la «lutte contre l’islamophobie», la Turquie et le Pakistan n’ont plus besoin d’ériger les musulmans en inconditionnelles victimes, l’Occident le fait pour eux. Mais alors qu’une énième église a été incendiée ce jeudi 3 octobre 2024 à Poitiers, qui reste-il pour défendre les chrétiens persécutés?

Article paru initialement dans Valeurs Actuelles le 5 octobre 2024.

Ce mardi 1er octobre 2024, en marge de la 57e session du Conseil des droits de l’homme, la Mission permanente des États-Unis à l’ONU organisait une conférence intitulée «Lutte contre l'intolérance, les crimes de haine et l'islamophobie»[1]. L’évènement était sponsorisé par les Missions permanentes de l’Union européenne, du Royaume-Uni, de la Turquie et du Pakistan. Une alliance apparemment improbable, puisqu’habituellement ces mêmes États se répartissent entre deux blocs, l’un libéral, l’autre islamique, et s’opposent sur les questions de blasphème et de liberté d’expression. Le dernier exemple en date remonte au 12 juillet 2023, au Conseil des droits de l’homme, lorsque le Pakistan poussa d’urgence et avec succès une résolution condamnant explicitement «la profanation du Saint Coran», dans le contexte de la vague d’autodafés du Coran en Suède[2].

La soumission de l’Occident à l’Organisation de la Coopération islamique

À présent, en organisant un événement à l’ONU sur la «lutte contre l’islamophobie», les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne se soumettent à l’Organisation de la Coopération islamique (OCI) en reprenant sa terminologie, et érigent d’eux-mêmes les musulmans en victimes, en laissant croire qu’ils sont massivement persécutés en Occident. Mais que veut vraiment dire «islamophobie»? Étymologiquement, il s’agit de la peur irrationnelle de l’islam. Rien de répréhensible donc, puisqu’on peut tout à fait avoir peur d’une religion. Le terme d'islamophobie ne fait l'objet d'aucune définition agréée en droit international, contrairement à la liberté de religion ou la liberté d’expression. Dans les faits, l’OCI joue sur l’ambiguïté du terme, qui se comprend comme «critique de l'islam», ce qui est normalement jusqu’à présent autorisé en Occident, ou comme «incitation à la haine envers les musulmans», ce qui est condamnable.

 En sous-titres, l’affiche de l’événement indiquait trois objectifs :

«- Discuter de la montée de l'islamophobie et de la haine antimusulmane.

- Présenter les initiatives gouvernementales et les meilleures pratiques pour lutter contre l'islamophobie et d'autres formes d'intolérance, de discrimination et de violence.

- Renforcer la collaboration pour lutter contre l'intolérance, la discrimination et la violence fondées sur la religion ou les convictions.»

L’islam est ainsi présenté comme une religion intouchable. «L'islamophobie» et la haine antimusulmane deviennent des termes complémentaires si ce n’est interchangeables. L’OCI aura tendance à privilégier l’usage du premier, et l’Occident le second. Les différents titres des panélistes le révèlent: le Turc Mehmet Paçacı, ancien ambassadeur de Turquie au Pakistan, est «l’envoyé spécial de l’OCI sur l’islamophobie». Il était d’ailleurs finalement absent à l’événement. La Turque Evren Dağdelen Akgün est quant à elle «la représentante de l'OSCE pour la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des musulmans». La Française Marion Lalisse est la «coordinatrice de la Commission européenne pour la lutte contre la haine antimusulmane». Notons que Marion Lalisse a rappelé que l'Agence européenne des droits fondamentaux publiera fin octobre un rapport intitulé «Être musulman dans l'UE», alors que selon elle la haine antimusulmane explose en Europe depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, mais qu’elle est largement sous-estimée[3].

En 2022, l’ONU a fait le choix d’agréer la proposition du Pakistan, en instaurant chaque 15 mars une «Journée internationale de lutte contre l’islamophobie», tout en reconnaissant les limites du terme: «Certains experts préfèrent l'étiquette «haine antimusulmane», craignant que le terme «islamophobie» ne risque de condamner toutes les critiques de l'islam et, par conséquent, puisse étouffer la liberté d'expression. Mais les droits de l'homme protègent les individus et non les religions. Et l'islamophobie peut également affecter les non-musulmans, en fonction des perceptions de la nationalité, de la race ou de l'origine ethnique»[4].

Puisque lutter contre «l’islamophobie» signifierait aussi lutter contre l’incitation à la haine, la discrimination ou la violence contre les musulmans et même les non-musulmans, il n’apparaît plus possible de refuser de participer à cette lutte, surtout si par ailleurs l’Occident libéral vante la société universelle et fraternelle. Et c’est ainsi que tous les panélistes ont fait tour à tour la promotion du vivre ensemble et du dialogue interreligieux, en affirmant leur condamnation des profanations du Coran. L’Américain d’origine indienne Rashad Hussain, qui connaît le Coran par cœur, responsable du Bureau de la liberté religieuse internationale du Département d’État américain, a évoqué la souffrance ressentie dans sa chair à chaque profanation, tandis que les représentants occidentaux, contrits, faisaient leur mea culpa, s’érigeant en remparts volontaristes contre «l’islamophobie des racistes et de l’extrême-droite».

À l’ONU, interdiction de diffamer l’islam contre liberté d’expression

À l’ONU, l’OCI a développé depuis la fin des années 1990 les notions d’«islamophobie» et de diffamation de l’islam, qu’elle fond dans le cadre plus englobant de la diffamation des religions. Ainsi par exemple, le 30 avril 1999, la résolution proposée à la Commission des droits de l’homme par le Pakistan au nom de l’OCI sur «la diffamation de l’islam» est devenue une résolution sur la «diffamation des religions»[5]. Pour autant,  la centralité de l’islam dans le corps du texte parvient à être conservée, puisque le mot apparaît deux fois, tandis que christianisme et judaïsme ne sont pas mentionnés[6].

L’autre tactique de l’OCI, validée aujourd’hui par les représentants occidentaux, est d’amalgamer la diffamation de l’islam et le racisme. En prenant un marqueur religieux, l'islam, pour caractériser un groupe qui est ethniquement hétérogène, les musulmans deviennent un groupe néo-ethnique. Ainsi, on dit les «musulmans», on ne dit plus les Arabes ou les Turcs. Par conséquent, une attaque contre la religion islamique devient une attaque, raciste qui plus est, contre les fidèles de cette religion. En 1999, pour justifier sa proposition de résolution à l'ordre du jour sur le racisme et non celui sur l’intolérance religieuse, le Pakistan avait avancé que «le phénomène de l'intolérance à l'égard de l'islam concerne les musulmans en tant que groupe en raison de la manière dont sont perçues leurs croyances religieuses»[7]. Un glissement du sujet de droit s’opère alors: ce n’est plus la réputation d’une personne qui est protégée, mais celle de l’islam.

Le 12 avril 2011, un compromis est trouvé au Conseil des droits de l’homme entre l’Occident libéral et l’OCI. La notion de diffamation des religions disparaît, remplacée par «l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence visant certaines personnes en raison de leur religion ou de leur convictions». Il est ainsi recommandé d’adopter «des mesures pour incriminer l’incitation à la violence imminente fondée sur la religion»[8]. Mais d’autre part, «le rôle positif que l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que le plein respect du droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations, peuvent jouer dans le renforcement de la démocratie et la lutte contre l’intolérance religieuse» est réaffirmé. En effet, dans une contre-radicalisation s’exprimant contre l’ensemble des religions, leur ôtant tout caractère sacré à protéger, l’Occident libéral se pose en garant d’une liberté d’expression totale, presque à outrance, prenant par exemple le parti du journal satirique Charlie Hebdo victime d’une attaque terroriste islamiste le 7 janvier 2015[9]. Également, c’est ainsi que la justice suédoise, dans le respect des libertés de rassemblement et d'expression, se réfère avant tout aux circonstances de l’espèce pour constater ou non une incitation à la haine ou à la violence contre un groupe de population, au lieu de condamner automatiquement toute profanation du Coran[10].

L’ONU et l’UE invisibilisent la haine antichrétienne

Puisqu’en organisant cette conférence à l’ONU, l’Occident précède dorénavant les États musulmans dans «la lutte contre l’islamophobie», qui reste-il pour défendre les chrétiens persécutés? La panéliste suédoise Ulrika Sundberg, l'envoyée spéciale de la Suède auprès de l'OCI pour le dialogue interculturel et interreligieux, a évoqué le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, l’Iranienne Nazila Ghanea, à la suite de sa visite en Suède du 11 au 20 octobre 2023[11]. Dans le contexte encore brûlant de la vague d’autodafés du Coran, le mot «islamophobie» y est mentionné six fois. Mais ce qu’Ulrika Sundberg aurait pu ajouter, c’est que la Rapporteuse spéciale a également mentionné en un paragraphe les menaces et les coups portés par d'autres résidents à des convertis chrétiens d’arrière-plan musulman dans les centres de migration, ainsi que la difficulté des Afghans convertis au christianisme d’obtenir l’asile[12].

Le Maldivien Ahmed Shaheed a rappelé les recommandations présentes dans son rapport intitulé «Combattre l’islamophobie et la haine antimusulmane pour éliminer la discrimination et l’intolérance fondées sur la religion ou la conviction», publié le 13 avril 2021 lorsqu’il était Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction[13]. Or, ce rapport conseille tout simplement de promouvoir l’islamisation de l’Occident, dans des élucubrations islamo-gauchistes sans lien avec les conventions internationales élaborées sous l’égide de l’ONU[14].

Par souci de cohérence, alors qu’Ahmed Shaheed avait déjà publié un rapport intitulé «Combattre l’antisémitisme» en septembre 2019, nous attendons toujours un rapport d’un Rapporteur spécial sur la liberté de religion intitulé «Combattre la haine antichrétienne». Alors qu’il existe une «Journée internationale de lutte contre l’islamophobie», nous attendons toujours celle contre la haine antichrétienne. Alors qu’il existe à la Commission européenne deux coordinateurs pour la lutte contre l’antisémitisme et contre la haine antimusulmane, nous attendons toujours celui contre la haine antichrétienne[15]. Les plus de 365 millions de chrétiens persécutés dans le monde[16] ne peuvent plus rester invisibles.

 

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[1] EEAS, “HRC57 Side Event - Combatting Intolerance, Hate Crimes, and Islamophobia”, 23 septembre 2024.

Mission des États-Unis à Genève, sur Flickr : https://www.flickr.com/photos/us-mission/54035450563/ et sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=OqU1lvSVFfE.

[2] Conseil des droits de l’homme, « Lutte contre la haine religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence », Résolution A/HRC/RES/53/1, 12 juillet 2023.

Cf. ECLJ, « « Profanation du Saint Coran » : les droits de l’homme au service de l’islam ? », 23 janvier 2024.

[3] Lilith, « La guerre d’occupation à Gaza est un nouveau terrain fertile pour le racisme anti-musulman aux Pays-Bas », 21 septembre 2024.

[4] ONU, « Journée internationale de lutte contre l’islamophobie, 15 mars ».

[5] Aurore Schwab, « Entre liberté de religion et liberté d’expression : émergence de la notion onusienne de « diffamation des religions » », Revue du MAUSS, 2017/1 n° 49, p.134-147.

[6] OHCRH, « La Commission des droits de l'homme adopte une résolution sur la diffamation des religions et clôt les travaux de sa cinquante-cinquième session », 30 avril 1999.

Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC), Commission des droits de l’homme, Résolution E/CN.4/1999/L.40/Rev.1, amendé :

« La Commission des droits de l’homme

  1. Se déclare profondément préoccupée aussi par le fait que l'islam est souvent et faussement associé aux violations des droits de l'homme et au terrorisme;
  2. Se déclare préoccupée par toute forme d'utilisation des médias imprimés, audiovisuels ou électroniques ou de tout autre moyen aux fins d'inciter à des actes de violence, à la xénophobie ou à l'intolérance qui y est associée et à la discrimination à l'égard de l'islam ou de toute autre religion».

[7] ECOSOC, Commission des droits de l’homme, cinquante-cinquième session, compte rendu analytique de la 62e séance, E/CN.4/1999/SR.62, 18 juin 1999.

[8] Conseil des droits de l’homme, « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence visant certaines personnes en raison de leur religion ou de leur conviction », Résolution A/HRC/RES/16/18, 12 avril 2011, para. 5 § f.

[9] ECLJ, « Blasphémer : un droit de l’homme ? », 10 avril 2018.

[10] ECLJ, « Contribution au rapport du Secrétaire général sur la « Lutte contre l’intolérance, les stéréotypes négatifs, la stigmatisation, la discrimination, l’incitation à la violence et la violence fondés sur la religion ou la conviction » », avril 2024.

[11] Conseil des droits de l’homme, « Visite en Suède », Rapport A/HRC/55/47/Add.2 de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Nazila Ghanea, 2 avril 2024.

[12] Cf. ECLJ, « La persécution des chrétiens ex-musulmans en France », 30 mars 2021.

[13] Conseil des droits de l’homme, « Combattre l’islamophobie et la haine antimusulmane pour éliminer la discrimination et l’intolérance fondées sur la religion ou la conviction », Rapport A/HRC/46/30 du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, Ahmed Shaheed, 13 avril 2021.

[14] ECLJ, « Succès du lobbying islamique à l'ONU », avril 2021.

[15] ECLJ, « ‘’Pas de place pour la haine en Europe’’… sauf celle contre les chrétiens », 7 décembre 2023.

[16] Portes ouvertes, « 365 millions de chrétiens persécutés et discriminés pour leur foi en 2024 ».

La critique rationnelle de l’islam doit être garantie en Europe
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