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Succès du lobbying islamique à l'ONU

Succès du lobbying islamique à l'ONU

Par Nicolas Bauer1619598600000

Ce n’est pas la première fois que M. Ahmed Shaheed se fait remarquer pour son action militante à l’ONU. Rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction, M. Shaheed avait promu l’avortement lors de la session du Conseil des droits de l’homme de février et mars 2020. Il avait également dénié aux chrétiens et aux conservateurs leur liberté de conscience sur cette question. L’ECLJ avait dénoncé ce relativisme extrême et intolérant, par lequel M. Shaheed avait outrepassé et même inversé son mandat visant à protéger la liberté de religion.

Un an après, à l’occasion de la session du Conseil des droits de l’homme de février et mars 2021, M. Shaheed a présenté un nouveau rapport : « Combattre l’islamophobie[1] ». Le Rapporteur spécial « examine en quoi l’islamophobie/la haine antimusulmane porte atteinte à la liberté de religion ou de conviction[2]», en se focalisant sur les pays où les musulmans constituent une minorité. Ahmed Shaheed, par ce rapport, non seulement promeut officiellement la notion controversée d’ « islamophobie », mais il lui donne en plus une portée extrêmement large. Selon lui, toute restriction faite aux manifestations de l’islam serait « islamophobe » et violerait les droits des musulmans.

Le lobbying islamique a toujours existé aux Nations unies et avait remporté plusieurs victoires idéologiques au tournant du XXe siècle, notamment à la suite d’initiatives d’États musulmans. Par son rapport de février 2021, M. Shaheed fait revenir ce lobby sur le devant de la scène internationale. Il s’appuie cette fois non uniquement sur des États, mais sur des associations et universitaires « décolonialistes » et racialistes, appartenant à une mouvance souvent qualifiée d’ « islamo-gauchiste ». Cela n’est pas étonnant, pour un Rapporteur spécial qui affiche sur son curriculum vitæ un prix du meilleur « Démocrate musulman[3] », qu’il a dédié à ses « collègues » de l’Open society[4].

 

Le Rapporteur spécial avalise et élargit la notion d’ « islamophobie »

En 1999, le Pakistan avait, au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), soumis un projet de résolution à la Commission des droits de l’homme des Nations unies, contre la « diffamation de l’islam[5] ». Ce texte visait à défendre globalement et spécifiquement l’islam, en tant que religion, des critiques et des moqueries. Ce projet avait été amendé, à l’initiative de l’Allemagne, afin de condamner la « diffamation des religions » en général[6], puis voté. Chaque année suivante, de 2000 à 2010, une nouvelle résolution a été votée par la Commission puis le Conseil des droits de l’homme sur la « lutte contre la diffamation des religions[7] ».

Ce succès de l’OCI, parvenu à imposer au niveau international l’équivalent d’un délit de blasphème, a heureusement été jugulé en 2011, par une résolution du Conseil des droits de l’homme abandonnant le concept de « diffamation des religions[8] ». La résolution privilégie une approche conforme aux grands traités des Nations unies, c’est-à-dire protégeant chaque personne et non toutes les doctrines religieuses. Dix ans après, Ahmed Shaheed cherche à favoriser un retour à une protection globale de l’islam, en tant que religion. Le titre de son rapport correspond exactement à un objectif du Programme d’action OCI – 2025 : « Combattre l’islamophobie[9] ».

L’unique intérêt de ce rapport est, pour M. Shaheed, de promouvoir la notion d’« islamophobie » et de la définir de manière particulièrement englobante. C’est « l’islamophobie » qui expliquerait les restrictions légales au port du voile islamique, les règles d’urbanisme limitant la construction de lieux de culte, la dissolution d’associations islamistes (CCIF et BarakaCity) ou encore la faible réussite dans les études et le fort taux de chômage des musulmans en Europe[10]. Le Rapporteur spécial ne formule aucune recommandation nouvelle sur ces sujets ; la seule nouveauté est de les aborder ensemble dans le cadre d’une même « lutte contre l’islamophobie ».

 

Ces recommandations idéologiques n’engagent pas les États

Le Rapporteur spécial recommande aux États d’adopter un « processus inclusif » et un « instrument non juridique » contre l’islamophobie, à utiliser pour toutes les politiques publiques[11]. Une « définition opérationnelle » de l’islamophobie, en tant que phénomène à combattre, doit irriguer chaque décision politique[12]. Plus précisément, pour Ahmed Shaheed, les États doivent respecter et faire respecter l’islam, en tant que « religion », et doivent valoriser l’importance des musulmans dans la « civilisation occidentale[13] ». Actuellement, c’est une hostilité étatique et culturelle envers l’islam qui gouvernerait en Occident.

Ce rapport, « Combattre l’islamophobie », n’a aucune valeur contraignante. C’est un rapport au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme, qui ont pour rôle de fournir des informations et des recommandations aux États. De plus, Ahmed Shaheed, en conseillant de promouvoir l’islamisation de l’Occident, outrepasse son mandat sur la liberté de religion. Cette promotion politique d’une idéologie « islamo-gauchiste » n’a aucun lien avec les conventions internationales élaborées sous l’égide de l’ONU. Les États sont donc fondés à ignorer ce rapport, qui ne les engage pas et qui décrédibilise les procédures spéciales onusiennes.

Les textes du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sont révélateurs de l’avis des États européens sur cette question. Sollicité par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et par un député sur ce sujet en 2011, le Comité des Ministres a préféré éviter d’utiliser la notion d’ « islamophobie » ou alors l’a réutilisée mais pour affirmer que « l’islamophobie n’est pas l’approche prédominante des Européens non musulmans à l’égard des musulmans[14] ». Dix ans après, les États sont encore davantage conscients que cette notion, imposée par les islamistes, n’a aucun intérêt analytique.

 

La critique et le rejet de l’islam font partie de la liberté de pensée

L’ECLJ n’a pas attendu les exagérations de l’actuel Rapporteur spécial pour critiquer la notion même d’ « islamophobie » (voir notre rapport de 2010). Celle-ci est fondée sur l’idée, fausse, que toute opposition à l’islam serait réductible à une « phobie » – c’est-à-dire une peur irrationnelle et pathologique – ou alors un sentiment de « haine ». Or, le choix de ne pas adopter et donc de rejeter l’islam peut tout à fait être fondé sur des arguments rationnels et une réflexion réaliste sur les dangers de l’islam. De même, du fait de la dimension politique et totalisante de cette religion, un État doit pouvoir légitimement restreindre ses manifestations.

Les notions d’ « islamophobie » ou encore de « christianophobie » relèvent d’une logique naturaliste, c’est-à-dire partant du principe que la religion fait partie de la nature de la personne. En effet, ces notions sont reconnues aux côtés de l’antisémitisme et assimilent ainsi le rejet de religions – islam et christianisme – à de la haine raciale – la haine contre les Juifs, non en raison de leur religion mais de leur supposée « race ». Cette logique amalgamant les religions et les « races » est contraire au droit à la liberté de religion, qui repose sur l’idée que la religion est un choix, indépendant de la « race » supposée[15].

Allons au bout de ce raisonnement : être hostile à une religion est protégé par le droit à la liberté de pensée et d’expression. En revanche, ce n’est pas le cas de l’antisémitisme, comme de toutes les formes de racisme, qui doivent être criminalisés par les États. L’objet de ce rappel n’est pas de promouvoir l’« islamophobie », ni la « christianophobie », mais de faire la différence entre ces phénomènes et le racisme. Malheureusement, comme nous l’avions déjà montré, les organes des Nations unies amalgament « l’islamophobie, l’antisémitisme, la christianophobie »[16].

 

Ahmed Shaheed s’intéressera-t-il également à la « christianophobie » ?

Avant son rapport de février 2021 « Combattre l’islamophobie », Ahmed Shaheed a déjà publié un rapport intitulé « Combattre l’antisémitisme » en septembre 2019[17]. Mgr Ivan Jurkovic, observateur permanent du Saint-Siège à Genève, a considéré que la focalisation d’Ahmed Shaheed sur certains groupes « à l’exclusion des autres » était source de « division »[18]. Comme l’avait indiqué un ancien Rapporteur spécial sur le racisme, Doudou Diène, « les stratégies de lutte contre l’antisémitisme, la christianophobie et l’islamophobie doivent promouvoir l’idée qu’il faut traiter ces différentes phobies de la même manière et éviter d’établir des priorités[19] ».

Il est vrai qu’à l’ONU, les deux notions d’antisémitisme et d’ « islamophobie » sont systématiquement associées à la « christianophobie », comme trois « phobies » à traiter sur un pied d’égalité. Par souci de cohérence, après « Combattre l’antisémitisme » et « Combattre l’islamophobie », Ahmed Shaheed rédigera-t-il bientôt un rapport intitulé « Combattre la christianophobie » ?  Si oui, l’ECLJ pourra présenter à M. Shaheed nombre de documents sur les persécutions subies par les chrétiens, dont la religion est la plus persécutée au monde.

 

 

[1] Conseil des droits de l’homme, 46e session, Rapport du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, A/HRC/46/30, 25 février 2021. Ce rapport est disponible uniquement en anglais ; les traductions du rapport, dans cet article, sont donc libres.

[2] Ibid., Résumé.

[3] Le CV officiel d’Ahmed Shaheed, tel que présenté par l’ONU, peut être téléchargé ici.

[4] Center for the Study of Islam and Democracy, “FM receives Muslim Democrat of the Year Award” (article en ligne).

[5] Voir le projet de résolution proposé par le Pakistan, dans sa première version : doc. E/CN.4/1999/L.40, 20 avril 1999.

[6] Voir : Commission des droits de l’homme, “Debates Draft Resolution and Amendments on Defamation Of Islam/Religions, Postpones Action on Drafts to Friday in Hope for Consensus”, doc. HR/CN/940, 29 avril 1999.

[7] Voir : Commission des droits de l’homme des Nations unies, résolutions 1999/82, 2000/84, 2001/4, 2002/9, 2003/4, 2004/6, 2005/3 ; Conseil des droits de l’homme, résolutions 4/9 (30/03/2007), 7/19 (27/03/2008), 13/16 (15/04/2010) ; voir également : Assemblée générale des Nations unies, résolutions A/RES/60/150 (16/12/2005), A/RES/61/164 (19/12/2006), A/RES/62/154 (18/12/2007) et A/RES/65/224 (21/12/2010).

[8] Conseil des droits de l’homme, résolution 16/18, adoptée par consensus (12/04/2011).

[9] Organisation de Coopération Islamique (OCI), Programme d’action OCI – 2025, OIC/SUM-13/POA, avril 2016, § 2.2.4.

[10] Voir, pour ces exemples, les paragraphes suivants du Rapport A/HRC/46/30, précité : 26, 27, 30, 31.

[11] Rapport A/HRC/46/30, précité, § 77. 

[12] Ibid.

[13] Ibid., § 12.

[14] Voir en particulier : Comité des Ministres, Recommandation 1927 (2010), 21 mars 2011 ; Réponse à la question écrite n°596, 7 septembre 2011.

[15] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, article 18 §1 : le droit à la liberté de religion « implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix ».

[16] Voir par exemple : Assemblée générale des Nations unies, Résolution n° 72/177, « Liberté de religion ou de conviction », 19 décembre 2017, § 4.

[17] Assemblée générale des Nations unies, 46e session, Rapport du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, A/HRC/46/30, 25 février 2021. Ce rapport est disponible uniquement en anglais ; les traductions du rapport, dans cet article, sont donc libres.

[18] Mgr Ivan Jurkovic, “Vatican diplomat criticizes ‘divisive’ UN Human Rights Council report on Islamophobia” Catholic News Agency, 6 mars 2021.

[19] Conseil des droits de l’homme, « Racisme, discrimination raciale, xénophobie et formes connexes d’intolérance : Suivi et mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban – Rapport du Rapporteur spécial, M. Doudou Diene, sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée », A/HRC/6/6, 21 août 2007, §3.

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