IEF en France : L'ECLJ alerte l'ONU
La Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à l’éducation a appelé la société civile à contribuer à l’élaboration de son prochain rapport sur les « avancés et défis du droit à l’éducation ». L’ECLJ lui a soumis une contribution écrite pour l’alerter du grand recul de la liberté éducative en France.
Le droit des parents d’instruire leurs enfants a été factuellement abrogé par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Emmanuel Macron avait annoncé le 2 octobre 2020 vouloir interdire complètement l’école à la maison. Justifiant cette restriction par la lutte contre le « séparatisme islamiste », il avait clairement exprimé le ressort profond de ce projet : empêcher les parents de transmettre une religion à leurs enfants. Dans un discours très idéologique, il a notamment dit que : « L’école, c’est le creuset républicain. C’est ce qui fait qu’on protège nos enfants de manière complète par rapport à tout signe religieux, à la religion. C’est vraiment le cœur de l’espace de la laïcité, et c’est ce lieu où nous formons les consciences pour que les enfants deviennent des citoyens libres, rationnels, pouvant choisir leur vie. » Comme si la religion empêchait par nature la rationalité et la liberté.
Après 10 mois de débats sur les difficultés juridiques, légales et matérielles pour porter une telle atteinte aux droits des parents - débats dans lesquels l’ECLJ a pris part aux côtés des familles, l’école à la maison n’a finalement pas été complètement interdite, mais sévèrement restreinte. Le droit des parents d’instruire leurs enfants, qui était un principe fondamental reconnu par les lois de la République, est devenu une dérogation. C’est un changement de paradigme qui signifie la chose suivante : l’État est chargé de l’instruction de vos enfants et, si vous le demandez, il peut exceptionnellement vous accorder le droit de les instruire. L’État prétend se substituer aux parents et décider pour eux ce qui est dans l’intérêt de leurs enfants. Cette prétention fut confirmée le 13 décembre 2022 dans trois décisions du Conseil d’État[1].
Ce changement de principe est contraire au bon sens et au droit naturel. Les parents sont les premiers responsables de leurs enfants et ce sont eux qui sont naturellement obligés de s’en occuper, de les élever et de les instruire jusqu’à ce qu’ils soient indépendants. Cette nouvelle loi française est donc contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule dans son article 26 au 3e paragraphe que : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. »
Outre cette atteinte, il est à présent établi que la réforme n’était pas justifiée sur le fond. À ce jour, le Gouvernement n’a toujours pas été en mesure de prouver qu’il y a un lien entre instruction en famille et radicalisation islamiste ou séparatisme. L’immense majorité des parents qui pratiquent l’instruction en famille le fait bien. Les chiffres officiels du Gouvernement montrent que les contrôles se passent bien et que les injonctions à scolarisation sont extrêmement rares, quelques dizaines par an tout au plus[2]. Sur ces quelques cas problématiques, aucun enfant n’a fait l’objet d’un suivi pour « radicalisation » ou « menace terroriste ».
Enfin, c’est une machinerie administrative qui a été mise en place contre les droits et intérêts des enfants et de leur parents. Un pouvoir discrétionnaire a été donné aux académies qui acceptent ou refusent des demandes d’instruction en famille, souvent sans justification ou de manière très hétéroclite. Des discriminations à raison du lieu d’habitation se sont fait jour. L’imprévisibilité règne et des milliers de familles ont renoncé à instruire eux-mêmes leurs enfants ou en ont été injustement empêchées.
Aujourd’hui le droit à l’éducation est garanti en France, mais de manière insatisfaisante. Violences scolaires, baisse du niveau, manque de professeurs, établissements vétustes, pédagogies désuètes ou inefficaces et bien d’autres maux : l’école publique ne répond pas correctement à de nombreux défis. Face à cela, l’instruction en famille représente une opportunité pour les parents et la société de faire progresser l’éducation des enfants. L’école à la maison est une liberté qui fonctionne et aide les enfants à réussir et non une menace pour l’État.
C’est en substance ce que nous avons explicité à la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation dans notre contribution. Il s’agit de Mme Farida Shaheed, une Pakistanaise élue à ce poste en 2022. Sur la base des contributions reçues, la Rapporteuse publiera un rapport qu’elle présentera lors de la session de juin 2023 du Conseil des droits de l’homme. L’ECLJ participera au débat avec elle sur ce sujet, afin qu’elle enjoigne le Gouvernement français à réformer sa loi.
Signez notre pétition pour soutenir notre action internationale pour le droit des parents d’instruire leurs enfants.
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[1] Conseil d’État, 4e et 1ère Chambres réunies, N°462274, 13 décembre 2022, § 2.
[2] Collectif « Les enfants d’abord », Les rapports de la DGESCO des années 2019/20 et 2021/22 communiqués, 29 décembre 2022, accessible ici.