Délinquants étrangers : les droits de l’homme contre la sécurité nationaleGradient Overlay
CEDH

Délinquants étrangers : les droits de l’homme contre la sécurité nationale

Droits de lhomme v. sécurité nationale

Par Nicolas Bauer1733305939487
Partager

Le 12 novembre 2024, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu ses jugements dans trois affaires relatives à l’expulsion de délinquants étrangers par le Danemark : Sharafane (n°5199/23), Savuran (n°3645/23) et Al-Habeeb (n°14171/23). L’ECLJ était tierce-partie dans ces trois affaires et a défendu le droit des États d’expulser des délinquants étrangers.

Dans la première affaire (Sharafane), la CEDH a condamné le Danemark pour avoir expulsé un trafiquant de cocaïne irakien. Dans les deux autres affaires, la CEDH a validé l’expulsion d’un trafiquant de cocaïne turc (Savuran) et celle d’un Irakien condamné à de multiples reprises pour des violences et agressions, notamment au couteau, ainsi que pour tentative de vol (Al-Habeeb).

Au-delà des cas d’espèce, ces trois jugements ont été l’occasion pour la CEDH de créer un nouveau principe, une forme de « garantie de retour » pour tout délinquant expulsé. Pour chaque affaire, la CEDH a voulu éviter que « les perspectives du requérant d’être réadmis au Danemark après l’expiration de l’interdiction de retour (...) restent purement théoriques ». Ainsi, l’expulsion de M. Sharafane violait ses droits car il ne semble pas qu’il entrera dans les conditions pour immigrer légalement après la durée de son expulsion, fixée à six ans. En revanche, si la CEDH a validé les expulsions de MM. Savuran et Al-Habeeb, c’est que ceux-ci auront la possibilité de demander un droit au regroupement familial pour revenir au Danemark après leurs expulsions fixées respectivement à six et douze ans. Par exemple, dans le cas de M. Al-Habeeb, la CEDH précise : « Les chiffres semblent (...) indiquer que pour une personne qui, comme le requérant, a un conjoint danois ou un partenaire cohabitant de longue durée, la perspective d’entrer à nouveau au Danemark au titre du regroupement familial n’est pas purement théorique ».

Autrement dit, un délinquant étranger semble pouvoir toujours se maintenir en Europe : soit il y a une famille et pourra donc revenir par le regroupement familial, après quelques années d’expulsion, soit il n’a pas de famille en Europe et la jurisprudence de la CEDH bloquera son expulsion.

Cette évolution de la jurisprudence s’inscrit dans une continuité. Alors que les expulsions d’étrangers étaient à l’origine bloquées uniquement en cas de risques de torture dans le pays d’origine, les juges européens se fondent aussi sur le respect de la « vie privée et familiale » depuis 1988[1]. Sur ce même fondement, la CEDH s’est reconnu le droit de bloquer également les déchéances de nationalité de binationaux depuis 1999. Elle a interdit les expulsions « permanentes » en 2021. Elle interdit maintenant, à l’occasion de ces trois affaires danoises, les expulsions qui ne sont pas assorties d’une garantie de retour.

L’ECLJ a dénoncé dans les médias ce nouveau « droit au retour » des délinquants étrangers : nous vous invitons notamment à lire cette tribune publiée dans Le Figaro ainsi que cette interview dans le Journal du dimanche (JDD). 

Les trois jugements du 12 novembre ont été rendus par une Chambre de sept juges de la CEDH, comme la plupart des jugements. Or, dans ce panel, seuls deux juges sont magistrats. Trois autres juges ont fait partie d’ONG financées par l’Open society : Gabriele Kucsko-Stadlmayer, présidente de la Chambre, Tim Eicke et Mateja Durovic, récemment élu. C’est pire que dans la plupart des formations de jugement et cela contribue à expliquer cette nouvelle jurisprudence idéologique. L’ECLJ incite encore une fois le Conseil de l’Europe à ce que les magistrats soient privilégiés pour être juge à la CEDH.  

 

[1] Pour consulter l’ensemble des références d’arrêts, nous vous invitons à lire nos observations écrites dans les trois affaires contre le Danemark : Sharafane (n°5199/23), Savuran (n°3645/23) et Al-Habeeb (n°14171/23).

Je donne

Cookies et vie privée

Notre site internet ne diffuse aucune publicité pour le compte de tiers. Nous utilisons simplement des cookies pour améliorer la navigation (cookies techniques) et pour nous permettre d'analyser la façon dont vous consultez notre site internet, afin de l'améliorer (cookies analytiques). Les informations personnelles qui peuvent vous être demandées sur certaines pages de notre site internet (comme s'abonner à notre Newsletter, signer une pétition, faire un don...) sont facultatives. Nous ne partageons aucune de ces informations que nous pourrions recueillir avec des tiers. Vous pouvez consulter notre politique de confidentialité et de sécurité pour ici plus de précision.

Je refuse les cookies analytiques