Alors que le Comité des droits de l'homme des Nations unies venait d'adopter son Observation générale sur le droit à la vie, un des experts, M. Fathalla a courageusement critiqué l'ouverture à "un droit à l'avortement" qu'elle contient et a montré combien une telle ouverture contredit le principe du droit à la vie que le Pacte est censé défendre. Des propos qui ont agacé les experts qui s'étaient précisément battu pour une telle libéralisation : MM. Ben Achour, de Frouville et Mme Cleveland.
Le mandat de M. Olivier de Frouville, expert français au Comité des droits de l’homme des Nations unies, est arrivé à son terme le 31 décembre 2018.
En effet, le 30 octobre 2018 à Genève (Suisse), les experts de ce Comité ont adopté un texte important : une Observation générale sur l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur le droit à la vie. Au lieu d’expliciter les droits contenus dans le Pacte comme cela est leur mission, les experts ont outrepassé leur mandat et ont réussi le tour de force de promouvoir l’avortement au nom de la santé et du droit à la vie des femmes.
Ce texte de 70 paragraphes a été discuté pendant plus de trois ans par les experts. Il est marqué par un esprit abolitioniste contre la peine de mort et surtout par un abandon de toute protection de la vie humaine intra-utérine. Il ouvre également la possibilité pour les États de légaliser le suicide assisté. Tout cela en contradiction avec la lettre et l’esprit du Pacte adopté 1966 et ratifié en 1980 par France.
Pendant les discussions, personne au sein du Comité n’avait osé mettre en cause la contradiction flagrante et fondamentale entre la protection du droit à la vie et l’avortement. M. de Frouville avait, de concert avec M. Ben Achour (Tunisie) et Mme Cleveland (États-Unis), réussi à dominer les discussions pour promouvoir l’avortement et abolir « toute barrière » s’élevant contre sa pratique qui devrait être « sûre et légale. » De manière choquante et notable, M. de Frouville avait déclaré que « le droit à l’avortement est au cœur du droit à la vie » et M. Ben Achour avait fait la promotion du dépistage prénatal pour éliminer avant leur naissance les enfants atteints d’un handicap.
L’ECLJ est intervenu dans ces débats en présentant officiellement ses commentaires et avait dénoncé les propos scandaleux de M. Ben Achour qui a par la suite présenté ses excuses, sans se dédire sur le fond.
Ce fut donc une surprise, qui n’a pas eu la publicité qu’elle méritait, lorsque le 30 octobre 2018, le jour de l’adoption du texte, un des experts dénonça publiquement cette contradiction, brisant le consensus du Comité sous les regards noirs des trois promoteurs de l’avortement sans restriction.
Voici ce que M. Fathalla, expert égyptien à qui nous rendons hommage, déclara :
“ Permettez-moi d’exprimer mon opinion sur la question traitée au paragraphe 8, concernant l’interruption volontaire de grossesse, en particulier le libellé utilisé dans une partie de ce paragraphe et je cite : « Les États parties ne devraient pas introduire de nouveaux obstacles et supprimer les obstacles qui empêchent les femmes et les filles d’accéder effectivement à un avortement légal et sans risques. » À mon avis, ce libellé implique une légalisation de l’avortement sans restriction, ce qui reviendrait en soi à nier le droit à la vie d’un enfant à naître ou d’un fœtus, et contredirait le principe énoncé au paragraphe 2 de l’Observation générale sur le droit à la vie : « Il s’agit du droit suprême auquel aucune dérogation n’est autorisée ». Ainsi, autoriser l’avortement sans critère, ni restriction, ni condition et laisser cette décision au libre arbitre d’une femme ou d’une fille sous couvert de respecter leur libre choix et leur vie privée conduira aux résultats suivants. Premièrement, c’est accorder la priorité aux principes de libre choix et de la vie privée sur le droit à la vie qui est un droit primordial dont il faut jouir avant de pouvoir parler d'autres droits énoncés dans le Pacte. Deuxièmement, c’est ignorer toutes les preuves médicales indiquant qu’à une certaine période de la grossesse, le fœtus ou l’enfant à naître a une vie. Troisièmement, priver l’enfant à naître ou le fœtus du droit à la vie sans motif sérieux et donner la liberté de mettre fin à la vie d’un fœtus ou d'un enfant à naître sans motif juridique est considéré en soi comme une violation du droit à la vie. »
Il fut alors interrompu par un point d’ordre demandé par M. Ben Achour qui lui reprocha vivement ses propos :
« Nous sommes là pour consacrer l’adoption d’une observation générale […] je ne suis pas d’accord avec le fait qu’on s’autorise ce genre de propos. Je tenais à vous le dire parce que je pense que ça déborde un petit peu le contexte dans lequel nous travaillons actuellement. »
Cet « incident de séance » survenu le jour de l’adoption de cette observation générale montre plusieurs choses :