En Algérie, les restrictions de la liberté de réunion pacifique et d'association privent les chrétiens algériens d’exercer librement leur foi. Sans la possibilité pour les Églises évangéliques de se constituer en association religieuse ni la reconnaissance des édifices destinés au culte, chaque réunion pour le culte devient alors interdite. Le vice-président de l’Église protestante d’Algérie en a fait les frais. Il attend maintenant le verdict de son procès le 26 mars 2023.
Le pasteur Youssef Ourahmane, vice-président de l’Eglise protestante d’Algérie, se défendra devant la justice pour un deuxième appel ce mardi 26 mars. Condamné en septembre puis novembre 2023 pour avoir célébré un culte non autorisé, dans un édifice non permis à cet effet, il risque un an de prison. En mars 2023, il avait supervisé quelques familles chrétiennes en vacances dans un complexe paroissial qui abritait une chapelle fermée par les autorités.
Aujourd’hui, les chrétiens algériens sont dans un flou juridique entretenu à dessein par les autorités, et que le Centre européen pour le droit et la justice a déjà dénoncé. Par l’ordonnance de 2006, l’Algérie reconnait, sans le nommer, le culte chrétien. En effet, l’ordonnance encadre l’exercice des « cultes autres que musulmans » (article 1) et elle « garantit le libre exercice de culte » dans le cadre du respect « de l’ordre public » et « des bonnes mœurs », tout en rappelant la primauté de l’islam, religion de l’Etat (article 2).
L’absence de reconnaissance des lieux de culte chrétiens
En réalité, cette ordonnance vise essentiellement à restreindre les conversions vers le christianisme, de plus en plus nombreuses depuis le début des années 2000. En effet, elle impose des dispositions pénales sévères concernant le prosélytisme (article 11). De plus, elle donne un cadre législatif très contraignant pour l’exercice du culte autre que musulman, notamment en ce qui concerne la reconnaissance des lieux de culte (articles 5 et 7).
En conséquence, pour pouvoir se réunir et prier, les chrétiens algériens sont obligés de construire des églises sans autorisation formelle qui tarde à venir. Autrement, ils construisent des bâtiments privés avec autorisation mais qu’ils utilisent pour le culte. Dans les deux cas, les autorités ferment les églises les unes après les autres. Lorsque les associations rectifient des problèmes de sécurité identifiés par les autorités, ils n’obtiennent pas de réponse à leur demande d’enregistrement. Cette problématique a été remontée au Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association, Clement Nyaletsossi Voule, lors de sa visite en Algérie en septembre 2023.
Les Églises confrontées au silence de l’administration
À cette exigence concernant la reconnaissance du lieu de culte, l’ordonnance de 2006 ajoute celle de la reconnaissance de l’association religieuse, qui est quant à elle détaillée dans la loi de 2012 sur les associations. Toutes les associations régulièrement constituées ont été obligées de s’enregistrer de nouveau pour se conformer aux nouvelles dispositions plus contraignantes, ce qui est contraire aux recommandations de l’ONU (Rapport A/64/226 du 4 août 2009, §108).
Les autorités algériennes peuvent refuser arbitrairement l’enregistrement des associations dont elles considèrent l’objet et les buts « contraires aux constantes et aux valeurs nationales ainsi qu’à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois et règlements en vigueur » (article 2), critères extrêmement vagues et imprécis permettant des abus. L’administration peut se permettre le silence afin de faire trainer voire d’enterrer l’obtention de l’agrément (article 11).
Les restrictions de la liberté de réunion pacifique et d'association privent les chrétiens algériens de la faculté d’exercer librement leur foi. Sans la possibilité pour les Églises évangéliques de se constituer en association religieuse ni la reconnaissance des édifices destinés au culte, chaque réunion pour le culte devient alors interdite. Non seulement les autorités algériennes ferment et mettent sous scellés les bâtiments d’églises, mais plus encore elles poursuivent les responsables si leurs communautés ne cessent pas de se réunir.
Les lois algériennes sont un trompe-l’œil. Si elles donnent un cadre juridique qui pourrait être satisfaisant, leur application abusive attente aussi bien à la liberté d’association que de réunion des chrétiens algériens, et in fine, à leur liberté de religion. L’Algérie doit donc respecter ses engagements internationaux et se mettre en accord avec les articles 20 de la déclaration universelle des droits de l’homme et 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les chrétiens algériens ne constituent en rien une menace pour l’unité et la paix nationales, et encore moins une menace terroriste ou extrémiste.