JD Vance, vice-président des États-Unis, a prononcé un discours la semaine dernière à Munich en Allemagne, soulignant certaines menaces pesant sur la liberté d'expression en Europe. Comme il l'a dit, la lutte contre les «discours de haine» est souvent utilisée comme prétexte pour justifier la censure des déclarations «controversées» sur le plan politique ou religieux.
En 1963, le président américain J. F. Kennedy soutenait la liberté à travers son célèbre discours à Berlin, Ich bin ein Berliner. En 2025, c'est par la voix de JD Vance que les États-Unis promeuvent les libertés fondamentales en Europe.
Les propos de JD Vance rejoignent les combats que l'ECLJ mène depuis plusieurs années pour défendre la liberté d'expression, notamment devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), les Nations unies et les institutions françaises. Ces dernières années, l'ECLJ a observé et dénoncé un recul de la liberté d'expression. Nous pouvons attester que les déclarations de JD Vance sont tout à fait justifiées et loin d'être exagérées.
La Grèce interdit le prosélytisme en général dans sa Constitution, à l'article 13-2: «Le prosélytisme est interdit.» L'ECLJ est intervenu en tant qu'amicus curiae dans plusieurs affaires portées devant la CEDH pour défendre la liberté des chrétiens de diffuser l'Évangile. Dans l'affaire la plus récente, le requérant a été condamné pour avoir parlé de sa foi à l'un de ses amis. Cette condamnation a été prononcée malgré le témoignage de son ami devant le tribunal, qui a déclaré qu'il était tout à fait libre d'embrasser la foi chrétienne.
L'ECLJ est également tièrce partie dans une affaire en cours devant la CEDH, Velev et autres c. Bulgarie (n°56007/21), concernant l'interdiction dans les municipalités bulgares du porte-à-porte à des fins religieuses uniquement.
La liste des cas et des menaces de poursuites est longue. La religion chrétienne est la seule à ne bénéficier d'aucun mécanisme de lutte contre la haine et la discrimination spécifique au Conseil de l'Europe ou dans l'Union européenne.
JD Vance a dénoncé dans son discours la loi britannique de «zone tampon», qui criminalise la prière silencieuse et d'autres actions qui pourraient influencer la décision d'une personne dans un rayon de 200 mètres autour d'un centre médical pratiquant l'avortement.
De telles lois censurant les discours pro-vie sont très courantes en Europe. À titre d'illustration, en France, un crime a été introduit en 1993 puis étendu par les gouvernements successifs: le « crime d'entrave à l'avortement ». Ce crime interdit de tenter d'empêcher une femme d'avorter, même en ligne. Cependant, il est tout à fait permis de tenter d'empêcher une femme de poursuivre sa grossesse. De nombreuses femmes disent ainsi s'être senties contraintes d'avorter en raison de la pression du père de l'enfant ou du Planning familial.
Dans sa jurisprudence, la CEDH condamne «l'islamophobie», l'assimilant à l'antisémitisme et au racisme,[1] alors que ces phénomènes sont distincts: contrairement à la religion, qui relève d'un libre choix individuel, la race n'est pas un choix, mais une réalité imposée à l'individu. En revanche, la CEDH n'a jamais condamné «la christianophobie» ou «la judéophobie».[2]
Concernant la critique des religions en général, la jurisprudence de la CEDH a été critiquée pour son incohérence, en raison de solutions divergentes difficiles à justifier juridiquement.[3] L'islam est souvent favorisé par rapport au christianisme et au judaïsme dans ces décisions.
En 2018, la CEDH a approuvé la condamnation de Mme Sabaditsch-Wolff, une conférencière qui a assimilé l'union de Mahomet avec Aïcha, qui n'avait que 9 ans, à de la pédophilie (E.S. c. Autriche, n°38450/12, 25 octobre 2018). La CEDH a considéré que les propos de Mme Sabaditsch-Wolff étaient «susceptibles de susciter une indignation justifiée» chez les musulmans, estimant qu'ils constituaient «une violation malveillante de l'esprit de tolérance, qui était l'un des fondements d'une société démocratique» susceptible de «mettre en péril la paix religieuse». Cette affaire avait suscité de vives réactions. Les plus hautes autorités islamiques y ont vu une approbation de leur répression du blasphème. L'ECLJ avait soumis des observations écrites dans cette affaire.
De même, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, dans des résolutions adoptées dans les années 2000[4], a appelé à la criminalisation de la «diffamation des religions», qui porte «atteinte à la dignité humaine» et consiste notamment à diffuser des «stéréotypes négatifs». Ces résolutions ont été introduites par l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Ahmed Shaheed, ancien Rapporteur spécial sur la liberté de religion, a également publié un rapport intitulé «Combattre l'islamophobie» (2021), qui fait écho à un objectif de l'OCI.
En 2023, le Conseil des droits de l'homme a adopté une résolution qui «condamne et rejette fermement tout appel à la haine religieuse et toute manifestation de haine religieuse, y compris les actes publics et prémédités de profanation du Saint Coran» et appelle les États à prévenir et à punir de tels actes. La résolution les décrit comme des «manifestations de haine religieuse» et appelle à leur interdiction sur cette base. La résolution avait été proposée par le Pakistan et la Palestine au nom des 57 États membres de l'OCI en réponse à la profanation du Coran par Salwan Momika, qui a depuis été assassiné, fin janvier 2025, comme l'a mentionné JD Vance dans son discours.
La CEDH a confirmé les condamnations d'Éric Zemmour, homme politique français, et de CNEWS, première chaîne d'information française, pour des propos contre l'immigration.
Éric Zemmour a été condamné pour avoir dénoncé une «invasion», une «colonisation» et la «lutte pour islamiser un territoire», ainsi que pour avoir déclaré: «Je pense qu'il faudrait leur donner le choix entre l'islam et la France» (Zemmour c. France, n°63539/19, 20 décembre 2022).
CNEWS a été condamné deux fois, d'abord pour un discours disant «L'immigration, l'islam, l'islamisme, c'est le même sujet», tout en faisant référence à la nécessité de prendre des «mesures radicales» contre l'immigration (CNEWS c. France (déc.), n°60131/21, 7 nov. 2023), et ensuite pour un autre discours comparant les migrants à des «voleurs», des «violeurs», des «meurtriers» et «envahisseurs» (CNEWS c. France (déc.), n°52837/22, 19 déc. 2024).
Pourquoi l'Europe défend-elle si mal la liberté d'expression? Outre l'explication courante des différences culturelles entre les États-Unis et l'Europe en matière de liberté, la principale explication demeure politique. Les parlements européens sont remplis de ce que les Américains appellent des «RINO», des "Républicains de nom seulement - la "fausse droite", qui a peur de s'opposer à la gauche sur ce sujet. Ils avaient et ont toujours peur d'être qualifiés de «haineux», de «fascistes», etc. et continuent de voter des lois restreignant la liberté d'expression.
Nous espérons que le discours de JD Vance servira d'appel au réveil pour les partis conservateurs à travers l'Europe, les encourageant à être plus courageux et proactifs dans la défense de la liberté d'expression. En attendant, l'ECLJ continuera à se battre pour la liberté d'expression et à aider les citoyens qui nous contactent à faire face à la censure.
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[1] CEDH, Paksas c. Lituanie [GC], n° 34932/04, 1er juin 2011, § 88 ; Leroy c. France (déc.), n° 36109/03, 2 octobre 2008, § 27 ; S.A.S. c. France [GC], n° 43835/11, 1er juillet 2014, § 149.
[2] « Guide sur l'article 17 de la Convention européenne des droits de l'homme - Interdiction de l'abus de droit », mis à jour le 31 août 2024, pp. 35 à 44.
[3] Comparer notamment les arrêts E.S. c. Autriche (n° 38450/12, 25 octobre 2018) avec Mariya Alekhina et autres c. Russie (n° 38004/12, 17 juillet 2018), Bouton c. France (n° 22636/19, 13 octobre 2018), Sekmadienis Ltd. c. Lituanie (n° 69317/14, 30 janvier 2018), Tagiyev et Huseynov c. Azerbaïdjan n° 13274/08, 5 décembre 2019) et Rabczewska c. Pologne (n° 8257/13, 15 septembre 2022). Voir : BAUER, Nicolas, PUPPINCK, Grégor, « Discours antireligieux : libertés individuelles et obligations des États », Revue des deux Cités : Société, droit, politique et religion, Presses universitaires de Louvain, n°1, déc. 2023, pp. 173 à 176.
[4] Voir : CDH, résolutions « Lutte contre la diffamation des religions », E/CN.4/RES/1999/82, 30 avr. 1999 ; E/CN.4/RES/2000/84, 26 avr. 2000 ; E/CN. 4/RES/2001/4, 18 avril 2001 ; E/CN.4/RES/2002/9, 15 avril 2002 ; E/CN.4/RES/2003/4, 14 avril 2003 ; E/CN. 4 /RES/2004/6, 13 avril 2004 ; E/CN.4/RES/2005/3, 12 avril 2005 ; A/HRC/RES/4/9, 30 mars 2007 ; A/HRC/RES/7/19, 27 mars 2008 ; A/HRC/RES/10/22, 26 mars 2009 ; A/HRC/RES/13/16, 15 avril 2010. Voir aussi : AGNU, résolutions « Combattre la diffamation des religions », A/RES/60/150, 16 décembre 2005 ; A/RES/61/164, 19 décembre 2006 ; A/RES/62/154, 18 décembre 2007. 16 décembre 2005 ; A/RES/61/164, 19 décembre 2006 ; A/RES/62/154, 18 décembre 2007 ; A/RES/65/224, 21 décembre 2010.
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