Un de Nous: Conclusions Avocat général
Le 29 juillet 2019, l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, Michal Bobek, a rendu ses Conclusions dans l'affaire C-418/18 P, désormais rebaptisée Puppinck et autres contre Commission. Dans ses Conclusions, l'avocat général affirme que le Tribunal a eu raison de ne pas invalider la décision de la Commission de ne pas présenter de proposition législative dans le cadre de l'initiative citoyenne européenne "Un de nous".
Pour comprendre les enjeux et la procédure, retrouvez ici un résumé de toute l'affaire.
Les organisateurs de l’initiative citoyenne européenne (ICE), bien que déçus par cet avis de l’avocat général, n'en sont en rien étonnés. Dès le début de la procédure, ils ont clairement dit avoir conscience que le libellé des dispositions pertinentes du droit des traités de l'UE et du règlement n° 211/2011 pouvait s'interpréter de manière restrictive, peu respectueuse des citoyens. C'est cette interprétation légale restrictive que la Commission et le Tribunal ont adoptée et à laquelle l'avocat général apporte également son soutien. Cependant, l’historique de la rédaction des dispositions pertinentes est quelque peu sélectif, omettant certaines sources très pertinentes. Pour ne citer qu'un exemple, lors d'une audition publique qui s'est déroulée le 26 février 2015 au Parlement européen à Bruxelles, Diana Wallis, à cette époque Rapporteur de la commission PETI sur le règlement des ICE, a rappelé que l'ICE avait été conçue comme « un nouveau pas en avant » pour « mettre en place une véritable démocratie participative ». L’objectif était de faire en sorte que les citoyens « non seulement puissent se plaindre de quelque chose », mais aussi pour leur donner le pouvoir « d’appuyer sur le bouton de démarrage du processus législatif ». C’est ce que les députés européens de l’époque pensaient réaliser et que les citoyens pensaient obtenir.
Selon la Commission européenne, le Tribunal de l'Union européenne et l'avocat général, l'ICE n'habilite aucunement les citoyens à faire ou à obtenir ce qu'un lobbyiste intelligent et habile pourrait obtenir sans avoir collecté un million de signatures (ou, comme la plus réussie à ce jour, "Un de nous", presque deux millions). Les organisateurs de l'ICE n'ont jamais prétendu qu'un texte approuvé par au moins un million de citoyens (sur 500 millions) devait automatiquement devenir une loi. Cependant, selon l'avocat général, la Commission européenne - qui est un organe purement exécutif - est tout à fait libre d'empêcher qu'une ICE réussie ne soit soumise au vote des deux organes législatifs de l'UE, le Parlement européen et le Conseil (les deux ayant un mandat "plus démocratique" que celui de la Commission). Ceci, nous dit-on, afin de « préserver le fragile équilibre institutionnel de l’Union ».
Comme indiqué ci-dessus, cette approche peut être conforme au libellé des dispositions juridiques pertinentes. Mais ce que cela signifie réellement, c'est que l'ICE est un instrument inefficace pour rendre l'UE plus démocratique. Les arguments de l’avocat général peuvent bien être fondés sur un plan purement juridique, mais sa tentative (au § 63 de ses conclusions) d'expliquer pourquoi les citoyens devraient toujours considérer l'ICE comme un outil utile est un échec. Son utilisation bizarre et même malheuseuse dans une argumentation juridique d'une métaphore tombe à plat : la question n'est pas de savoir si l'ICE était destinée à être un "pigeon" ou un "lapin", mais bien de savoir si l'ICE est vivante ou morte. Si la Cour suit le raisonnement de l'avocat général, la conclusion inévitable sera que ce nouvel instrument de démocratie participative, introduit en 2012 en grande pompe, est en fait une coquille vide. Aucune des propositions de réforme de l'ICE actuellement discutées ne changera cela.
À l'heure du "Brexit", un tel résultat serait déplorable, non pas spécifiquement pour l'initiative « Un de nous », mais pour toutes les ICE et, finalement, pour l'Union européenne en tant qu'institution cherchant à renforcer sa légitimité démocratique.
La décision de la Cour de justice de l'Union européenne devrait être rendue à la fin de l'année 2019 et, sauf surprise, suivra l'avocat général dans ses conclusions.