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Le Centre pour les droits reproductifs, nouveau partenaire de l’OMS : les États divisés

Le Centre pour les droits reproductifs, nouveau partenaire de l’OMS

Par Louis-Marie Bonneau1718621042367
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Le Centre pour les droits reproductifs (Center for Reproductive Rights – CRR) est un lobby fondé en 1992 et dédié au contentieux juridique au sujet de l’avortement et de la contraception. Le CRR a ainsi intenté de nombreux procès dans des pays dotés de lois pro-vie. Le CRR affirme que son travail a conduit 1,7 milliard de personnes à vivre dans des pays dont les lois sont devenues plus favorables à l’avortement. Ce travail est financé par de nombreuses organisations, dont les Fondations Open Society, Ford et MacArthur. Melinda Gates a également annoncé, en mai 2024, vouloir subventionner à hauteur d’un milliard de dollars des organisations féministes, dont le CRR.

Le CRR intervient également dans les organisations internationales ; il possède notamment le statut ECOSOC depuis 1997. Comme cela a déjà été démontré, le CRR a promu une approche radicale sur l’éducation sexuelle ou les questions de genre à l’occasion de contributions écrites adressées au Comité des droits de l’homme de l’ONU (CCPR) et au Comité des droits des femmes (CEDAW). Dans ces soumissions, le CRR ne cesse de répéter que l’avortement légal est nécessaire pour améliorer la santé maternelle. De nombreux chiffres prouvent le contraire, et même si cela était vrai, cela est au prix de la mort des enfants que ces femmes portent.

Le Centre pour les droits reproductifs s’est également engagé dans des procédures à la CEDH contre les décisions de justice polonaise restreignant l’avortement. Il est notamment intervenu avec la Federation for Women and Family Planning (Federa) dans le suivi de l’exécution des arrêts dans les affaires Tysiąc, R.R et P. et S contre Pologne. Le Center for Reproductive Rights finance en partie Federa.

Le CRR est enfin très engagé dans le travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est intervenu, par la voix de Christina Zampas, dans la rédaction de lignes directrices extrêmes sur l’avortement publiées par l’OMS en 2022. Christina Zampas est la directrice associée du plaidoyer mondial au Center for Reproductive Rights. Dans le cadre de la rédaction des lignes directrices, l’OMS l’avait nommée conseillère en matière de droits de l’homme. Pour poursuivre son action à cet organe onusien, le CRR a souhaité en 2023 faire partie des organisations ayant des « relations officielles » de collaboration avec l’OMS. Cette demande a suscité une profonde division parmi les États membres de l’Organisation.

 

Le cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques

L’Organisation mondiale de la santé a pour but d’amener la population des États membres au plus haut niveau de santé possible. Pour cela, l’Assemblée mondiale de la santé, organe décisionnel suprême de l’OMS, détermine les politiques de l’Organisation. Préalablement à son travail, le Conseil exécutif, composé de 34 membres élus pour trois ans, fixe le programme de l’Assemblée mondiale de la santé et les résolutions qui y seront examinées.

Ainsi, c’est au Conseil exécutif de décider d’admettre des organisations à entretenir des relations officielles avec l’OMS. Le 1er janvier 2024, il y en avait 217. La plupart du temps, le Conseil exécutif décide de l’admission d’une organisation par consensus, sans réelles difficultés. D’après le Cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques (FENSA), les buts et activités de ces entités doivent être en harmonie avec l’esprit, les fins et les principes de la Constitution de l’OMS, et contribuer de manière notable au progrès de la santé publique (Article 50). Le texte précise aussi que les collaborations doivent présenter des avantages manifestes pour la santé publique, protéger l’OMS de toute influence indue et ne pas compromettre l’intégrité, l’indépendance, la crédibilité et la réputation de l’OMS (Article 5). Le FENSA reconnaît également qu’une telle collaboration permet le renforcement des organisations dans un but de santé publique (Article 6). Ainsi, cette collaboration peut comporter des risques. Le FENSA cite en particulier la possible influence exercée par un acteur non étatique sur les travaux de l’OMS et le fait que cette collaboration renforce l’image et le poids de cet acteur (Article 7).

D’après le paragraphe 60 du cadre de collaboration FENSA, pour faire son choix, le Conseil exécutif s’appuie sur le Comité du programme, du budget et de l’administration du Conseil exécutif (PBAC) qui doit examiner les demandes présentées et adresser des recommandations au Conseil. Le PBAC reçoit les demandes de collaboration via le Secrétariat de l’OMS (Article 27) qui procède à un examen initial pour déterminer si celle-ci est conforme à un certain nombre de critères énoncés par le FENSA au paragraphe 5 dudit cadre. Le Directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, est à la tête du Secrétariat.

 

L’examen de la demande de collaboration du Centre pour les droits reproductifs

En décembre 2023, le Secrétariat avait présenté au Conseil la candidature du Centre pour les droits reproductifs après avoir conclu que cette organisation remplissait les critères établis par le FENSA. Il était alors demandé au Conseil exécutif d’admettre le CRR à des relations officielles avec l’OMS. Le PBAC avait alors examiné la demande et avait « pris note de la conclusion du Secrétariat selon laquelle ces deux entités répondaient aux critères voulus, mais compte tenu de certaines divergences de vues, aucune recommandation n’a été émise » (§67). Pour donner suite à cela, en janvier 2024, le Conseil exécutif avait demandé au PBAC de poursuivre ses débats pour émettre une recommandation en mai 2024. Toutefois, après sa réunion de mai, le PBAC n’avait toujours pas trouvé de recommandation consensuelle à proposer (§42). Le Comité avait néanmoins réaffirmé sa confiance dans le Secrétariat concernant le respect des critères d’admissibilité.

Du 3 au 4 juin 2024, s’est tenu la 155e session du Conseil exécutif. À cette occasion, le débat s’est longuement poursuivi et a confirmé un dissensus important sur cette question. Les États membres du Conseil, en deux blocs opposés, ont tout d’abord pris la parole. La Pologne au nom de l’Union européenne et de ses États membres, le Brésil, la Bulgarie, la Barbade, la Thaïlande, le Maroc, Israël, la Norvège, le Chili, la Suisse, le Canada, l’Australie et les États-Unis ont argumenté dans le sens d’une inclusion du Centre pour les droits reproductifs à la liste des acteurs non étatiques en relations officielles avec l’OMS. Ils se sont basés pour cela principalement sur un argument technique : le Secrétariat a jugé que CRR répondait aux critères du FENSA donc rien ne devrait s’opposer à son inclusion à la liste. Ils étaient soutenus pour cela par 32 autres états représentés par le Mexique.

D’autres États se sont opposés à cette inclusion, c’est le cas du Sénégal, au nom des 47 États membres de la région Afrique de l’OMS, accompagnés du Togo. D’autres États non-membres du Conseil les ont soutenus, c’est le cas du Qatar, au nom de la région EMRO (21 États), du Pakistan, au nom de l’Organisation de la Coopération islamique – OCI (57 États), de la Russie, de l’Égypte, du Yémen, de l’Iran et de la Somalie. Ces États ont fait valoir que leurs légalisations s’opposent aux concepts et notions promues par le CRR. 105 États membres de l’OMS sur 194 ont ainsi fait valoir leur opposition (les États de l’EMRO étant majoritairement membres de l’OCI).

 

Le militantisme pro-avortement du Directeur général de l’OMS

À la suite de ces débats, les délégués ont été invités à prendre note du rapport du Directeur général présentant la candidature du CRR. En l’absence de consensus, ils ont pris cette décision lors d’un vote à main levée. Le président de la réunion les a ensuite invités à étudier le projet de décision admettant le CRR à des relations officielles avec l’OMS. Le Qatar a pris la parole en premier pour s’y opposer, expliquant que l’activité du Centre pour les droits reproductifs est opposée aux lois et usages de beaucoup d’États, le Sénégal a rejoint cette position. À l’inverse les États-Unis et la Norvège ont appelé à ne pas politiser le débat, considérant que le CRR respecte les critères du FENSA, ces États estimant que la décision devait être adoptée.

C’est alors que le Directeur général de l’OMS, Tedros Ghebreyesus, a pris la parole pour précisément politiser le débat. Il a immédiatement commencé son intervention en expliquant que le fond du débat était l’avortement. Pour lui, sur cette question, « il faut prendre le parti de la science et des données ». Prenant pour exemple une anecdote personnelle, il a rappelé que lorsqu’il était ministre de la Santé en Éthiopie, une loi de 2005 favorable à l’avortement a réduit la mortalité maternelle. Ainsi, pour lui, sur la base de « données scientifiques probantes », la dépénalisation de l’avortement permet de faire diminuer ce taux de mortalité. Les États ont alors subi un véritable plaidoyer en faveur de la dépénalisation de l’avortement. Il a enfin, conclu en promettant que le CRR n’influencerait pas l’OMS et ne prendrait pas le pas sur les États sur cette question : « cette organisation n’empiétera pas sur des domaines que vous n’approuvez pas ».

Cette intervention de pédagogie très déplacée vis-à-vis des États membres a immédiatement fait réagir l’Égypte. Le délégué de ce pays a en effet expliqué que le problème n’est pas que le CRR veut sauver des vies de femmes enceintes, mais que c’est une organisation qui va bien plus loin en promouvant l’avortement à la demande et le changement de genre. La déléguée française, Amélie Schmitt, a alors pris la parole pour regretter l’intervention égyptienne, ayant souhaité que le Conseil s’en soit tenu à l’intervention du Directeur général de l’OMS. Elle a ensuite accusé les États opposés au CRR de politiser la situation au lien de mettre en œuvre la procédure du FENSA, alors même que le Tedros Ghebreyesus venait de faire un plaidoyer politique défendant le CRR au nom de l’avortement.

 

Le vote de la décision en faveur du Centre pour les droits reproductifs

Constant l’impossibilité d’obtenir un consensus du Conseil exécutif sur le projet de décision initiale, la Norvège a proposé une nouvelle résolution de compromis. Cette dernière reconnaissait les contexte et législations des États membres. Elle reconnaissait aussi que le cadre FENSA s’applique entre le Secrétariat de l’OMS et les acteurs non étatiques et ne s’applique pas à la collaboration entre l’OMS et les États membres. Ces précisions faites, elle admettait donc le CRR à entretenir des relations officielles avec l’OMS.

Plusieurs États ont apporté leur soutien à cette décision alternative. C’est le cas du Costa Rica, des États-Unis, du Brésil, de la Barbade, du Chili, de l’Ukraine, de la Slovaquie, du Canada, de l’Australie, de la Pologne, du Mexique, de la Thaïlande, de la Micronésie, de la Bulgarie, des Pays-Bas, et de la République dominicaine. Certains de ces États ont également argumenté en rappelant que cette décision n’accorde au CRR qu’une collaboration et non un pouvoir de décision. Le Mexique, de son côté, a rappelé que le CRR possède le statut ECOSOC, qu’il est donc par-là déjà inclus dans le système des Nations unies, il ne comprend donc pas le blocage. Enfin, l’Ukraine a parlé sur le fond, en estimant trouver utile la collaboration avec le CRR dans le but de proposer des technologies de reproduction pour améliorer leur démographie qui souffre de la guerre.

Le Sénégal, la Somalie, le Lesotho (au nom de la région africaine), le Zimbabwe, la Chine, le Yémen et la Russie ont exprimé leur opposition. Plusieurs de ces États menés par la Somalie ont demandé de reporter ce point à la session du Conseil exécutif de janvier de 2025 et d’envisager de poursuivre ces discussions lors de l’Assemblée mondiale de la santé de 2025.

Le Conseil exécutif n’ayant pas pu se réunir autour d’un consensus, un vote fut donc organisé. Plusieurs options existaient : le texte initial, le texte de la Norvège, un vote sur une partie du texte et un report de la décision. Pour des raisons liées au règlement, le premier texte à être présenté aux voix devait être le projet de décision initiale. La déléguée française, Amélie Schmitt, a alors repris pour la deuxième fois la parole pour demander de façon scandaleuse un vote secret pour que les délégués puissent voter en leur âme et conscience et peut être contre les consignes de leur capitale. Cette proposition fut approuvée par un vote malgré l’opposition du Qatar, du Sénégal, du Yémen, et de l’Égypte. Le projet de décision fut alors adopté avec 17 voix pour, 13 contre et 4 absentions.

 

La réaction des pays opposés au Centre pour les droits reproductifs

À la suite de ce vote, plusieurs États ont pris la parole. Le Sénégal, le Qatar, le Togo, le Yémen, la Somalie, le Koweït (au nom de la région EMRO), l’Indonésie, la Russie, l’Égypte, le Pakistan (au nom de l’OCI), le Bangladesh, l’Iran, l’Algérie, l’Éthiopie (au nom des 47 États membres de la Région africaine) ont annoncé qu’ils n’accepteraient la mise en œuvre de ce texte que s’il est compatible avec leurs valeurs et traditions. Ces États veulent faire primer leurs us et coutumes et refusent de collaborer avec Centre pour les droits reproductifs dont ils jugent les pratiques contraires à leurs lois, cultures et religions. Plusieurs de ces États ont demandé la réouverture de cette question lors de l’Assemblée mondiale de la santé à venir en 2025.

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