CEDH citée en faveur de l'avortement
La Cour européenne des droits de l'homme vient d'être citée à nouveau pour soutenir la création d’un prétendu droit à l'avortement dans le système interaméricain des droits de l'homme. La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a cité les affaires Radu c. la République de Moldavie et Biriuk c. la Lituanie dans un procès contre El Salvador.. Dans le procès Manuela contre le Salvador, la CIDH soutient qu'une femme qui a purgé deux ans d'une peine d'emprisonnement pour infanticide a été condamnée à tort, et exige, comme forme de réparation, la dépénalisation de l'avortement volontaire au Salvador, l'un des huit pays de la région qui interdisent tous les avortements directs et volontaires.
La CIDH cite à tort la Cour européenne comme soutenant un prétendu devoir des médecins de couvrir les crimes contre les nouveau-nés et les enfants à naître au nom du droit au secret médical. Les arrêts européens cités n'ont cependant rien à voir avec l'avortement ou la notification médicale de celui-ci. L'affaire Biriuk c. Lituanie traite d'une violation du droit à la vie privée lorsqu'un journal a publié des informations d'identification et des informations personnelles sur un patient atteint du sida. L'affaire Radu c. République de Moldavie porte sur la violation du secret médical par un médecin qui a divulgué des informations personnelles à l'employeur d'une femme enceinte sans son consentement.
La Cour européenne avait déjà été citée à tort pour soutenir la création d’un prétendu droit à l'avortement dans le système interaméricain dans l'arrêt Artavia c. Costa Rica qui a ordonné au Costa Rica d'annuler son interdiction de la fécondation in vitro. Dans cet arrêt, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a invoqué de manière sélective certaines formulations de la Cour européenne selon laquelle l’accès à l'avortement, lorsqu’il est légal dans un pays, devait, dans certaines circonstances être assorti d'un cadre et d'une procédure juridiques appropriés (par exemple, dans l'affaire Tysiac c. Pologne). Elle a également cité l'application par la Cour européenne d'un critère de pondération pour mettre en balance les droits de la mère et la vie de l'enfant à naître.
Si la Cour européenne a certainement eu une attitude tolérante à l'égard de l'avortement, elle n'a jamais créé un droit à l'avortement au titre de la Convention européenne et n'a pas non plus jugé que l'enfant à naître n'est pas titulaire du droit à la vie, comme l'a fait remarquer Grégor Puppinck de manière incisive dans un livre récent. Bien que les États européens aient bénéficié d'une marge d'appréciation pour définir le début du droit à la vie, la Cour européenne a explicitement rejeté l'existence d'un droit à l'avortement en vertu de l'article 8 relatif notamment à l'autonomie personnelle. Elle a également déclaré que l'enfant à naître mérite d'être traité avec dignité humaine (Vo c. France) et que l'interdiction de l'avortement seul, même pour des raisons de santé, ne viole pas la Convention européenne (par exemple, dans A. B. et C. c. Irlande), comme le décrit Puppinck dans le chapitre du livre "L'avortement et la Cour européenne des droits de l'homme".
Les décisions de la Cour européenne sur l'avortement n'ont bien sûr aucun effet contraignant sur les États parties à la Convention américaine des droits de l'homme, d'abord parce que les sources légitimes d'interprétation des traités comprennent "les règles de droit international applicables dans les relations entre les parties", selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, et qu'aucun État partie à la Convention américaine des droits de l'homme ne pourrait éventuellement devenir partie à la Convention européenne. Deuxièmement, parce que la Convention américaine établit clairement que "toute personne a le droit au respect de sa vie. Ce droit est protégé "par la loi et, en général, dès le moment de la conception" à l'article 4(1), alors que le texte de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas aussi explicite, comme l'a souligné la Cour européenne dans l'affaire Vo c. France.
Les citations partielles de certains arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme semblent être fondées, au moins en partie, sur un malentendu concernant la jurisprudence de la Cour européenne sur l'avortement lui-même et, d'autre part, sur le désir, de la part des membres favorables au droit à l'avortement, d'invoquer les arrêts internationaux d'une cour très respectée afin d’œuvrer à la dépénalisation de l'avortement en Amérique latine. En tout état de cause, il semble indéniable que la Cour et la Commission interaméricaines accordent la plus grande déférence à la Cour européenne en général. L'effet et la résonance que ses arrêts sur l'avortement peuvent avoir dans le système interaméricain des droits de l'homme sont encore insondables, probablement pour la Cour européenne elle-même n’a jamais pensé qu’elle établirait un "précédent international" en dehors de l'Europe.