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Erdogan, champion du monde chrétien à Paris, son persécuteur en Turquie

Erdogan: Protecteur du monde chrétien à Paris...

Par Thibault van den Bossche1726369980000
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Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’apprête à appeler le pape François pour lui partager son indignation suite à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris. En retour, le pape François devrait demander à Erdogan d’arrêter de persécuter les chrétiens turcs.

Article publié dans Valeurs Actuelles (6 août 2024).

À travers le monde, de nombreux responsables religieux chrétiens, toutes dénominations confondues, ont déploré «des scènes de dérision et de moquerie du christianisme» (Conférence des évêques de France) lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Paris le 26 juillet. Il a fallu une semaine pour que le Saint-Siège réagisse, le 3 août, «attristé», déplorant «l’offense faite à de nombreux chrétiens et croyants d’autres religions».

Le mal est fait, quels que soient le déni de son directeur artistique Thomas Jolly et l’amende honorable de Philippe Katerine, apparu nu et peint en bleu, sous une cloche couvre-assiette, croyant imiter Dionysos. Voulue peut-être grandiose et transgressive, la cérémonie fut seulement obscène et conformiste, n’ayant rien à voir avec le sport, ni avec la France et encore moins avec les JO.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui avait initialement annoncé sa venue à Paris les 26 et 27 juillet avant de laisser planer le doute, s’était finalement abstenu, affirmant que sa petite-fille de 13 ans l’avait prévenu « qu’ils y organiseraient une manifestation LGBT ». Dans le même temps, Ankara s’apprête à empêcher les élèves turcs d’accéder aux écoles françaises en Turquie, exigeant de Paris de pouvoir ouvrir des écoles turques reconnues par l’État français. Suite à la cérémonie, Erdogan a condamné le 30 juillet « l’immoralité commise contre le monde chrétien et contre tous les chrétiens ». Il a même annoncé vouloir appeler le pape François à ce sujet, expliquant que « les Jeux olympiques ont été utilisés comme un outil de perversion qui corrompt la nature humaine ».

C’est une indignation peu coûteuse pour Erdogan, devant une parodie de la Cène où les apôtres sont remplacés par des drag-queens et Jésus-Christ par une DJ militante LGBT se revendiquant fièrement « grosse gouine ». Jésus-Christ étant considéré comme prophète dans l’islam et donc figure à respecter, même l’Université Al-Azhar a fait part de sa colère, expliquant que « les musulmans considèrent qu’insulter Jésus, que la paix soit sur lui, ou tout autre prophète, que la paix soit sur eux, est une honte pour les auteurs de cette insulte odieuse et pour ceux qui l’acceptent ».

Erdogan défend les chrétiens à l’étranger, mais les persécute en Turquie

La soudaine indignation par Erdogan contre un blasphème anti-chrétien ne doit pas faire oublier que la législation turque contre le blasphème s’applique à l’inverse contre des chrétiens. En Turquie, l’article 216(3) du Code pénal permet à la justice d’envoyer en prison quiconque « dénigre publiquement les valeurs religieuses adoptées par une partie de la population », même pour avoir posté une photo montrant une bouteille d’alcool dans une mosquée. Ailleurs, au Pakistan, des chrétiens parfaitement innocents sont arbitrairement condamnés à mort pour un prétendu blasphème contre l’islam qui sert surtout à régler ses comptes, comme actuellement Shazad Masih, ou précédemment Asia Bibi, exilée depuis au Canada.

S’érigeant champion du monde chrétien à l’extérieur, Erdogan doit d’abord balayer devant sa porte puisqu’à domicile, il persécute les chrétiens, et le pape François devrait le lui rappeler. L’article 24 de la Constitution de 1982 protège le droit de chacun à la liberté de conscience, de croyance et de conviction religieuses. Pourtant, les chrétiens subissent une forte pression de la part de la société turque, imprégnée d’un nationalisme à la fois religieux et ethnique. La Commission américaine sur la liberté de religion internationale (USCIRF) recommande au Département d’État américain de spécialement surveiller la Turquie « pour pratique ou tolérance de violations sévères de la liberté de religion » (Special Watch List). L’ONG Portes Ouvertes place la Turquie 50e dans son Index mondial de la persécution des chrétiens de 2024.

La Turquie n’accorde même pas aux communautés chrétiennes historiques les droits qu’elle s’était pourtant engagée elle-même à protéger en vertu du traité de Lausanne de 1923. Les Turcs chrétiens de rite arménien ou grec sont encore considérés comme des « minorités non-musulmanes » au statut inférieur aux Turcs musulmans. L’évolution des rapports entre l’État turc et le Patriarcat œcuménique de Constantinople dépend de ses relations avec l’État grec. Quant aux communautés chrétiennes plus récentes, issues de conversions depuis l’islam et essentiellement évangéliques, elles sont également considérées comme déloyales, sous influence occidentale. Les Turcs convertis subissent les pressions conjuguées de leur famille et de la société pour renier leur foi chrétienne.

Les communautés grecque-orthodoxe et évangélique devant la CEDH contre la Turquie

Plus précisément, la communauté grecque-orthodoxe est régulièrement confrontée à la spoliation de son patrimoine par la Direction générale des fondations. Son séminaire de Halki, sur l’île d’Heybeliada, est toujours fermé depuis 1971. L’orphelinat Prinkipo, sur l’île de Büyükada, fermé en 1964, a finalement été rendu (en ruines) en 2012, suite à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. En avril 2024, le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) est intervenu dans une affaire pendante contre la Turquie, qui a qualifié de fondation « désaffectée » la fondation d’un monastère grec-orthodoxe dont l’activité n’a pourtant jamais cessé. Une requête récente concerne des ecclésiastiques auxquels la Turquie interdit de devenir membres du conseil d’administration de fondations grecques-orthodoxes.

Quant aux chrétiens évangéliques, privés d’accès à une formation pour leur clergé, de même qu’à une éducation religieuse basique, ils doivent compter sur le soutien étranger. Sauf que depuis 2018, environ 200 protestants étrangers, dont certains mariés à des citoyens turcs, ont été expulsés ou interdits de retour en Turquie, souvent sans justification autre qu’un vague motif de sécurité nationale, ou sans accès à des rapports de renseignement. Emblématique de cette persécution systémique, une autre requête devant la CEDH concerne un Américain protestant, résidant légalement depuis plus de trente ans en Turquie, et soudainement privé d’y retourner après un voyage.

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