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Covid-19 : Il est possible de se marier religieusement sans passer par la mairie

Mariage religieux sans mariage civil

Par Delphine Loiseau1590392282629
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À l’heure actuelle et depuis le 17 mars 2020, en France, les personnes souhaitant se marier civilement n’ont plus accès aux mairies, sauf urgence[1]. En effet, la célébration du mariage est en principe reportée dans l’ensemble des mairies de France et ce au moins jusqu’au 2 juin prochain. Si cette disposition, en raison de la situation sanitaire, parait pertinente, elle porte néanmoins atteinte à la liberté de se marier religieusement.

 

Le droit français : la condition du mariage civil comme préalable au mariage religieux

La liberté de se marier a deux visages et comprend non seulement le droit de se marier civilement mais également la liberté de se marier selon ses convictions religieuses. Il s’agit d’une liberté fondamentale reconnue en droit français[2] et protégée par de nombreuses conventions internationales[3].

En France, non seulement l’État ne reconnaît pas le mariage religieux célébré sur son territoire, mais conditionne en outre la liberté de se marier religieusement à la célébration préalable d’un mariage civil. Cette situation est problématique.

Cette soumission du mariage religieux au mariage civil a pour origine la triste période de la Terreur qui a assortie comme peine au non-respect de cette prescription, la déportation du ministre du culte[4]. Par la suite, lors de la promulgation du Code pénal en 1810 sous l’Empire, il était prévu à ses articles 199 et 200 que tout ministre du culte qui procéderait ainsi serait, pour la première fois, puni d’une amende de 3.000 F à 6.000 F. En cas de première récidive, le ministre du culte pouvait être puni d’une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans et en cas de seconde récidive, d’une détention criminelle de dix à vingt ans.

Si ces peines paraissent totalement disproportionnées aujourd’hui, l’actuel article 433-21 du Code pénal reste un vestige de cette interdiction et dispose que : « Tout ministre d'un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil sera puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. ».

Il est important de souligner que l’infraction n’est désormais constituée que lorsque le ministre du culte y procède de manière habituelle. Cette notion n’est pas définie par le droit et est soumise en principe à l’appréciation des juges. L’habitude correspond à une pratique courante, à une activité répétitive[5] et signifie que la célébration ponctuelle du mariage religieux, non précédée du mariage civil, ne constitue pas une infraction et ne peut donc être réprimée par le droit français. Il est ainsi possible à tout prêtre de célébrer un mariage religieux, non précédé d’un mariage civil. D’ailleurs, les décisions condamnant un ministre d’un culte sur ce fondement sont extrêmement rares[6].

 

Violation par le droit français de la liberté de se marier ?

Cette disposition du droit français porte de façon évidente atteinte à la liberté de se marier religieusement. Elle est d’autant moins justifiable que la République française ne reconnait aucun culte, mais est seulement censée en garantir le libre exercice. Ainsi, si l’État français ne souhaite pas reconnaître d’effets juridiques aux mariages religieux célébrés sur son territoire, il devrait simplement les ignorer. Sur ce point, la Cour constitutionnelle d’Autriche a d’ailleurs jugé dès 1955 comme contraire à la liberté fondamentale de religion une disposition de son droit interne rendant obligatoire de se marier civilement avant tout mariage confessionnel[7].

Nous pouvons noter, par ailleurs, que la France n’ignore pas totalement les mariages religieux puisqu’elle reconnait tous les mariages religieux célébrés à l’étranger dès lors qu’ils ont été célébrés en conformité avec les règles applicables de l’État de célébration et qu’ils ne portent pas atteinte à l’ordre public français[8]. C’est le cas par exemple des mariages religieux célébrés aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Italie ou encore en Pologne[9].

 

Violation renforcée avec la situation sanitaire actuelle

La pandémie actuelle empêche la tenue des mariages civils et par là-même la célébration de mariage religieux. Pourtant, un mariage religieux peut être célébré de façon simple, en très petit comité. Il n’est pas même nécessaire qu’une messe soit célébrée. Quant au choix du lieu, et s’agissant du mariage catholique, le curé des mariés peut les autoriser à célébrer leur mariage non pas dans leur église paroissiale, comme c’est la norme, mais dans une chapelle privée.

Autrement dit, il est possible de se marier religieusement en catimini ; et beaucoup le font, semble-t-il, repoussant à plus tard la fête familiale.

A contrario, certains États européens n’ont jamais cessé la célébration des mariages religieux depuis le début de l’épidémie, en mettant toutefois en place des règles sanitaires strictes comme c’est le cas en Pologne[10] ou en Espagne[11]. D’autres États ayant de nouveau autorisé la célébration des offices religieux, ont fait de même pour le mariage[12].

Cette situation actuelle, difficile à bien des égards, pourrait néanmoins devenir un temps favorable, le temps de mettre fin à ce conditionnement du mariage religieux par le mariage civil et de rendre sa vraie place à la liberté de culte en France.

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[1] La situation semble perdurer malgré la fin du confinement en France depuis le 11 mai 2020.

[2] Conseil d’Etat, ordonnance en référé, 9 juillet 2014, M. A., requête n° 382145.

[3] Dont la Convention européenne des droits de l’homme (article 12), ou encore le Pacte international relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur en 1996 (article 23).

[4] Décrets du 13 août 1793 et du 7 vendémiaire an IV. Pour rappel l’institution du mariage civil en France a pour origine le décret du 20 septembre 1792.

[5] V° Habitude, G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige, PUF.

[6] Cass., 9 nov. 1906, Abbé Ludet c/ ministère public, Dalloz 1907-1-161.

[7] Verfassungsgerichtshof, 19 déc. 1955, Land du Vorarlberg et du Tyrol, G 9, 17/55

[8] Cass. civ. 1ère, Zagha, 15 juin 1982, Bull. civ. I n° 224, n° 81-12.611.

[9] Christophe Eoche-Duval, « Faut-il dépénaliser les célébrations religieuses effectuées sans mariage civil ? », recueil Dalloz 2012, p.2615.

[10] https://fr.aleteia.org/2020/05/04/coronavirus-en-pologne-la-vie-sacramentelle-continue/

[11] Article 11 du Real Decreto 463/2020, de 14 de marzo, por el que se declara el estado de alarma para la gestión de la situación de crisis sanitaria ocasionada por el COVID-19, selon lequel : « La fréquentation des lieux de culte et des cérémonies civiles et religieuses, y compris les funérailles, est subordonnée à l'adoption de mesures organisationnelles consistant à éviter la foule, en fonction des dimensions et des caractéristiques des lieux, de manière à garantir que les participants ont la possibilité de respecter la distance entre eux d'au moins un mètre ». Toutefois, il semble que certains evêques espagnols aient décider de suspendre les offices religieux dont les mariages dans leurs diocèses.

[12] Voir le cas de Monaco : https://www.la-croix.com/Religion/Monaco-sort-confinement-eglises-adaptent-nouvelles-regles-2020-05-04-1201092487

Pour la défense des Chrétiens persécutés
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