ECLJ et 14 ONG répondent au Nigéria
Comme nous avons déjà l’occasion de l’écrire, la situation des chrétiens au Nigéria s’est aggravée et est devenue dramatique. L’ECLJ a fait plusieurs déclarations orales et écrites au Conseil des droits de l’homme (ONU, Genève) pour dénoncer l’absence de réaction du gouvernement face aux menaces croissantes.
Au cours des derniers mois, les rapporteurs spéciaux ont confirmé nos dires sur la situation dramatique de ce pays. Cependant, le Gouvernement du Nigéria nie les conclusions des deux rapporteurs spéciaux.
Aujourd'hui, l’ECLJ se joint à 14 autres ONG et individus pour répondre à la critique du Nigéria concernant les deux rapports indépendants, à savoir la Déclaration préliminaire de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard, suite à sa visite au Nigéria (Communiqué en français et déclaration en anglais uniquement), et le groupe parlementaire multipartis britannique (UK APPG) pour la liberté internationale de religion ou de conviction, « Nigéria : Génocide en cours ? ».
Il y a un an, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard, s’est rendue au Nigéria pour enquêter sur les violations présumées commises par les forces de l’ordre de l’État et par des sociétés privées, en particulier dans le nord-est, la partie centrale et le sud du pays ; ainsi que pour examiner les mesures prises par l’État afin de punir les responsables de ces crimes. La Rapporteuse s’est entretenue avec plusieurs représentants du Gouvernement, de la société civile et des survivants, notamment des témoins oculaires et des membres de familles dont les proches ont été brutalement tués. À l’issue de sa visite, elle a fait part de ses conclusions, dans lesquelles elle se dit très préoccupée par l’augmentation significative du nombre d’attaques et de meurtres au cours des cinq dernières années. Elle s’est également émue de l’insécurité croissante, de l’absence généralisée d’enquêtes et d’obligation de rendre des comptes pour les auteurs de ces crime. Elle a enfin constaté l’importance du ressentiment et des griefs au sein et entre les communautés religieuses, et conclut que les autorités fédérales et les partenaires internationaux doivent mettre fin aux « violences explosives ».
Le Nigéria a cependant critiqué le rapport en disant qu’il était globalement erroné, qu’il ne faisait qu’effleurer la surface des problèmes pour mieux blâmer le Gouvernement qui agit sous la direction du « compétent » président Muhammadu Buhari.
Le Collectif d’ONG précise que la Rapporteuse spéciale a fait preuve de toute la diligence requise et conteste l’affirmation du gouvernement selon laquelle le rapport n’a pas mis en évidence des violences récurrentes à l’échelle de tout le pays. Notre groupe d’ONG montre également que le nombre d’attaques continue d’augmenter, y compris la mention des récents meurtres à Kaduna en mai 2020. Nous répondons également à l'affirmation de l’administration du président Buhari selon laquelle les conflits intra-ethniques et le vol de bétail sont les éléments clés des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Si la violence perpétrée contre ces communautés est réellement liée au vol de bétail, pourquoi les femmes, les enfants et les enfants à naître seraient-ils visés par des actes de vengeance ? Cette réalité ne correspond ni à la critique du président Buhari à l’égard de la Rapporteuse spéciale, ni aux justifications données pour les attaques contre les communautés agricoles, essentiellement chrétiennes, au Nigéria.
Comment est-il possible ou prudent d’admettre que les agresseurs et les victimes sont de religions et d’ethnies différentes et affirmer ensuite que la religion ne joue aucun rôle dans la violence ? S’interroge le Rapport de l’APPG britannique.
Selon ce Rapport britannique de l’APPG, le Gouvernement nigérian a répondu de la sorte, en minimisant la gravité des attaques contre les chrétiens. La réplique de l’APPG contredit la déclaration du gouvernement selon laquelle la violence et l’action terroriste ont été largement « réduites », montrant que de 2010 à 2014, les attaques des militants peuls étaient d’environ 615 et qu’en 2015-2020, elles ont doublé pour atteindre environ 1 300 cas.
Dans sa réponse aux groupes parlementaires, le Gouvernement nigérian a également invité l’APPG britannique à venir voir de ses propres yeux le travail qui se fait pour promouvoir les droits fondamentaux des citoyens au Nigeria. Il a déclaré être toujours prêts à travailler avec ceux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur du Nigeria, se préoccupant des droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cette déclaration est fallacieuse car le Gouvernement nigérian a discrédité les conclusions de la Rapporteuse spéciale malgré sa venue sur place et ses rencontres dans le pays. En outre, le Gouvernement nigérian a également arrêté des journalistes spécialisés dans les droits de l’homme notamment Omoyele Sowore, au moment même où le besoin d’informations indépendantes, fiables et objectives est plus important que jamais.
Notre collectif d’ONG conclut que le gouvernement nigérian doit comprendre les préoccupations soulevées dans les rapports et prendre les mesures nécessaires pour répondre aux inquiétudes soulevées, notamment :
Pour consulter la réponse complète du collectif d’ONG vous pouvez lire deux mémorandums en anglais ici et là.