Corruption & instances internationales
« V.I.C.E. », comme Vénalité, Idéologie, Compromission et Ego. Tels sont les leviers de la corruption : l’argent, les idées, le sexe et le pouvoir. Le « C » fait aussi référence à la contrainte. De tous ces leviers, la vénalité est le plus élémentaire, mais il fonctionne toujours comme le prouve le scandale des valises de billets trouvées en la possession de l’eurodéputée grecque Eva Kaili et de son entourage, soupçonnés d'avoir été payés par le Qatar.
Article paru dans Valeurs Actuelles le 22 décembre 2022.
Ce scandale fait suite à celui du « Caviargate » qui avait éclaboussé en 2017 une autre instance européenne, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (basée à Strasbourg), dont des députés ont reçu des millions d’euros de l’Azerbaïdjan. Un ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe me disait à l’époque qu’environ 120 membres de cette assemblée seraient ainsi « tenus » et que certains votes suffisaient d’ailleurs à le démontrer. Cela expliquait, selon lui, l’impossibilité de faire commémorer par le Conseil de l’Europe le centenaire du génocide arménien, ou l’échec d’un projet de rapport relatif aux prisonniers politiques en Azerbaïdjan. Plus prosaïquement, il apparaît à la lecture d’un bilan financier publié par le Conseil de l’Europe que le Qatar a aussi versé à cette organisation environ 600 000 € entre 2018 et 2019.
Avec plus de véhémence que le Conseil de l’Europe, le Parlement européen a promis de lutter contre la corruption. Fort bien, mais il faudrait que cette lutte s’étende aussi à la corruption ordinaire, de tous les jours. En voici quelques illustrations.
Au bas de l’échelle, très répandue, il y a la fraude aux « per diem », consistant, pour un député, à ne pas déclarer sa résidence à Bruxelles pour percevoir les 300 euros d’indemnités de voyage par jour de présence au Parlement. Ce sont 6000 euros qui s’ajoutent ainsi chaque mois aux 35000 euros reçus par chaque député pour couvrir son salaire, ceux de ses collaborateurs, ainsi que ses frais de bureaux. Autre pratique : les embauches croisées par laquelle deux députés recrutent mutuellement leurs proches afin de contourner l’interdiction du népotisme.
Autre pratique qui mériterait une enquête : la « porte tournante ». Le résultat serait édifiant. Cela consiste, pour un politique, à devenir employé du secteur qu’il a précédemment réglementé, voire à préparer ce recrutement en rendant service à son futur employeur. C’est assez courant, compte tenu de la précarité des mandats politiques. On se souvient du cas de José Manuel Barroso recruté chez Goldman Sachs dès 2016.
Plus sérieuse encore est la pratique consistant à prendre en main un député par l’ego. Il n’est pas nécessaire alors de le payer directement, il suffit de le valoriser tout en le mettant au service de ses intérêts. Ainsi, tel groupe d’influence invite des députés pour une « mission » ou une conférence, les loges dans de grands hôtels, leur assure une couverture médiatique positive, leur offre une cause progressiste à défendre ou des conseils d’experts sur un sujet pointu, et rédige même pour eux des projets de rapports parlementaires. C’est ainsi qu’un député peut se flatter de devenir une référence sur une thématique.
Ces pratiques de prise en main, l’ECLJ les a révélées s’agissant d’experts des Nations Unies. Entre 2015 et 2019, 37 d’entre eux ont reçu plus de 11 millions de dollars de la part, principalement, de la fondation Ford, de l’Open Society de George Soros et de donateurs anonymes, dans le but « altruiste » de les « aider » à rédiger des rapports officiels sur tels ou tels sujets précis, en leur offrant un poste prestigieux financé indirectement, des voyages d’études, un secrétariat, un soutien logistique, etc. Il va sans dire qu’aucune mention de cette « aide » ne figure dans les rapports finaux des Nations Unies.
Ces fondations « philanthropiques » versent des milliards de dollars chaque année pour « soutenir » ainsi des causes, qui servent souvent, en retour, les intérêts de leurs dirigeants. Le cas de la fondation Gates est bien connu : elle permet à son mécène de défiscaliser une partie de ses revenus tout en finançant et orientant des politiques de santé publique, alors même qu’il est actionnaire d’entreprises pharmaceutiques. Cette méthode d’influence est bien plus élaborée et moins risquée que les valises de billets ; et ceux qui en font l’objet s’imaginent en outre ne devoir leur succès qu’à leur propre talent.