Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États occidentaux se sont efforcés de construire un nouvel ordre institutionnel tendant à rationaliser et à intégrer les régimes politiques nationaux...
(Texte publié dans La démocratie dans l'adversité, sous la direction de Chantal Delsol et Giulio De Ligio, Le Cerf, mai 2019.)
Cet effort, qui a porté non seulement sur le plan des échanges financiers et commerciaux, mais aussi sur celui de l’encadrement des comportements humains, a consisté principalement en l’affirmation du modèle institutionnel de l’État de droit ainsi que des valeurs des droits de l’homme. La combinaison de ces deux éléments – État de droit et des droits de l’homme – devait en effet permettre de garantir la sécurité et le respect des personnes tout en réduisant les risques de mésusage de la démocratie représentative.
Le Conseil de l’Europe s’est donné pour mission de défendre et de promouvoir trois grandes valeurs, à savoir les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. Cette organisation internationale voit en effet dans ces valeurs les trois piliers de tout régime politique souhaitable. Ces valeurs précisent et remplacent celles qui furent énoncées par les États dans le préambule du traité fondateur du Conseil de l’Europe, à savoir les « valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute démocratie véritable ».
Dans un Rapport sur la prééminence du droit publié en mars 2011, la Commission pour la démocratie par le droit, dite de Venise, expose la fonction et la complémentarité de ces trois piliers : « La démocratie implique l’association de la population aux décisions au sein d’une société ; les droits de l’homme protègent l’individu contre l’arbitraire et des atteintes excessives à ses libertés, et garantissent la dignité humaine. L’État de droit veille à ce que l’exercice de la puissance publique soit circonscrit et fasse l’objet d’un contrôle indépendant ».
Ces trois piliers constituent un système de gouvernance qui tend à rationaliser l’organisation politique des États, afin d’accroître la stabilité sociale, en réduisant les risques de mésusages de la démocratie. À cette fin, ce système subordonne la politique au droit, au moyen de l’État de droit, puis le droit à la morale, au moyen des droits de l’homme. L’action des autorités nationales est ainsi encadrée, tant quant à sa forme qu’à son contenu. La soumission des autorités nationales est d’autant plus forte que le système s’élève au-dessus des États, hors de leur portée. Ce faisant, le système gagne en puissance et en universalité.
Alors que la complémentarité du binôme État de droit-droits de l’homme apparaît avec évidence en ce qu’il ordonne le contenu et la forme de l’action politique, le rôle du troisième pilier – la démocratie – est en revanche beaucoup plus incertain, voire suspect, en ce qu’il charrie encore la part d’irrationnel propre à la volonté populaire. Il convient donc de rationaliser cette dernière, en la réduisant à quelques valeurs essentielles.
La soumission de la politique au droit : l’État de droit
Le modèle de l’État de droit se présente comme le mode le plus rationnel d’organisation des autorités publiques, capable de prévenir l'utilisation arbitraire et imprévisible du pouvoir. Il constitue une variante des notions de Rechtsstaat, de prééminence du droit, et de la Rule of law. Il a pour trait fondamental de subordonner la légitimité politique au respect du principe de légalité, auquel s’ajoutent les exigences complémentaires de respect de l'égalité devant la loi et d'indépendance de la justice. À cette fin, le pouvoir des autorités publiques doit non seulement être divisé entre domaines législatif, exécutif et judiciaire, mais aussi doit s’inscrire à l’intérieur d’un ordre juridique préétabli strictement hiérarchisé. Cet ordre juridique est dominé par le pouvoir judiciaire, à qui il revient de protéger la société de l’arbitraire, de préférence au pouvoir législatif. Le contrôle de constitutionnalité parachève cet ordre en confiant à quelques juges le pouvoir de maintenir l’action du législateur en son sein. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’une conception formelle minimale de l’Etat.
Ce modèle institutionnel a acquis une valeur universelle. Dès 1948, les Nations Unies ont en effet affirmé dans le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme qu'« il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression. » De même, les États fondateurs du Conseil de l’Europe ont déclaré en 1949 que la prééminence du droit constitue l’un des « principes sur lesquels se fonde toute démocratie véritable », au côté de la liberté individuelle et de la liberté politique (préambule du traité de Londres). Les juges de la Cour européenne ont systématiquement fait application de ce principe. Le principe reçut enfin une consécration globale : les États participants au Sommet mondial de 2005 reconnaissant la « nécessité de voir l’État de droit consacré et respecté par tous aux niveaux national et international » (document final, § 134).
Or, ainsi décrit, ce modèle institutionnel présente un caractère essentiellement formel, et pourrait même fonctionner en l’absence de démocratie, comme c’est le cas en Chine. C’est pourquoi il a été complété par l’exigence de respect d’un ensemble variable de valeurs.
La soumission du droit à la morale : les droits de l’homme
Il ne suffit pas d’encadrer formellement l’action gouvernementale. Encore faut-il la soumettre à la morale, celle-ci étant comprise comme le respect des droits et des libertés individuelles. Or, la grande nouveauté qui a permis dans l’après-guerre de contraindre juridiquement les États à respecter la morale a consisté à incorporer les droits de l’homme au sein du droit international public. Ainsi, l’obligation de respecter les droits de l’homme a reçu une origine extérieure et supérieure à l’ordre juridique interne permettant de leur conférer l’effectivité universelle qu’appelle leur propre universalité et d’en assurer une meilleure protection contre les autorités nationales.
Le droit international établit ainsi un ordre moral international rendu permanent par l’institution d’un maillage sans cesse plus resserré d’institutions dominant la souveraineté des États et chargées de veiller au respect de cet ordre. Ce réseau est composé de toute une gamme d’instances qui, au-delà de leurs différences institutionnelles, ont en commun d’incarner une expertise rationnelle et morale. Elles ont pour mission de conseiller, d’évaluer et de juger l’action des gouvernements, s’agissant en particulier de leur respect de l’État de droit et des droits de l’homme. Toutes ces instances agissent de concert en s’efforçant de parler à l’unisson. S’inspirant l’une l’autre et se renforçant mutuellement, elles parviennent tant bien que mal à faire évoluer les normes de façon uniforme. Ce réseau global assure ainsi, autant que possible, la gouvernance morale mondiale, à l’instar des instances de gouvernance financière. Ce réseau possède aussi la faculté de faire émerger des normes nouvelles de droit international, en marge de la volonté des États, voire à leur encontre.
À eux seuls, l’État de droit et les droits de l’homme semblent ainsi permettre de constituer un mode de gouvernement fonctionnel, libéral et rationnel. Dans le triptyque du Conseil de l’Europe, la « démocratie » semble être aujourd’hui de trop, comme un héritage inutile et symbolique, à tel point que le contenu de cette notion est devenu très incertain, et que celle-ci est souvent remplacée par celle de « société démocratique ».
Une gouvernance non-démocratique au nom de la démocratie
La « société démocratique » promue par les instances du Conseil de l’Europe ne repose plus sur la souveraineté des peuples, mais sur un ensemble de valeurs. Celles-ci, la Cour européenne les déclare « sous-jacentes à la Convention européenne des droits de l’homme » et a identifié à ce jour celles de pluralisme, de tolérance, d’esprit d’ouverture et d’égalité. Elles s’ajoutent à celles de dignité et de liberté individuelles qui sont « l’essence même de la Convention », alors même qu’elles n’y figurent pas. Toutes ces valeurs sont affirmées, telles des évidences. À l’inverse, les notions qui constituaient les sources de la légitimité politique des régimes démocratiques, telles que la volonté générale, la nation, le peuple et la souveraineté, sont tombées en désuétude, au profit des notions apolitiques de population, opinion, sentiment ou de soutien. De même, il n’est plus question des « valeurs spirituelles et morales », mentionnées dans le préambule du traité fondateur du Conseil de l’Europe, comme patrimoine commun des peuples européens et fondement ultime de « toute démocratie véritable ». Nos valeurs sont à présent toutes libérales et fonctionnelles, et prétendent définir seule la démocratie.
L’Union européenne exprime parfaitement ce nouveau mode de gouvernance cartésienne. Elle se déclare fondée, tout à la fois, « sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités », la société européenne devant être « caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes » (TUE, article 2 ; voir aussi le préambule de la Charte des droits fondamentaux). Ainsi, la démocratie n’est plus qu’une composante de l’édifice. On se souvient d’ailleurs qu’à la question « Comment l’Europe démocratique doit-elle traiter un pays qui décide démocratiquement de sortir du rang? », le président de la Commission européenne avait répondu le 28 janvier 2015 qu’« il ne peut pas y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».
La Cour européenne ne dit pas autre chose lorsqu’elle juge que « la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité »[1]. Certes, la Cour admet que le « sentiment populaire peut jouer un rôle important » dans les choix politiques, mais pour ajouter aussitôt que « [c]ependant, il existe une différence importante entre le fait de céder à un soutien populaire en faveur de l’élargissement du champ des garanties de la Convention, d’une part, et une situation dans laquelle on invoque ce soutien dans le but de réduire le champ de la protection matérielle, d’autre part »[2]. En d’autres termes, la volonté du peuple n’est acceptable que lorsqu’elle ne contredit pas la sienne. Une telle conception a conduit la Cour européenne à censurer de nombreuses dispositions législatives, et même constitutionnelles, mais aussi à valider la dissolution du parti politique vainqueur aux élections législatives en Turquie au motif que l’islamisme prôné par ce parti est incompatible avec la démocratie. Certes, elle admet que « la démocratie suppose de donner un rôle au peuple », mais elle se réserve le dernier mot, comme gardienne des valeurs démocratiques libérales[3]. La Commission de Venise ne dit pas autre chose lorsqu’elle déclare que « La démocratie implique l’association de la population aux décisions au sein d’une société » (Rapport de 2011).
Nous sommes loin de la conception de la démocratie résumée par Lincoln (1863) comme « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », et dont la formule célèbre figure en tête de la Constitution de la Ve République (1958). C’est plutôt la vision formulée par Pierre-Henri Teitgen en 1949 qui domine désormais : « Je pense qu’unanimement nous pouvons dresser face à la raison d’État la seule souveraineté qui vaille la peine qu’on meure pour elle, qui vaille la peine d’être, en toute hypothèse, défendue, respectée, sauvegardée : la souveraineté de la morale et du droit »[4].
Mais ce n’est pas tout. La nouvelle gouvernance rationnelle ne remet pas seulement en cause la légitimité populaire. Les juridictions placées au somment de ce système de gouvernance, et en particulier la CEDH, ne sont pas matériellement contraintes de respecter d’autres règles constitutives de la démocratie et de l’État de droit qu’elles ont pourtant pour mission de garantir.
Il en est ainsi de la séparation des pouvoir, sans laquelle, nous enseigne Montesquieu, il n’y a point de liberté. Or, qu’en est-il lorsqu’un organe judicaire possède le pouvoir de juger les législations nationales à l’aulne de sa propre interprétation évolutive du contenu des droits de l’homme, lorsqu’il impose ce faisant des choix de nature politique ? Plus encore, dès lors qu’en vertu de ce pouvoir « d’interprétation dynamique », des juges se permettent de condamner rétroactivement une pratique qu’ils ont jusqu’alors acceptée, ce sont aussi la sécurité juridique, la prévisibilité du droit et l’égalité devant la loi qui sont bafouées. La CEDH le reconnaît elle-même, mais estime ses revirements de jurisprudence nécessaires pour conserver « une approche dynamique et évolutive » des droits de l’homme. Certes, tout traité doit être interprété pour être appliqué à une société changeante. Mais c’est tout autre chose de dire que c’est le traité lui-même qui est dit vivant et changeant ! Car alors, c’est le juge qui en définit le contenu, au-delà de la lettre des traités et parfois même, contre l’intention originelle de leurs auteurs.
En outre, à l’encontre du formalisme requis par l’État de droit, les juges des droits de l’homme bouleversent aussi la hiérarchie des normes car, de leur point de vue, toutes les normes nationales sont du « droit interne » non hiérarchisé car également soumis à leur contrôle. Plus encore, ce contrôle est exercé non seulement au regard du texte des traités, qui prime le droit interne, mais aussi « à la lumière » de références insaisissables, telles que les « conditions d’aujourd’hui », les « valeurs sous-jacentes de la Convention » déjà évoquées, ou encore une multitude de résolutions, rapports et avis non-contraignants. Le recours à cette « soft law » tend à conférer une justification à des décisions qui, parfois, ne pourraient reposer sur la base des seuls traités. Il devient ainsi possible de condamner du droit avec du non-droit.
Ces instances bouleversent également l’ancienne hiérarchie des pouvoirs en élevant les juges au dessus des pouvoirs législatif et exécutif, à l’inverse de la tradition de républicaine qui, depuis la Révolution, a toujours cherché à éviter le gouvernement des juges. Or, le risque d’un tel gouvernement est bien plus grand s’agissant des juges internationaux que nationaux car ils peuvent non seulement condamner un État, mais aussi lui prescrire les mesures à adopter, se comportant alors en jurislateurs. Leurs jugements s’imposent absolument aux États, et ne peuvent être contournés au moyen d’une révision législative ou constitutionnelle.
Ici apparaît avec clarté un autre défaut structurel des instances telles que la CEDH : bien que conçues comme contre-pouvoir face aux instances nationales, elles ne disposent pas, elles-mêmes, de contre-pouvoir juridique et moral. Placées au sommet de l’ordre juridique, nul ne peut, juridiquement, contester leurs décisions. Garantes des valeurs, nul ne peut davantage, sans être suspect d’immoralité, contester leurs décisions. Or, toujours selon Montesquieu, « c'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites ». Cette absence de contre-pouvoir institutionnel empêche toute contestation des jugements et avis de ces instances et relègue leur critique au-dehors des institutions, dans la presse et auprès de l’opinion publique. Mais encore faudrait-il que la population puisse saisir les subtilités d’un droit souvent complexe. Cette situation est délétère car elle engendre un conflit politique chaque fois qu’un gouvernement ou une portion de la population refuse un jugement.
Cette absence de contre-pouvoir est renforcée par l’opacité des institutions et l’irresponsabilité de leurs membres. A l’inverse des élus du peuple, les juges et experts internationaux demeurent largement anonymes et irresponsables. Les conséquences de leurs jugements pèsent, tout au plus, sur la réputation de l’institution qu’ils servent. Qui connaît le Comité des droits de l’homme, et le nom d’un seul de ses 18 membres, en charge pourtant d’énoncer l’interprétation universelle des droits de l’homme et de « juger » de très nombreux États ? Qui sait comment sont choisis les 48 juges de la Cour européenne ? Parmi ces discrets anonymes, quelques personnalités ont, à elles-seules, un pouvoir politique supérieur à des milliers de députés nationaux européens.
La fonction des juges, du fait même qu’ils sont placés seuls au sommet du système de gouvernance, devrait les obliger à la plus grande retenue et à l’humilité. Tout usage de leur pouvoir au-delà de la mission qu’ils ont reçue transforme ce garde-fou de la démocratie en une menace d’arbitraire plus grave encore que le danger contre lequel il a été institué.
Réunification et contestation du pouvoir
La modernité avait abouti à la séparation et à la sécularisation du pouvoir. Elle le fit en le divisant, ce qui lui fit perdre sa ressemblance avec l’unité du pouvoir divin et royal, et en reconnaissant en le peuple l’origine de la légitimité politique. Cette légitimité populaire s’opposait à celles, élitistes, du clergé et de la noblesse. Or, le système de gouvernance réunifie le pouvoir en lui rendant une légitimité transcendante et le replace au sommet de l’organisation politique. Le principe de la légitimité est, à nouveau, au sommet de l’ordre social et s’exerce du haut vers le bas. Le pouvoir retrouve sa plénitude et acquiert une autorité et une puissance sans précédent.
Ce type de pouvoir correspond aux régimes politiques fondés sur la vérité, plutôt que sur la liberté. Lorsque l’on est assuré de connaître la vérité politique, comme c’est le cas à présent, la liberté politique apparaît alors non seulement désuète mais aussi dangereuse. C’est pourquoi le pouvoir véritable a-t-il été confié à une élite gardienne de cette vérité, de préférence qu’aux représentants du peuple. On observe d’ailleurs que le Conseil de l’Europe ne fait plus mention de la « liberté politique » lorsqu’il évoque ses valeurs fondamentales. Le constat de l’abandon de la liberté au profit de la vérité politique peut surprendre, mais il s’inscrit parfaitement dans la continuité de celui, envisagé par Thomas Hobbes, de l’abdication des droits de l’état de nature (présocial) au profit d'un souverain absolu garant de la paix publique. Considéré ainsi, l’abandon des libertés publiques serait le signe d’un progrès de la civilisation.
Cet idéal de rationalisation de la gouvernance a été désiré comme tel, après la Seconde Guerre mondiale, pour limiter les dangers de la démocratie. Le rationalisme politique est rassurant car il avance pas à pas et construit patiemment de grandioses édifices normatifs. Son idéal de perfection tient lieu d’avenir, mais il semble ne laisser aucune issue à l’homme : il l’oblige à renoncer à tout ce que la raison ne sait justifier : à ses héritages et à ses affections. Cet idéal arrache l’homme à lui-même, oblige chacun à s’universaliser. Il a pour ennemi l’humanité, dans son imperfection.
L’homme est trop imparfait, trop passionné et charnel pour supporter un tel régime. Les élites qui ne sont pas assez vertueuses pour construire celui-ci de façon totalement désintéressée, et le peuple n’est pas assez idéaliste pour y adhérer. La société qu’il génère paraît inhumaine, à la manière des grands aéroports internationaux qui sont trop rationnels pour être humains. Dans cet univers, les hommes ne sont plus libres ni indépendants. Certes, il est conçu pour l’homme, mais l’homme n’a plus rien à y faire, qu’à suivre les instructions.
Ce système a pu se déployer tant que le peuple, sensible à son prestige, a pu en trouver quelques satisfactions. Ce n’est manifestement plus le cas aujourd’hui, pour de multiples raisons. Non seulement le système n’a pas tenu la promesse de demeurer au-dessus de la politique, mais il apparaît au contraire comme un instrument idéologique. Plus encore, il lui est reproché d’entraver, par dogmatisme, la liberté des peuples à se défendre contre les nouveaux dangers qui menacent jusqu’à leur propre existence. Les valeurs dites universelles sont de bien peu de secours lorsqu’il s’agit pour un peuple de se défendre contre sa propre dilution dans l’immigration et le relativisme culturel. Plus encore, elles contribuent à cette dilution.
C’est alors que réapparaissent, avec leur force brutale, la démocratie et la liberté politique, c'est-à-dire la souveraineté populaire dans ce qu’elle a de charnellement humain, d’identitaire, d’injuste et d’irrationnel… de vivant, comme un réflexe de survie.
Mais les jeux ne sont pas faits. Le conflit entre les adeptes du rationalisme universel, et les amoureux de l’enracinement charnel ne fait que commencer.
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[1] CEDH, Chassagnou et autres c. France [GC], 1999, § 112.
[2] CEDH, Bayev et autres c. Russie, 2017, § 70.
[3] CEDH, Refah Partisi et autres c. Turquie, n° 41340/98, 31 juil. 2001, § 43.
[4] Déclaration de Pierre-Henri Teitgen, in Michel De Salvia, Compendium de la CEDH : les principes directeurs de la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l’homme, Kehl (RFA), N. P. Engel Verlag, 2003, vol. 1, p. V.