Conflits d’intérêts à la CEDH : l’ECLJ déplore un nouveau cas significatifGradient Overlay
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Conflits d’intérêts à la CEDH : l’ECLJ déplore un nouveau cas significatif

Conflits d’intérêts à la CEDH: l’ECLJ déplore un nouveau cas significatif

Par Louis-Marie Bonneau1743520220031
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Le 4 mars 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Bulgarie dans l’affaire Girginova (N°4326/18) pour la violation du droit à la liberté d’expression (article 10) et du droit à un recours effectif (article 13). La journaliste Galina Girginova voulait connaître les raisons de l’acquittement de l’ancien ministre de l’Intérieur bulgare dans une affaire de surveillance secrète. Le tribunal bulgare avait rejeté sa demande en s’appuyant sur la loi bulgare sur la protection des informations classifiées. La journaliste avait donc fait un recours devant la CEDH. Dans cette affaire, le juge Pavli a siégé en situation de conflit d’intérêts.

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Les conflits d’intérêts, une entrave à une bonne justice

La requérante, Galina Mariova Girginova, est journaliste au Sadebni Reportazhi, un média en ligne consacré à la réforme judiciaire en Bulgarie. Ce média est soutenu par la Fondation du Centre de journalisme médico-légal et d’investigation (CJI) dont la directrice est aussi Madame Girginova. Il s’agit d’un projet militant de 18 mois dont l’objectif est de réformer sur le système judiciaire bulgare. Le CJI reçoit un financement de l’Open Society Institute - Sofia.

Dans le cadre de ce projet, Madame Girginova a travaillé sur le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur, Tsvetan Tsvetanov. Ce dernier était jugé pour avoir ordonné des mises sous surveillance secrètes, considérées illégales. Le tribunal l’avait acquitté, mais les motifs de l’acquittement n’avaient pas été publiés, contrairement à ce qu’exige normalement le droit bulgare. La requérante a donc demandé la publication de ces informations. Le tribunal de Sofia a rejeté cette demande, au motif que la décision de justice contenait des informations classifiées. Madame Girginova a attaqué ce refus puis s’est tournée vers la CEDH, qui a finalement condamné la Bulgarie. 

Pour l’assister dans sa requête, Galina Girginova a fait appel à Maître Aleksandar Kashamov. Cet avocat est membre du Conseil d’administration de l’Open society Institute de Sofia. Or, Darian Pavli était membre de la formation de jugement tout en étant un ancien salarié et responsable de l’Open Society en Albanie et à New York. Le juge Pavli avait donc un lien professionnel avec la requérante et son avocat. Il aurait donc dû ne pas juger cette affaire pour éviter tout conflit d’intérêts. L’article 28 du règlement de la CEDH est clair à ce sujet : « Aucun juge ne peut participer à l’examen d’une affaire s’il a un intérêt personnel dans celle-ci, du fait, par exemple […] d’un lien personnel ou professionnel étroit […] avec l’une quelconque des parties ».

Par ailleurs, Darian Pavli avait aussi travaillé au titre de l’Open society à la réforme de la justice en Albanie ; une réforme critiquée comme ayant pour effet de renforcer le pouvoir en place.

Des problèmes plus larges

Ce cas de conflit d’intérêts s’inscrit dans un problème plus large révélé par deux rapports de l’ECLJ. Entre 2009 et 2019, 22 juges issus de sept ONG actives à la CEDH avaient jugé 88 affaires impliquant leurs propres organisations. Une seconde analyse (2020-2022) a confirmé la persistance de ces conflits d’intérêts, avec 54 cas identifiés sur 34 affaires. Ici, le juge Pavli avait un lien avec la requérante et son avocat en raison son poste de responsable à l’Open society.

Face à de tels conflits, la Bulgarie a déjà adressé à la CEDH des demandes de récusation visant le juge bulgare Yonko Grozev. En effet, outre ses fonctions à l’Open society, Yonko Grozev a jugé des affaires introduites et soutenues par le Comité Helsinki bulgare, une organisation financée par l’Open Society qu’il a fondé et dirigé. Dans au moins quatre affaires, le gouvernement de ce pays a demandé la récusation du juge Grozev, car l’avocat des requérants appartenait au Comité Helsinki bulgare et agissait en son nom. La Cour a rejeté toutes ces demandes de récusation.

Outre ces problèmes de conflits d’intérêts, il existe aussi un doute sérieux quant à la réalité du CV de Darian Pavli. Il a en effet été élu juge en janvier 2019 en se présentant comme avocat (Senior attorney), une condition requise par la réglementation albanaise. Pourtant, aucune preuve de son inscription à un barreau n’a été trouvée, ni en Albanie ni aux États-Unis. Plusieurs députés ont tenté d’obtenir des réponses, mais leurs questions ont été bloquées ou censurées par les institutions européennes, renforçant les doutes sur la réalité de son CV.

La Bulgarie se retrouve une nouvelle fois victime d’un conflit d’intérêts laissant un doute raisonnable sur l’impartialité du jugement. Le gouvernement bulgare pourrait demander un renvoi de cette affaire en Grande Chambre afin que cette affaire puisse bénéficier de toutes les garanties d’impartialité à l’occasion de son traitement.

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