Futurs dons gamètes : Plus d'anonymat
Vendredi 12 avril 2019, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation demandant à tous les États européens de ne plus anonymiser les futurs dons de gamètes afin de permettre à tous les enfants conçus par procréation médicalement assistée (PMA) de connaître leurs parents. Cette recommandation n’incite pas à lever l’anonymat rétroactivement dans les pays où il fut ou est encore pratiqué.
Quelques 45 membres de l’Assemblée du Conseil de l’Europe ont adopté à une très large majorité le projet de recommandation de la sénatrice belge, Petra De Sutter, intitulé : « Don anonyme de sperme et d’ovocytes : trouver un équilibre entre les droits des parents, des donneurs et des enfants » (Doc. 14835).
En recommandant de « renoncer à l’anonymat pour tous les dons futurs de gamètes dans les États membres du Conseil de l’Europe et interdire l’utilisation de spermatozoïdes et d’ovocytes donnés anonymement », l’Assemblée rappelle la réalité avant tout biologique de la filiation. L’adoption de cette recommandation est donc une victoire pour la vérité génétique et une affirmation claire de son importance pour tout être humain.
L’objectif de cette recommandation est de promouvoir le droit des enfants de connaître leurs origines. Ce droit demeure cependant mis en balance par le Rapporteur avec « les autres intérêts en jeu » : ceux du ou des donneurs qui souhaiteraient rester anonymes, ceux du ou des parents légaux qui veulent protéger leur filiation avec l’enfant et même ceux des cliniques. Les intérêts pécuniaires de celles-ci ne sont pas oubliés par le Rapporteur qui précise bien dans son rapport que « les cliniques et les prestataires de services ont intérêt à pouvoir proposer une offre complète de services de PMA ».
La recommandation prend en fait acte de la grande diversité des législations européennes en matière de PMA et de la jurisprudence constructive de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière, dans son jugement de 2003, Odièvre contre France, a déduit de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme le droit de connaître les origines et les circonstances de sa naissance.
En abandonnant ce modèle classique de l’anonymat, qui prévaut encore en France, l’Assemblée du Conseil de l’Europe reconnaît implicitement qu’un don de sperme ou d’ovule n’est pas un acte anodin, mais un acte fondateur dans la vie d’un être humain. L’ADN contenu dans les gamètes aura une influence majeure sur le développement d’une personne. L’ADN définit de manière déterminante notre être physique et psychique. La souffrance que subissent les personnes qui ne savent pas qui est leur père ou leur mère est réelle et témoigne de l’importance de la filiation biologique et génétique d’un être humain.
Les députés ont d’ailleurs adopté un amendement pour mentionner la Convention relative aux droits de l’enfant qui stipule, en son article 7, paragraphe 1 que : « L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. »
Toutefois, l’Assemblée ne tire pas toutes les conséquences de ce changement d’approche. D’une part cette recommandation ne vise que les futurs dons de gamètes. Elle n’apporte donc pas d’appui aux milliers de demandes de personnes déjà nées de dons anonymes et qui veulent avoir accès à la connaissance de leurs origines.
D’autre part la recommandation n’en vient absolument pas à la cause première des problèmes dénoncés : la PMA elle-même et ses extensions. Alors que certains pays continuent de légaliser l’accès à ces techniques pour des personnes seules ou avec un partenaire de même sexe, la distorsion entre filiation légale et génétique va nécessairement continuer de s’exacerber. Lors des débats, Mme De Sutter a prétendu que la levée de l’anonymat ne devait pas remettre en cause le lien juridique de filiation entre un enfant né d’un don et ses parents légaux. Ce sera pourtant la prochaine question à résoudre : que faire si le donneur et l’enfant demandent la reconnaissance de leur filiation ?
La veille de ce vote, une équipe médicale grecque a annoncé la naissance d’un enfant issu de l’ADN de trois personnes. « Les matériaux génétiques contenant les chromosomes de la mère dans un ovule d’une donneuse dont les matériaux génétiques avaient été enlevés. La fécondation a ensuite été réalisée in vitro avec le sperme du père et l’embryon implanté dans l’utérus de la mère ».[1]
En ne traitant pas le problème à la racine, l’Europe se dirige certainement vers un bouleversement du droit de la filiation.
[1] "Grèce : un bébé conçu avec l'ADN de trois différentes personnes, une première en cas d'infertilité", France info avec AFP, 11 avril 2019.