Conscience des maires & mariage
30 maires membres du Collectif des « Maires Pour l’Enfance » ont déposé plainte devant le Comité des droits de l’homme vendredi 16 décembre 2016, pour atteinte à la liberté de conscience.
Dans la requête déposée au Comité, Maître Claire de La Hougue, avocat au barreau de Strasbourg et chercheur associé à l’ECLJ, expose les violations de plusieurs articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en raison de l’obligation faite aux maires français de célébrer les cérémonies de mariages républicains pour des personnes de même sexe.
Au cours du processus législatif de la loi redéfinissant le mariage comme l’union de deux personnes sans égard à leur sexe, le président de la République avait promis aux maires la liberté de conscience. Finalement la loi n’a pas prévu de droit à l’objection de conscience, mais au contraire, le ministre de l’Intérieur de l’époque a signé une circulaire le 13 juin 2013 pour intimer l’ordre à tous les conseillers municipaux de se plier à la loi. Le ministre se référait à l’article 432-1 du code pénal, punissant de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique, de faire échec à l’exécution de la loi ainsi que l’article 432-7 du code pénal, relatif au délit de discrimination et menaçait également de poursuites disciplinaires les élus en tant qu’officiers d’état civil pouvant conduire à des peines de suspension temporaire ou de révocation de leur mandat électif (article L. 2122-16 du CGCT).
La loi dite « Taubira » a redéfini le mariage et implique des modifications graves pour la filiation, particulièrement l’adoption d’un enfant qui, sur les documents officiels de la République pourra avoir « deux pères » ou « deux mères ». Le fait pour un élu de célébrer solennellement une cérémonie pour une union qui ne constitue pas un véritable mariage selon l’acception universelle de ce terme et qui pourra avoir des conséquences graves pour les enfants peut justifier qu’il souhaite objecter en conscience à l’acte. C’est le sens de cette requête qui explicite en quoi la menace de 5 ans d’emprisonnement est injuste et attentatoire à la liberté de conscience des maires.
C’est la première fois que le Comité des droits de l’homme est saisi d’une telle requête. Il s’agit d’un organe créé en 1976 par un Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et habilité à recevoir des communications émanant de particuliers qui prétendent être victimes d’une violation d’un des droits énoncés dans le Pacte. Ce Comité s’est souvent prononcé sur l’objection de conscience en cas de service militaire obligatoire, mais pas sur d’autres sujets comme celui-ci.
Par le passé, la CEDH a eu l’occasion de se prononcer dans l’affaire Ewida et autres contre Royaume-Uni (nos 48420/10, 59842/10, 51671/10 et 36516/10) et y avait reconnu que le refus d’enregistrer une union civile entre deux personnes de même sexe constitue une conviction garantie par la liberté de penser, de conscience et de religion. Néanmoins la CEDH avait estimé que cette fonctionnaire pouvait être sanctionnée pour un tel refus, ce qui réduit le principe libéral à néant.
S’agissant des maires, comme cela est développé dans la requête, il s’agit d’élus, de personnes que les citoyens ont portés au pouvoir pour les représenter et défendre des valeurs. Obliger sous peine de prison et d’amende des élus à célébrer ces unions revient in fine, à empêcher l’accès à une fonction élective aux personnes opposées par convictions personnelles ou religieuses à ce type d’union et porte atteinte à la démocratie.
L’ECLJ, qui soutient cette requête, estime qu’il faut concilier les droits. L’État a l’obligation de concilier autant que possible les droits et intérêts concurrents afin de les respecter tous. En l’espèce, il apparaît clairement que le gouvernement français n’a pas cherché cela, mais au contraire il a voulu écraser la conscience des élus municipaux qui ne partagent pas sa conception nouvelle du mariage. Ce refus de chercher à concilier les droits en cause suffit, par lui-même, à caractériser une violation par l’État du droit au respect de la liberté de conscience.
L’État a tout-à-fait les moyens d’assurer la célébration des mariages républicains des personnes de même sexe tout en garantissant la liberté de conscience des élus locaux. C’est une question de volonté et de respect des droits de chacun.