CEDH

Vaccination obligatoire : la CEDH va se prononcer en Grande Chambre

Vaccins : La Grande Chambre saisie

Par Grégor Puppinck1589619600000

La vaccination est l’un des sujets de controverse publique les plus fréquents, d'autant plus lorsqu’elle est obligatoire, comme en France. C’est sur cette question que la Cour européenne des droits de l’homme va se prononcer solennellement, après qu’une formation de jugement plus réduite a décidé de se désister en faveur de la Grande Chambre. Un tel dessaisissement a lieu lorsqu’une affaire « soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention, ou si la solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour » (CEDH, art. 30). Dans de précédentes affaires, tout en reconnaissant l’atteinte portée par la vaccination obligatoire au respect de la vie privée, la Cour l’avait néanmoins estimée justifiée par des considérations de santé publique (Solomakhin contre Ukraine, 15 mars 2012).

Le renvoi de la présente affaire Vavřička et autres contre la République tchèque devant la Grande Chambre conduira la Cour à se prononcer avec précision sur cette question et pourrait l’amener à modifier sa position. Ce jugement très attendu fera alors jurisprudence dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe. L’ECLJ est intervenu dans cette affaire et a remis ses observations à la Cour en 2016.

Cette affaire a pour origine le refus de parents que soit administré à leurs enfants tout ou partie des vaccins obligatoires en République tchèque. Deux parents refusèrent tous les vaccins pour des motifs religieux, d’autres objectèrent à certains vaccins seulement, doutant de leur efficacité, tandis que d’autres voulurent faire vacciner leurs enfants plus tard que ce qui est prévu par l’administration. Dans un autre cas, enfin, le refus avait pour cause divers problèmes de santé de l’enfant. Ces couples furent tous sanctionnés. L’un fut condamné à une peine d’amende, les cinq autres furent empêchés d’inscrire leurs enfants à l’école maternelle. Ces refus concernent principalement les vaccins contre la tuberculose, la poliomyélite, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole.

Cette affaire est importante car le développement récent des biotechnologies exige avec une particulière acuité de poser des principes délimitant le pouvoir de l’administration publique sur le corps des personnes. Certes, la santé publique a beaucoup progressé au cours du XXe siècle, mais les gouvernements de nombreux pays, même démocratiques, ont parfois abusé de leur pouvoir en la matière, en imposant des politiques hygiénistes et eugénistes attentatoires aux droits des personnes. Ce fut le cas dès 1927 aux États-Unis, dont la Cour suprême se fonda sur la légalité de la vaccination obligatoire pour accepter celle de la stérilisation forcée ; c’est encore le cas aujourd’hui en Afrique où des jeunes filles sont quasi-contraintes de recevoir des implants contraceptifs au nom de politiques publiques de contrôle démographique.

En France, l’augmentation subite et massive du nombre de vaccins obligatoires –passant de trois à onze en 2018- suscite des interrogations et se heurte à de fortes résistances. À ce jour, rien n’interdirait au gouvernement d’accroître encore le nombre de vaccins obligatoires, alors même qu'est en cause le respect de la santé et de l’intégrité physique et morale des personnes. En France, l’admission d’un enfant dans une structure collective (crèche, école, etc.) est conditionnée à sa vaccination préalable, et le refus des parents les expose à des poursuites.

Il reviendra à la Cour européenne de fixer les limites de ce pouvoir. Elle pourra, à cette fin, s’appuyer sur les grands principes du droit médical et des droits de l’homme. Il est probable que la Cour se penchera en particulier sur le caractère général de l’obligation vaccinale, et sur l’absence de tout mécanisme de dérogation ouvert aux parents objecteurs, même pour motif médical.

Dans son analyse, la Cour tiendra compte du fait qu’une proportion importante des États européens n’impose pas d’obligation vaccinale. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, Chypre, du Danemark, de l’Espagne, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Irlande, de la Lituanie, du Luxembourg, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suède. Or, d’après Daniel Floret, président du Comité technique des vaccinations (CTV) du Haut conseil de la santé publique, ces pays « ont un taux de couverture vaccinale à peu près similaire » aux pays qui l’imposent[1]. Le caractère obligatoire de la vaccination n’a donc pas d’incidence majeure sur le taux de couverture vaccinale de la population.

L'ECLJ n'a pas de compétence ni de prétention à se prononcer sur la valeur ou l'innocuité des vaccins en général et n'incite pas au refus vaccinal. Cependant, il semble que le but recherché par la vaccination obligatoire puisse être atteint par des mesures moins contraignantes et plus respectueuses des libertés et droits fondamentaux des parents. 

Il revient à la Grande Chambre de la Cour européenne de trancher.

 

[1] Cécile Casciano, « L'arrêt de la vaccination obligatoire est inéluctable », L’Express, 20 mars 2015.

CEDH/Vaccination obligatoire : Pour une limitation du pouvoir de l’État
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