CEDH

Affaire Paradiso : l’Italie pouvait retirer la garde d'un enfant "vendu" par GPA

GPA: Revirement de la CEDH (Paradiso)

Par Grégor Puppinck1485275940361

Ce 24 janvier, la formation solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme, a rendu publique une décision importante renversant une précédente décision de janvier 2015 en matière de gestation par autrui (GPA) dans l’affaire Paradiso et Campanelli c. Italie.

A l’encontre de sa précédente décision, la Grande Chambre de la Cour a jugé, par onze voix contre six, que les autorités italiennes pouvaient légitimement retirer aux adultes commanditaires la garde d’un enfant obtenu illégalement par GPA. Ce faisant, la Cour rend aux États européens une certaine faculté de lutter contre la GPA internationale. 

Cette affaire se distingue des précédents arrêts prononcés contre la France (Mennesson, Labassée, etc) en ce que l’enfant n’a aucun lien biologique avec les commanditaires italiens : il a été produit sur commande pour 49000 euros par une société moscovite avec des gamètes de tierces personnes. Les autorités italiennes, constatant la violation des normes internationales et de l’ordre public italien, décidèrent – dans l’intérêt de l’enfant – de le retirer de la garde de ses acquéreurs pour le confier à l’adoption. L’enfant vécut moins de six mois avec ses commanditaires.

Dans un premier jugement du 27 janvier 2015, la Cour avait condamné l’Italie à verser 30000 euros au couple, estimant que le retrait de l’enfant avait porté atteinte au respect de leur vie privée et familiale, tout en concédant que l’Italie pouvait refuser de reconnaître la filiation établie en Russie. Pour juger ainsi, la Cour avait estimé que l’achat d’un enfant peut constituer le fondement d’une vie familiale protégée par les droits de l’homme dès lors que les acquéreurs se sont comportés « comme des parents » pendant quelques mois. La Cour en déduisit que la protection de cette « vie familiale » primait le respect de l’ordre public et qu’il était dans l’intérêt de l’enfant d’être élevé par ses acquéreurs. Ce faisant la Cour entérinait une vente d’enfant, paradoxalement au nom de l’intérêt de l’enfant.

Deux juges « dissidents » Robert Spano et Guido Raimondi, élu depuis Président de la Cour, avaient alors dénoncé cet arrêt en ce qu’il réduisait à néant la liberté des États de ne pas reconnaître d’effets juridiques à la gestation pour autrui, et même la légitimité du choix de l’État en ce sens.

Dans sa nouvelle décision, et c’est un point important, la Grande Chambre a conclu à l’absence de vie familiale, même seulement de facto (§ 157), entre les requérants et l’enfant compte tenu de l’absence de tout lien biologique entre eux, de la courte durée de leur cohabitation et de la « précarité » juridique de leurs liens, et ce « malgré l’existence d’un projet parental et la qualité des liens affectifs ».

La Cour a en revanche estimé que la vie privée des requérants a été affectée par le retrait de l’enfant, mais sans entraîner de violation des droits des requérants. La Cour a en effet jugé que le retrait de l’enfant avait pour but légitime la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui, en particulier celui de protéger les enfants en matière de filiation. Elle a également estimé que l’enfant ne subirait pas un préjudice grave ou irréparable en conséquence de la séparation et que par suite les autorités ont ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, tout en demeurant dans les limites de la marge d’appréciation dont elles disposaient.

Il en résulte que le droit au respect de la vie privée et familiale des requérants n’a pas été violé.

De façon importante et à l’inverse de la première décision, la Grande Chambre rappelle que « la Convention ne consacre aucun droit de devenir parent » et pose que « l’intérêt général » prime « le désir de parentalité » des requérants. Plus encore, il était légitime de retirer l’enfant car « Accepter de laisser l’enfant avec les requérants (…) serait revenu à légaliser la situation créée par eux en violation de règles importantes du droit italien. » (§ 215)

Par cette décision, la Grande Chambre n’a malheureusement pas saisi l’occasion de condamner la pratique GPA en soi, mais elle rend néanmoins aux États la liberté de refuser le fait accompli et de sanctionner les personnes qui ont recours illégalement à la GPA, cette sanction pouvant aller jusqu’au retrait de l’enfant, comme en l’espèce. Le principe même de cette sanction est avalisé en l’espèce, et c’est seulement sa proportionnalité qui est soumise au contrôle de la Cour.

Il faut également souligner l'opinion concordante commune aux Juges De Gaetano, Pinto de Albuquerque, Wojtyczek et Dedov qui déclarent :

« nous estimons que la gestation pour autrui, qu’elle soit ou non rémunérée, n’est pas compatible avec la dignité humaine. Elle constitue un traitement dégradant non seulement pour l’enfant mais également pour la mère de substitution »

L’ECLJ s’est très fortement engagé sur cette affaire depuis 2012 et n’a eu de cesse de dénoncer la décision de 2015.  L’ECLJ se réjouit de cette décision ; il félicite les autorités italiennes pour leur défense.

 

Liens :

Grégor Puppinck et Claire de La Hougue, « Paradiso et Campanelli c/ Italie : la CEDH entérine une “vente d'enfant par GPA” », RLDC, 5841, mai 2015

CEDH, Affaire Paradiso et Campanelli, n°25358/12, Deuxième Section, 27 janvier 2015

Paradiso and Campanelli v Italy :The ECHR validates the sale of a child through surrogacy

Claire de La Hougue, « CEDH : de la GPA à la vente d’enfants », Valeurs actuelles, 17 février 2015.

Grégor Puppinck, « GPA : l’engrenage de la CEDH », Le Figaro Vox, 13 février 2015.

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