L’histoire d’Andrew Brunson
Andrew Craig Brunson est un citoyen américain et pasteur originaire de Caroline du Nord. Pendant plus de 23 ans, il a vécu paisiblement en Turquie avec sa femme et ses trois enfants, scolarisés dans des écoles turques, dont deux sont nés dans ce pays. Durant son long séjour en Turquie, Andrew Brunson était pasteur de l’église de la Résurrection dans la ville d’Izmir. En tant que responsable religieux de cette communauté, le pasteur Brunson était respecté par sa communauté et connu des autres communautés chrétiennes, la famille Brunson ayant toujours manifesté beaucoup de respect et d’amour à l’égard du peuple turc et de la Turquie.
Exerçant une activité religieuse, le Pasteur Brunson s’est appliqué à toujours se maintenir à l’écart de toute activité politique, et de garder son église en dehors de tout engagement politique. Comme l’explique son avocat, il considérait que le fait d’établir des relations financières et politiques avec un gouvernement ou d’autres groupes viendrait à souiller les croyances religieuses dans lesquelles il croit. Andrew Brunson est toujours resté attaché à ce principe.
Le 7 octobre 2016, alors qu’il rentrait chez lui, il trouva une convocation écrite officielle lui demandant de se rendre au poste de police local, muni de son passeport. Pensant que la mise en demeure concernait le renouvellement de son visa de résident, le pasteur Brunson se rendit immédiatement au poste de police d’Izmir ce même jour. Sur place, on l’informa qu’il faisait l’objet d’un ordre d’expulsion car on venait d’estimer qu’il était devenu une menace pour la sécurité nationale.
Le même jour, il fut placé en détention au Centre de détention Harmandali. Il n’obtint le droit de voir son avocat qu’à partir du 9 décembre 2016, soit plus de deux mois après sa mise en détention, jour où il fut transféré au milieu de la nuit dans une prison sous haute surveillance à Izmir. À ce moment-là, on l’informa qu’il était détenu comme suspect, bien qu’ « aucune preuve n’ait encore été apportée », du crime d’appartenance à une organisation terroriste armée. En effet, ce 9 décembre 2016, la 5e Cour Pénale de Paix d’Izmir avait ordonné que le pasteur continuât d’être placé en détention dans l’attente de l’instruction de son dossier.
Les mois suivants, de multiples appels furent interjetés pour contester cette détention et mettant en évidence les irrégularités de la décision de la Cour turque. Tous ces recours furent sommairement rejetés, bien qu’aucune preuve n’ait été avancée pour justifier les accusations dont le pasteur faisait l’objet. En outre, le pasteur Brunson et son avocat n’ont jamais pu accéder au dossier, ni à aucun élément de preuve, le dossier ayant été mis sous scellé. La procédure est depuis lors bloquée au stade de l’instruction, aucun élément ne permet de dire si ou quand une mise en accusation interviendra. Andrew Brunson est ainsi aujourd’hui toujours détenu en prison, de façon totalement arbitraire, dépourvu de ses droits, et sans aucune raison puisqu’aucune accusation, encore moins de condamnation n’ont officiellement été rendues contre lui.
La Turquie, État partie au Conseil de l’Europe et à la Convention européenne des droits de l’homme continue de maintenir Andrew Brunson emprisonné, lui niant ainsi ses droits fondamentaux, et privant par la même occasion sa famille d’un mari et d’un père.
Les implications politiques de la détention arbitraire du Pasteur Brunson
En Turquie, les détentions illégales de longue durée ont atteint un point où on observe une violation continuelle du droit international. Ce problème a été nettement souligné dans un rapport préparé par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Thomas Hammarberg : « Le Commissaire réexprime son inquiétude concernant le recours excessif aux détentions provisoires et leur durée, notamment à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il demande prestement aux autorités turques d’éviter les situations dans lesquelles des personnes se retrouvent en détention pendant des durées déraisonnables avant de pouvoir être jugées, ce qui s’assimilerait à de l’ ‘internement par détention’. Pour ce faire, les autorités turques devraient redoubler d'efforts en vue d'accélérer les procédures et de développer le recours aux mesures non privatives de liberté. Elles devraient aussi rappeler de manière claire aux juges et aux procureurs le caractère exceptionnel de la détention provisoire. »[1]
Dans des cas similaires à celui d’Andrew Brunson[2], impliquant plusieurs individus accusés d’appartenance à une organisation criminelle, la Cour européenne a pu juger récemment que le Gouvernement turc n’avait pas fourni d’éléments de preuve concernant l’existence d’un lien entre les appelants et l’organisation criminelle présumée. Elle a estimé que l’interprétation et l’application des dispositions légales invoquées par les autorités internes ont été déraisonnables au point de conférer à la privation de liberté des intéressées un caractère irrégulier et arbitraire. Elle a ainsi condamné la Turquie pour violation de l’article 5 §1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme. S’agissant du droit à un procès équitable, la Cour européenne a également condamné la Turquie[3] et jugé ses procédures internes abusives dans leur ensemble, suite à l’’impossibilité pour l’appelant, un citoyen turc condamné pour appartenance à une organisation illégale, d’interroger ou de faire interroger les témoins dont les dépositions avaient servi de fondement à sa condamnation, ainsi qu’à l’absence d’assistance d’un avocat lors de sa garde à vue.
Depuis qu’il est en prison, le Pasteur Brunson a vécu dans des conditions inhumaines, a perdu plus de 20 kilos, et a été encellulée durant plusieurs périodes prolongées dans une cellule prévue pour huit personnes ayant accueilli plusieurs fois jusqu’à 22 prisonniers.
Aujourd’hui, la situation dramatique du pasteur Brunson a attiré l’attention de centaines de milliers de personnes à travers le monde et suscité une mobilisation inédite de la part des plus hautes instances pour demander sa libération. Malgré cela, le Gouvernement turc, le 24 août 2017, a allégué de nouvelles accusations contre le pasteur, accusations encore plus aberrantes et déconcertantes que celles d’origine. Andrew Brunson est maintenant accusé d’espionnage militaire et politique, de tentative de renversement du Gouvernement turc et de la Grande Assemblée nationale, ainsi que de tentative de renversement de l’Ordre Constitutionnel, entre autres ; les trois dernières inculpations donnant lieu non seulement à des peines aggravantes jusqu’à perpétuité mais impliquant également que l’accusé ait fait usage de force et de violence. Une fois encore, aucune preuve n’a été avancée au fondement de ces accusations ridicules. Ainsi, le pasteur Brunson continue de clamer son innocence et de démentir toutes les accusations qui l’affublent.
Alors la question demeure, pourquoi les autorités turques continuent-elles de le détenir ?
Le Président Erdoğan lui-même a peut-être répondu à cette question lorsqu’il a récemment réclamé aux États-Unis un échange du pasteur Brunson contre Fethullah Gülen[4], le clerc que le Président turc tient pour responsable de la tentative de coup d’État de juillet 2016, qui est aujourd’hui réfugié aux États-Unis. Ces déclarations viennent confirmer le caractère arbitraire et abusif de l’emprisonnement d’Andrew Brunson, qui s’inscrit maintenant dans un agenda politique turc bien précis.
Cette injustice scandaleuse doit officiellement être reconnue par la communauté internationale et tous les efforts doivent être faits afin de mettre un terme à la situation dramatique du pasteur Brunson.
Signer la pétition pour sa libération.
[1] Traduction non officielle. Voir le rapport original en anglais: Administration of Justice and protection of human rights in Turkey, 10 January 2012.
[2] ECHR, Mergen and Others v. Turkey (applications nos. 44062/09, 55832/09, 55834/09, 55841/09 and 55844/09) and ECHR, Ayşe Yüksel and Others v. Turkey (nos. 55835/09, 55836/09 and 55839/09), 31 May 2016.
[3] ECHR, Gökbulut v. Turkey, Application no. 7459/04, 29 March 2016.