Sud-Liban : reconstruire l’espérance des chrétiens pris entre deux fronts
Malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 entre Israël et le Hezbollah, les bombardements se poursuivent dans un Sud-Liban ravagé. Les chrétiens exilés tentent de regagner leur région d’origine, mais la reconstruction reste bloquée par l’instabilité sécuritaire et la présence persistante du Hezbollah, acteur central du chaos. L’ECLJ alerte le Conseil des droits de l’homme de l’ONU dans son Examen périodique universel.
Domitille Casarotto
Le cessez-le-feu signé fin novembre 2024 avait suscité l’espoir d’un retour au calme. Mais face à la poursuite des provocations du Hezbollah et à son enracinement militaire au cœur de zones civiles, Israël a dû reprendre ses frappes ciblées. Entre février et juin 2025, plusieurs opérations ont visé des entrepôts d’armes, des infrastructures militaires et des positions de tir. Le 13 juin, l’opération israélienne « Rising Lion », menée contre des installations stratégiques iraniennes, a marqué une nouvelle étape dans la réponse israélienne face à la menace régionale. Pendant douze jours, le ciel du Sud-Liban a été traversé par des missiles et des drones.
La population libanaise demeure prise en étau entre les frappes israéliennes et l’emprise du Hezbollah. Dans plusieurs villages chrétiens du Sud-Liban, notamment Rmeich et Qlayaa, les autorités locales et de nombreux résidents dénoncent depuis des mois l’installation de positions militaires dans leurs vergers et quartiers. Ce déploiement expose directement les civils aux représailles, et empêche tout retour à la sécurité et toute tentative de reconstruction durable. Les bombardements de l’automne 2024 ont provoqué des destructions considérables, contraignant des centaines de familles à l’exil. Aujourd’hui encore, beaucoup d’entre elles hésitent à rentrer tant que l’État libanais n’est pas en mesure d’assurer leur protection.
« La souffrance des habitants est immense », racontait le père Felfli de Debel en octobre 2024 (témoignage rapporté par SOS Chrétiens d’Orient). « La peur est très répandue parmi les femmes et les enfants, surtout depuis que certaines maisons ont été bombardées à Debel. » Depuis, si les frappes se font plus rares, la situation ne s’est guère améliorée. « Nous n’avons pas de mauvais sentiment. Nous voulons seulement vivre en paix, cultiver nos champs, élever nos enfants », soupire le père Nagib Al Amil, prêtre maronite de Rmeich, avant d’ajouter: « Au Sud, les chrétiens sont les éternels otages » (témoignage rapporté par l’Œuvre d’Orient, 22 juillet 2025).
La milice soutenue par l’Iran prétend défendre le Liban contre Israël, mais ce sont les Libanais qui paient le prix de l’emprise de cet État dans l’État. Des quartiers entiers et des églises comme celle de Derdghaya (grecque-melkite) ou celle de Qlayaa (maronite), à quelques kilomètres de la frontière, ont été anéantis. Les familles chrétiennes qui tentent de rentrer après la fermeture des camps de réfugiés ne retrouvent chez elles que des ruines. Nombreux sont ceux qui s’établissent dans des villages voisins, mais leur situation demeure précaire et leur accès à de nombreux services reste limité, constate Karen Achkouty, responsable de projet chez SOS Chrétiens d’Orient et interrogée par l’ECLJ.
Si le Liban compte une communauté chrétienne importante, ancienne et au rôle social établi, la montée des attaques contre des sites chrétiens est alarmante. En l’espace de deux semaines en janvier 2024, une dizaine d’églises de Beyrouth et du Mont-Liban ont été vandalisées et pillées par un gang, dont certains membres ont été arrêtés par les forces de sécurité. Plus inquiétant encore : les anciens musulmans convertis au christianisme sont l’objet de persécutions de la part de leurs proches, ce qui les conduit à se cacher, voire à fuir le Liban. L’ECLJ a relevé ces signes inquiétants de violation des droits des chrétiens libanais dans sa contribution à l’Examen périodique universel (EPU) du Liban publiée en juillet 2025.
L’ECLJ appelle les autorités libanaises à prendre des mesures pour que les chrétiens puissent pratiquer librement leur foi, sans craindre d’être harcelés ou menacés par les membres de leur famille ou de leur communauté. De plus, le Liban doit agir sans délai pour condamner et démanteler le Hezbollah. Ce mouvement, responsable de la militarisation du Sud et de l’enlisement du pays dans les conflits régionaux, constitue une menace directe pour les populations civiles libanaises et pour Israël. Son règne de terreur ne prendra fin que s’il est désarmé et dissous, ce qui pourrait mettre fin à la violente riposte israélienne et ouvrirait la voie à un retour de la paix.