Lettre ouverte Turquie 98 signataires
Comment l'Europe a ouvert les yeux sur la dictature turque d'Erdogan
Tribune publiée dans Valeurs actuelles le 5 juillet 2018
Des parlementaires européens ont récemment pris à bras-le-corps les difficultés posées par l’évolution récente de la Turquie et par la présence accrue de l’islam sur notre continent. Nous ne pouvons que saluer leur réalisme, même si leur incapacité à définir une vision d’avenir pour l’Europe est regrettable.
Les députés au Parlement européen sont ainsi de plus en plus critiques à l’égard de la Turquie. Une lettre ouverte adressée, le 5 juillet 2018, par une centaine de députés au président turc Erdogan en témoigne, à l’occasion du procès du pasteur chrétien Andrew Brunson, qui débutera le 18 juillet. Dans celle-ci, les députés commencent par rappeler leur résolution votée en février et dénoncent fermement les violations actuelles des droits de l’homme en Turquie. Ils protestent ensuite « contre le fait que le pasteur Brunson a dû attendre près d’un an et demi avant d’être inculpé » et contre « le fait que l’acte d’accusation associe la “christianisation” au terrorisme, considérant la foi chrétienne comme une menace pour l’unité de la Turquie, alors que le christianisme a été présent pacifiquement sur cette terre bien avant la république de Turquie actuelle ».
La liste des signataires de la lettre en fait une exception dans la vie politique européenne. Les 98 eurodéputés signataires sont issus de tous les groupes politiques et de 21 nationalités : cette unité est très rare en politique, d’autant plus lorsqu’elle vise à défendre la mission d’évangélisation d’un pasteur auprès des musulmans.
Parmi les Français, les anciens ministres Brice Hortefeux (LR) et Jean Arthuis (REM) ont cosigné la lettre, aux côtés de députés appartenant à divers partis politiques, en particulier Édouard Martin (PS), Nathalie Griesbeck (MoDem), José Bové et Michèle Rivasi (EELV), Nicolas Bay (Rassemblement national), Jean-Marie Le Pen (non-inscrit) ou encore Florian Philippot (Les Patriotes). Parmi les personnalités étrangères qui se sont associées à la démarche, nous remarquons notamment Peter van Dalen et Lars Adaktusson, respectivement coprésident et vice-président de l’intergroupe du Parlement européen sur la liberté de religion. Au moment des élections générales turques, ces députés envoient ainsi un signal fort à l’exécutif européen, qui a exprimé à plusieurs reprises son souhait de voir la Turquie rejoindre l’Union.
Au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, d’autres députés s’opposent également à la Turquie, à ses alliés, et corrélativement à l’islam. Dans la grande Europe des Quarante-Sept, incluant plusieurs pays à majorité musulmane, le combat doit, en effet, être mené au sein même de l’institution. Un rapport récent initié par des députés de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a permis de mettre en lumière un scandale de corruption impliquant directement l’Azerbaïdjan, affidé de la Turquie. Le groupe d’enquête indépendant missionné par les parlementaires a alors montré l’impact de cette corruption sur les votes de députés. Dans un autre rapport, l’APCE dénonce la ratification par la Turquie, l’Azerbaïdjan et l’Albanie de la Déclaration des droits de l’homme en islam (1990), qui subordonne les droits et libertés « aux dispositions de la loi islamique », considérée comme « la seule source de référence ». Le rapport conclut à « l’existence d’incompatibilités structurelles » entre l’islam et les droits de l’homme, notamment en raison du statut discriminant des chrétiens et des juifs et de la supériorité des hommes sur les femmes dans la charia.
Cela étant, si des éléments consubstantiels à l’islam sont contraires aux droits de l’homme, quelles conséquences les États européens doivent-ils en tirer en ce qui concerne notamment leurs rapports avec les pays musulmans comme la Turquie ou leurs politiques d’immigration ? Les travaux du Conseil de l’Europe n’osent malheureusement pas apporter de réponse à cette question délicate…