CEDH

Jan Figel saisit la CEDH contre les restrictions à la liberté de religion pendant la covid

Covid-19 : Ján Figeľ saisit la CEDH

Par ECLJ1690555519859

Entretien avec Ján Figeľ, commissaire européen de 2004 à 2009, puis ministre slovaque des Transports de 2010 à 2012. De 2016 à 2019, il fut l'envoyé spécial de la Commission européenne pour la promotion de la liberté de religion en dehors de l'UE

ECLJ : Quelles ont été les restrictions à la liberté de religion en Slovaquie en 2020 ?

Ján Figeľ : Lors de la première vague de la pandémie, l'interdiction générale a été décrétée par le ministère de la santé publique. De facto, les églises, qu'il s'agisse de grandes cathédrales ou de petites chapelles, ont été fermées en même temps que d'autres centres de loisirs, de culture ou de sport. Lorsque cette interdiction générale du culte collectif public a été réitérée au début de l'année 2021, j'étais convaincu qu'elle violait la Constitution slovaque et le droit international en vigueur dans mon pays d'origine. Je me suis adressé au Gouvernement et au Procureur général pour demander le respect et la protection des libertés fondamentales et des droits de l'homme. Je n'ai reçu aucune réponse.

À cette époque, le taux de mortalité par habitant causé par la pandémie en Slovaquie était le plus élevé au monde ! Les mesures n'étaient pas scientifiquement fondées, elles étaient contre-productives et causaient de nombreuses pertes humaines. En février 2021, j'ai décidé de déposer une plainte à Strasbourg. Elle a été mise à jour en avril 2021. Les évêques catholiques, protestants et orthodoxes ont soutenu mon initiative, car leurs revendications justifiées n'ont pas été acceptées par le Gouvernement. La Cour a enregistré cette requête et, à la fin de l'année 2022, a communiqué l'information sur son site internet.

La communication publiée par la Cour européenne des droits de l'homme est très brève, pourriez-vous développer pour nous les arguments de votre requête ?

L'enregistrement de ma plainte et la publication officielle de la procédure en cours par la CEDH sont importants. Cela signifie que le processus de jugement est en cours et que la décision finale de la Cour est attendue. Le Gouvernement slovaque a envoyé ses arguments à la Cour et plusieurs organisations qualifiées ont demandé et rédigé des interventions des tierces parties, parmi lesquelles figure l'ECLJ. Je me réjouis de cet intérêt et de ce soutien très professionnels. De mon côté, avec des avocats, je finalise la réponse aux arguments du Gouvernement slovaque. Tout a été transmis à la Cour depuis juillet 2023 pour qu'une décision motivée soit rendue.

La plainte présente des arguments sur la violation de trois conditions cruciales pour une limitation admissible de la liberté religieuse selon la Convention européenne : l'absence de base juridique pour de telles dispositions, la légitimité douteuse de l'objectif poursuivi sans aucune donnée scientifique, et la disproportion des mesures adoptées. Elles étaient loin d'être nécessaires dans une société démocratique.

Avez-vous été surpris à l'époque par la facilité ou le mépris avec lequel tous les gouvernements de l'UE ont restreint les cérémonies religieuses, etc. Comment l'expliquez-vous ?

Cette facilité était frappante dans certains pays, mais elle n'était pas partagée par tous. Par exemple, l'interdiction générale du culte en Slovaquie était la plus restrictive et la plus longue dans la région, si l'on compare avec la Tchécoslovaquie, l'Autriche, la Hongrie, l'Ukraine et la Pologne. Cela témoigne d'un faible respect des droits de l'homme, d'une relativisation de la santé mentale et spirituelle des personnes en temps de crise. Au lieu de la laïcité, c'est le sécularisme qui progresse, et la liberté religieuse en est souvent la victime - elle est souvent mal comprise, abandonnée et maltraitée. Pour moi, il était inacceptable de voir des églises fermées en période de crise covid, alors que les centres commerciaux étaient ouverts et fréquentés.

Jusqu'à présent, la CEDH s'est montrée extrêmement prudente dans les affaires liées à la Covid. Êtes-vous optimiste quant à votre requête ? Pensez-vous que la CEDH osera condamner un État pour les mesures excessives qu'il a prises contre la covid ?

Les restrictions de la liberté religieuse sont possibles et acceptables. Mais les limitations imposées par l'État doivent être conformes aux critères de légalité, de légitimité et de proportionnalité. La Convention européenne des droits de l'homme, dans son article 9, n'autorise que les limitations qui sont légales, légitimes et proportionnées. L'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme n'autorise que les restrictions prévues par la loi, nécessaires dans une société démocratique et dans l'intérêt, entre autres, de la santé publique.

Lors de la première vague de la pandémie, la Cour n'a accepté aucune plainte contre les restrictions. En revanche, elle s'est montrée plus ouverte dans les cas ultérieurs, où davantage de connaissances et de données ont été collectées. On s'attendait donc à une différenciation scientifique et à des mesures plus efficaces. Ma plainte portait sur les mesures prises lors de la deuxième vague en Slovaquie. Alors que d'autres autorités, comme les représentants de l'Église, les juristes constitutionnels et les autorités publiques, restaient pour la plupart silencieuses ou complaisantes, j'ai décidé d'élever la voix et de réagir. J'ai écrit des lettres à tous les membres du gouvernement, au président, au président du Parlement et au procureur général. Aucune réponse, aucune modification, c'est regrettable. J'ai donc décidé de réclamer la protection de mes droits fondamentaux à Strasbourg. En tant qu'ancien envoyé spécial pour les droits de l'homme en dehors de l'UE, j'ai beaucoup d'expérience dans ce domaine. En tant qu'européen, je pense que nous ne pouvons pas être crédibles dans la promotion des droits de l'homme à l'extérieur de l'Union si nous ne nous préoccupons pas des droits de l'homme pour tous à l'intérieur de l'Union européenne, ou si nous ne les respectons pas.

Maintenant que la covid est pratiquement derrière nous, quels enseignements pouvons-nous en tirer en ce qui concerne la protection de la liberté de religion ?

La décision attendue de la Cour constituera un précédent. Elle sera contraignante pour la Slovaquie, mais servira de jurisprudence importante pour l'ensemble du continent européen. En temps de crise, nous ne devrions jamais opposer la liberté religieuse à la santé publique en interdisant les cultes communautaires. C'est antidémocratique et illibéral.

Le vieux principe du droit romain dit : Vigilantibus iura scripta sunt ! Pour une véritable justice dans la société, nous devons rester vigilants ! D'autant plus si nous comprenons que la liberté de conscience et de religion est un indicateur du respect de tous les droits fondamentaux ! Il existe un lien étroit entre cette liberté et la dignité humaine.

Pour la défense des Chrétiens persécutés
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