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Institutions Françaises

Une dissolution d’Academia Christiana violerait plusieurs libertés publiques

Une dissolution d’Academia Christiana violerait plusieurs libertés publiques

Par Nicolas Bauer1703841060000
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Un décret de dissolution de l’association française Academia Christiana sera présenté en Conseil des Ministres dans les semaines qui viennent, d’après le ministre de l’Intérieur. Cette tribune, publiée dans Le Figaro (13/12/2023) réagit à cette annonce.

Sur le média Brut, Gérald Darmanin a annoncé le 10 décembre son projet de dissoudre Academia Christiana, institut de formation catholique conservateur. Il n’a alors mentionné aucun fait justifiant cette dissolution. Le lendemain, sur CNEWS, le ministre de l’Intérieur a pointé du doigt un seul élément factuel : « Cet été ils ont fait l’apologie de l’antisémitisme, avec des personnes qui considéraient que les Juifs n’étaient pas des personnes comme les autres ». D’après certains commentateurs, Gérald Darmanin aurait confondu Academia Christiana avec Civitas, parti politique qui a laissé tenir des propos hostiles au judaïsme lors de sa dernière université d’été. Civitas a déjà fait l’objet d’un décret de dissolution et n’a a priori aucun lien avec Academia Christiana.

Cependant, derrière une telle annonce de dissolution, il existe un dossier plus épais. Gérald Darmanin l’a résumé ainsi : « ce n’est pas une association qui correspond, me semble-t-il, aux valeurs de la République ». La liste des reproches faits par le ministère de l’Intérieur à Academia Christiana a fuité dans la presse. Elle mérite d’être commentée, car elle montre que le gouvernement malmène non seulement la liberté d’association, mais aussi plusieurs autres libertés publiques, comme celles de pensée, d’expression, d’éducation ou encore de religion. Ces libertés sont exercées par tous et sont notre bien commun. Elles sont protégées et doivent continuer à l’être, y compris lorsqu’elles sont exercées contre les valeurs de la République. Ces « valeurs » inspirent nos lois mais ne constituent pas une idéologie officielle à laquelle il serait obligatoire d’adhérer. Chacun a le droit de les critiquer, librement.

Analysons un à un les « pires » faits pointés du doigt par le gouvernement contre Academia Christiana. À l’été 2021, un intervenant à une université d’été aurait encouragé ainsi les participants : « Instruisez vos enfants afin de les libérer de l’emprise républicaine », même au prix d’un « sacrifice financier ». Autrement dit, les parents étaient incités à privilégier des écoles privées, payantes, aux écoles publiques, gratuites, afin d’éviter que leurs enfants suivent un programme intégralement pensé par l’Éducation nationale. Cette liberté scolaire est protégée par le droit des parents d’éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions. Ce droit est valable même lorsque les convictions en question sont différentes de celles du gouvernement, notamment en matière de sexualité ou de religion. La liberté scolaire doit donc légitimement pouvoir être exercée et promue.

Un deuxième fait souligné par le ministère de l’Intérieur est supposé constituer une « apologie de la collaboration en rendant hommage au régime de Vichy ». Il est reproché à un prêtre, en 2020, d’avoir évoqué dans une vidéo YouTube d’Academia Christiana des jeunes allant « au cimetière du Grand Bornand […] pieusement prier pour les miliciens qui ont été exécutés à la Libération », en les enjoignant de ne pas se faire « photographier avec tout le monde ». Le prêtre est accusé de ne pas condamner ces jeunes, alors qu’ils prient pour des « collabos ». Pour autant, il ne les incite pas à une telle démarche. Par ailleurs, d’un point de vue chrétien, prier pour une personne décédée n’a de sens que si on n’a pas la certitude que cette personne est au Ciel. Une telle prière présume donc que ces miliciens doivent être purifiés de leurs fautes et est l’inverse d’une « canonisation » de ces personnes. En tout état de cause, une telle démarche de prière est évidemment protégée par la liberté de culte, qui est une des dimensions de la liberté de religion.

Deux autres faits sont considérés par le gouvernement comme provoquant à la discrimination envers les femmes. Il s’agit de la publication d’un article sur la pudeur et d’une recension du livre Le Courage de la Paternité écrit par un Père dominicain. Il est reproché à l’article sur la pudeur de dire aux femmes comment s’habiller. Or, les nombreuses photos de jeunes femmes d’Academia Christiana montrent qu’elles sont tout à fait libres de se vêtir comme elles le souhaitent. L’institut de formation ne promeut ni l’uniforme, ni la burqa. En ce qui concerne la recension du livre, elle indique que, dans un mariage chrétien, l’homme est le chef de famille et la femme lui est soumise. Cette affirmation s’appuie directement sur la Bible, en particulier sur un passage de Saint Paul. Les théologiens sont unanimes sur le fait qu’une telle distinction des rôles ne signifie pas une inégalité entre l’homme et la femme. La promotion de cette vision de la famille ne provoque donc pas à la discrimination et est protégée par les libertés de pensée et d’expression.

Dans la lettre de Gérald Darmanin à Academia Christiana, d’autres arguments en faveur d’une dissolution sont listés, mais paraissent moins sérieux et il est donc inutile de s’y arrêter. Certains concernent de simples participants aux formations organisées par cette association, mais n’engagent pas l’association elle-même. D’autres semblent tirés par les cheveux. Par exemple, le président d’Académia Christiana aurait publié sur LinkedIn une carte postale d’une ville de Bavière, où il a étudié et passé des vacances familiales, et le gouvernement rappelle qu’Hitler avait fait un bon score dans cette même ville lors de l’élection présidentielle de 1932. Cette ville médiévale charmante, Rothenburg ob der Tauber, attire chaque année de nombreux touristes, sans aucun lien avec l’antisémitisme passé de ses habitants. Cette accusation fantaisiste ferait sourire si elle ne prétendait pas appuyer une procédure de dissolution d’une association.

La procédure engagée par le gouvernement contre Academia Christiana devrait inquiéter toutes les associations françaises. Elle témoigne de la fragilité de la liberté d’association et d’autres libertés exercées par tous les citoyens. Elle montre aussi que le gouvernement restreint ces libertés pour servir des objectifs politiques.

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