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APCE: La résolution controversée sur la prostitution repart en Commission !

La résolution sur la prostitution repart en Commission

Par Priscille Kulczyk1728052709605
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Le 3 octobre 2024, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a voté en faveur du renvoi en Commission de la proposition de résolution controversée sur la prostitution, intitulée « Protéger les droits humains et améliorer la vie des travailleuses et des travailleurs du sexe et des victimes d’exploitation sexuelle ». Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) se réjouit de cette victoire d’étape à laquelle il a contribué.

Le débat et le vote sur le rapport et la proposition de résolution « Protéger les droits humains et améliorer la vie des travailleuses et des travailleurs du sexe et des victimes d’exploitation sexuelle », prévus à l’ordre du jour de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) pour l’après-midi du 3 octobre 2024, n’ont finalement pas eu lieu. Dans un discours bref et en l’absence du rapporteur Fourat Ben Chikha, la présidente de la Commission sur l’égalité et la non-discrimination Mariia Mezentseva-Fedorenko a « [demandé] à l’Assemblée de renvoyer le rapport à la commission […] afin qu’elle poursuive ses discussions, son travail et ses délibérations ». Comme l’avoue la présidente de la commission, ce renvoi en commission est en fait justifié par le fait que ces textes ne rencontrent « pas assez de soutien politique » et font l’objet d’ « opinions extrêmement divisées » qui ont particulièrement émergé durant les jours précédents. N’« [ayant] pas l’intention de diviser l’Assemblée » et souhaitant être « constructifs » et « [réunir] les gens », la Commission a donc été contrainte in extremis de se résigner face aux objections dont ont fait l’objet le rapport et la résolution qui auraient dû être soumis au vote. Et pour cause, puisque ces textes s’avéraient extrêmement dangereux.

Une victoire d’étape sur un texte dangereux

Tentant de justifier le travail de la commission sur ces textes, Madame Mezentseva-Fedorenko aura affirmé que celle-ci s’est efforcée de remplir sa mission de lutte contre la discrimination, en l’occurrence celle « à laquelle sont confrontées les personnes qui vendent du sexe, et qui est souvent ignorée, sous-estimée, voire cachée ». La présidente aura également pris soin de louer la qualité du travail des rapporteurs et la variété des parties prenantes consultées, en particulier la société civile, et d’assurer que « l’approche de la commission s’est fondée sur les droits humains, en particulier sur les normes du Conseil de l’Europe ».

La réalité est pourtant tout autre, puisque ces textes étaient partisans et idéologiques, présentant la vision abolitionniste de la prostitution comme préjudiciable, tout en promouvant la normalisation de la prostitution en tant que « travail du sexe ». En effet, il est notoire que n’étaient à peu près exclusivement rapportés que les avis et opinions de grandes ONG, comités et fonctionnaires internationaux favorables à la dépénalisation totale de la prostitution. Sur le fond, les textes opposaient « prostitution forcée » et « travail du sexe » afin de faire accepter ce dernier. Ils s’avéraient ainsi complètement déconnectés de la réalité de la prostitution dont il est établi qu’elle est en grande partie exploitée par les trafiquants, les cas dans lesquels elle est pleinement choisie ou librement consentie étant rarissimes. Ces textes entraient en outre en totale contradiction avec le droit international qui affirme sans ambiguïté l’incompatibilité de la prostitution avec la dignité humaine et condamne la traite des êtres humains et le proxénétisme : n’allant pas dans le sens voulu, d’importants instruments internationaux ont ainsi été omis. La vision promue par le rapport et la résolution s’opposait également à celle adoptée par le Parlement européen dans sa résolution du 14 septembre 2023 en faveur de l’abolition de la prostitution. Elle entrait encore en contradiction avec les positions prises au sein même du Conseil de l’Europe : d’une part celle de l’Assemblée du Conseil de l’Europe exprimée il y a dix ans dans sa Résolution 1983 (2014) « Prostitution, traite et esclavage moderne en Europe », d’autre part avec l’arrêt du 25 juillet 2024 rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire M.A et autre c. France (n° 63664/19). Derrière l’objectif louable de défendre les droits des personnes en situation de prostitution, le rapport et la résolution cachaient en fait la légalisation de leur exploitation et l’encadrement de la violence de la prostitution. Leur renvoi en commission est donc une première victoire : la bataille n’est pas encore gagnée mais le danger a pu être momentanément écarté.

Le fruit d’une importante mobilisation

L’adoption de ces textes par la Commission sur l’égalité et la non-discrimination, le 13 septembre 2024, a rapidement donné lieu à une mobilisation afin de dénoncer le danger qu’ils représentaient et demander leur rejet par l’APCE. Ce mouvement a permis de mettre en évidence la forte divergence de vues au sein de l’Assemblée qui a justifié le renvoi en commission : la résolution a ainsi donné lieu au dépôt de plus d’une cinquantaine d’amendements cosignés par des députés de différents horizons politiques, mais allant tous dans le sens d’une ferme réorientation du document. L’ECLJ s’est mobilisé en écrivant aux membres de l’APCE, en proposant des amendements, ainsi qu’en initiant une pétition qui a été signée par plus de 17 000 citoyens européens. Reem Alsalem, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences, a également été alertée et a publié un communiqué à destination de l’APCE dans lequel elle affirme que « cette résolution, si elle venait à être adoptée, constituerait une grave régression pour les droits des femmes et des filles dans les pays membres du Conseil de l’Europe ». Elle est d’ailleurs l’auteur du rapport « Prostitution et violence contre les femmes et les filles », publié en mai dernier, qui recommande l’adoption par les Etats d’un cadre juridique abolitionniste en matière de prostitution et de pornographie. Ce dernier n’était curieusement cité à aucun moment dans les textes en cause, au contraire du rapport d’une de ses collègues de l’ONU favorable à la dépénalisation. D’autres lettres exprimant inquiétude et désapprobation sont également parvenues à l’APCE, notamment celle de quatorze coalitions représentant 2000 ONG féministes ou dirigées par des survivantes et des organisations de terrain, ou encore celle de membres ou anciens membres du Parlement européen impliqués dans l’adoption de la résolution du 14 septembre 2023.

Cette mobilisation a donc porté ses fruits et il est heureux que l’Assemblée du Conseil de l’Europe ait fait le choix sage de privilégier la qualité et l’impartialité en lieu et place de l’idéologie. Il est indispensable que la Commission, qui pourrait se voir concéder six mois supplémentaires pour parachever son travail, les mette à profit pour modifier l’orientation générale du rapport et de la proposition de résolution et supprimer toutes les contrevérités factuelles et approximations juridiques. L’ECLJ ne manquera pas de suivre l’évolution de ces textes : il en va non seulement de la protection de la dignité des personnes prises au piège de la prostitution, mais aussi de la crédibilité de l’APCE.

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