Système Interaméricain Droits de l'H.
Le système interaméricain de protection des droits de l’homme est l’ultime échelon des mécanismes de protection des droits de l’homme en Amérique du Sud. Celui-ci fonctionne principalement sous l’égide de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, entrée en vigueur en 1978 et ratifiée par 23 États. Deux organes agissent conjointement pour défendre ces droits. Il s’agit de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) et la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Cour IDH). La CIDH est un organe servant de filtre aux requêtes des victimes d’une violation de la Convention par un État partie. Le rôle de cette Commission, composée de sept commissaires, est donc particulièrement important car c’est elle qui détermine l’admissibilité des affaires et décide de les renvoyer ou non devant la Cour IDH. La Cour, créée à San José en 1969, est aussi composée de sept juges. Son fonctionnement peut être comparé à celui de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cependant, elle ne peut être saisie que par un État ou la Commission et non directement par une personne qui s’estimerait victime. Elle peut aussi jouer un rôle consultatif, en fournissant des avis juridiques aux États qui le demandent.
Aujourd’hui, l’ECLJ publie une étude sur l’organisation juridique de ce système dans le but de mieux comprendre ses interactions internes et externes. Pour cela, nous exposons dans une première partie la façon dont s’organise et dont est encadré le travail des membres de la Commission interaméricaine des droits de l’homme et des juges de la Cour Interaméricaine des droits de l’homme. Nous montrons aussi la manière dont est encadré le travail des membres du personnel de la Commission et du greffe de la Cour. Il s’agit en particulier de mettre en lumières les aspects relatifs à leur sélection, leur rattachement hiérarchique et leur déontologie. Dans une seconde partie, nous nous attachons ensuite à décrire la façon dont s’organise la coopération de l’Organisation des États américains avec les ONG et les États, en particulier sous l’angle de la manière dont est règlementé le financement de l’Organisation.
Cette étude révèle que des règles très précises réglementent les activités de la Cour et de la Commission. Un certain nombre de textes prévoient ainsi les obligations, sanctions, incompatibilités et immunités s’appliquant aux membres de la Cour et de la Commission. Des textes encadrent également les activités du personnel. Ces textes permettent de comprendre que les services de secrétariat de la Commission sont assumés par une unité administrative spécialisée qui fait partie du Secrétariat général de l’Organisation. Les fonctionnaires de la Cour, eux, sont nommés par le Secrétaire général de l’Organisation en consultation avec le Greffier de la Cour. Ils ne font pas partie du personnel du Secrétariat général mais travaillent sous l’autorité du Greffier, en conformité avec les normes administratives adoptées par le Secrétariat général de l’OEA qui ne sont pas incompatibles avec l’indépendance de la Cour. Il est à noter que le personnel de la CIDH est également composé de consultants indépendants externes ayant des règles déontologiques différentes et moins contraignantes que celles des membres du personnel interne à l’institution. Contrairement à un membre du personnel, un consultant indépendant n’a pas une relation de travail exclusive avec le Secrétariat général. Ce dernier n’exerce pas une supervision et un contrôle complets sur le travail de ce dernier mais s’assure de la qualité du travail final. Les Consultants indépendants ne prêtent pas non plus un serment de loyauté et ne sont pas tenus d’adhérer au Règlement du personnel du Secrétariat général. Ils sont toutefois tenus d’observer certaines normes de conduite dans l’exécution de leurs contrats.
L’analyse des documents de l’OEA permet également de comprendre que l’Organisation ou ses organes peuvent établir des relations de coopération avec des Organisations intergouvernementales et semi-officielles, des Agences gouvernementales et des Organisations non gouvernementales (toute organisation nationale ou internationale composée de personnes physiques ou morales de nature privée). Ces relations peuvent également être prendre la forme de soutiens financiers. Ainsi, plusieurs documents exposent et explicitent les règles de financement de l’Organisation des États américains (OEA), en particulier concernant les fonds extra-budgétaires volontaires. Il apparait que des contributeurs peuvent financer directement la Cour ou la CIDH en spécifiant la destination de leur subvention. En effet, les règles budgétaires de l’Organisation précisent que ce type de fonds peuvent être gérés conformément aux termes d’un accord avec le donateur. En 2020, le Bureau des commissaires aux comptes de l’Organisation des États-américain notait également dans son rapport annuel que ces subventions peuvent faire l’objet d’un audit de la part des donateurs. Il peut s’agit d’une menace contre l’indépendance du système.
Cette étude sur l’organisation juridique du système interaméricain de protection des droits de l’homme ouvre désormais la voie à une analyse plus critique du système pour s’assurer de l’effectivité de l’application de ces normes. Elle révèle néanmoins déjà plusieurs éléments susceptibles de présenter une menace pour l’intégrité de l’Organisation. C’est le cas en particulier du recours à des consultants indépendants externes ayant des règles déontologiques moins contraignantes que celles des membres du personnel habituel. La question de la coopération avec les ONG doit également être analysée afin de déterminer si ces dernières peuvent exercer une influence dans les processus de jugement, en particulier quand celles-ci représentent des requérants ou sont tierce partie, tout en fiançant le système. Enfin, il serait intéressant de comprendre le contexte ayant abouti à la publication de l’ordre exécutif No 22-1 du Secrétariat général de 2022. Celui-ci expose, en particulier, de façon très explicite et nouvelle les « pratiques collusoires », c’est à dire tout arrangement entre deux ou plusieurs parties, conçu pour atteindre un objectif inapproprié, y compris influencer de manière inappropriée les actions d’une autre partie. Il serait intéressant de déterminer si ce texte a été publié en réponse à des dérives, comme des conflits d’intérêts, constatées au sein du système.
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