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Affaire de l’imam de Toulouse: l’ECLJ intervient au soutien des valeurs fondamentales de la Convention

Imam de Toulouse: La démocratie face à l'islamisme

Par Grégor Puppinck1748001600000
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L’ECLJ est intervenu en qualité d’amicus curiae dans l’affaire Mohamed Tataiat c. France (requête n° 7874/24), actuellement pendante devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette affaire soulève des questions cruciales relatives à la capacité d’une démocratie européenne comme la France de s’opposer à l’islamisme lorsque celui-ci invoque les droits de l’homme pour justifier ses discours de haine et d’incitation à la violence envers les autres religions, et en particulier contre le peuple juif (lire nos observations ici).

Les faits de l’affaire: une condamnation pénale pour incitation à la haine

Le requérant, Mohamed Tataiat, est un imam algérien à Toulouse. Il a été poursuivi pour des propos tenus lors d’un prêche le 15 décembre 2017 dans la grande mosquée de la ville. Cette prédication a été filmée puis diffusée sur Internet, atteignant un large public.

Dans ce sermon, exprimant le vœu de la destruction prochaine d’Israël, il a cité le hadith suivant: « Le jour viendra où, les pierres et les arbres diront : Ô musulman, voici un juif derrière moi, viens le tuer ! ». Ces propos furent interprétés par les juridictions françaises comme incitant à la haine ou à la violence envers les juifs en tant que groupe.

Par un arrêt du 31 août 2022, la cour d’appel de Toulouse a infirmé le jugement de relaxe rendu en première instance et a condamné M. Tataiat à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, assortis d’une mesure de publication judiciaire. La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, a confirmé la décision le 19 décembre 2023. L’imam Mohamed Tataiat a été renvoyé en Algérie.

Devant la CEDH, le requérant invoque l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, estimant que sa condamnation constitue une violation de sa liberté d’expression.

Cette affaire met en balance deux intérêts fondamentaux : la liberté d’expression religieuse et la protection contre le discours de haine. Elle s’inscrit dans un contexte national et européen marqué par la montée de la radicalisation islamiste et de l’antisémitisme.

L’enjeu est de déterminer si les propos litigieux relèvent d’un enseignement protégé au titre de la liberté d’expression, ou s’ils franchissent les limites tolérables fixées par la Convention, notamment à travers l’article 17, qui interdit l’abus de droit.

En tant qu’organisation engagée dans la défense des droits de l’homme fondés sur les valeurs chrétiennes et les principes de la Convention, l’ECLJ a estimé essentiel d’intervenir dans cette affaire pour soumettre des observations écrites détaillées, articulées autour des axes suivants.

Un abus de droit

L’ECLJ soutient que les propos tenus par M. Tataiat ne peuvent bénéficier de la protection de l’article 10, car ils relèvent de l’abus de droit prohibé par l’article 17 de la Convention.

La Cour a déjà écarté la protection de l’article 10 dans des affaires similaires, où le discours portait atteinte aux valeurs fondamentales de la Convention, notamment la tolérance, la paix sociale, le respect des droits d’autrui (cf. Garaudy c. France, Belkacem c. Belgique, Pavel Ivanov c. Russie). L’ECLJ rappelle que dans l’affaire Hizb ut-Tahrir c. Allemagne, la Cour a confirmé que l’incitation à la haine religieuse ou raciale, ou à la violence, même fondée sur un discours prétendument religieux ou politique, ne saurait être protégée.

L’ECLJ met en garde contre le risque de détournement de la Convention. La liberté d’expression ne peut être invoquée pour protéger un discours qui détruit les fondements mêmes de la cohésion sociale. La tentative du requérant de bénéficier de la protection de l’article 10, tout en diffusant un message d’exclusion à l’égard d’un groupe ethno-religieux, relève de cette logique « d’abus de droit ».

L’article 17 existe précisément pour protéger la Convention contre ceux qui veulent s’en servir pour miner ses valeurs.

La nature des propos: non pas une critique religieuse, mais un appel à la haine

L’analyse des propos prononcés démontre qu’ils ne constituent ni une critique de l’État d’Israël, ni une analyse religieuse abstraite, mais un message d’exclusion et de rejet, formulé par une autorité religieuse dans un contexte précis. Il ne s’agit pas ici de « blasphème », notion qui bénéficie d’une certaine tolérance dans la jurisprudence de la Cour (voir Otto-Preminger Institut), mais d’un appel indirect mais explicite à la violence contre une communauté identifiable. L’ECLJ insiste également sur le lien historique et doctrinal entre l’antisionisme militant et l’antisémitisme, largement reconnu par de nombreuses instances européennes. L’ECLJ fait remarquer qu’au temps de la rédaction des hadiths, le mot Israël désignait le peuple juif, et non l’État d’Israël qui n’existait pas. Ainsi, vouloir la destruction d’Israël, c’est vouloir celle du peuple juif.

Le contexte de l’affaire: une situation locale et nationale sous tension

Les propos ont été tenus à Toulouse, ville profondément marquée par les attentats de Mohamed Merah en 2012, dont plusieurs victimes étaient des enfants juifs.

Le discours a été diffusé sur Internet, en dehors de son contexte liturgique, atteignant un public beaucoup plus large, dont de nombreux jeunes, dans un environnement numérique propice à la radicalisation. De plus, les statistiques sur les actes antisémites en France sont alarmantes: leur nombre a presque doublé entre 2015 et 2024. La surreprésentation de l’antisémitisme dans certaines franges de la population musulmane, notamment chez les jeunes, confère à ce type de message un potentiel aggravant.

La fonction d’autorité du requérant: une responsabilité accrue

Le requérant n’est pas un citoyen ordinaire, mais un imam, figure d’autorité spirituelle, bénéficiant d’un statut et d’une audience particuliers. Cette autorité implique une responsabilité morale et sociale renforcée. Comme l’a souligné la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), les leaders religieux ont un rôle décisif à jouer dans la cohésion sociale ou, à l’inverse, dans sa déstabilisation.

Une ingérence proportionnée et nécessaire dans une société démocratique

L’ECLJ considère que la condamnation de M. Tataiat est fondée en droit, poursuit un but légitime (prévention des infractions, protection des droits d’autrui, préservation de l’ordre public) et est proportionnée à l’objectif poursuivi. La Cour a déjà considéré, dans Perinçek c. Suisse, que l’analyse du contexte, de la nature des propos, de l’intention et de la portée de la diffusion était centrale. Appliquée ici, cette grille d’analyse justifie l’ingérence.

L’affaire Tataiat c. France est emblématique des tensions contemporaines entre liberté d’expression et de religion et cohésion sociale. Elle illustre les défis auxquels sont confrontés les États européens dans leur lutte contre le discours de haine, dans un contexte de montée de l’islamisme.

Par son intervention, l’ECLJ appelle la Cour à faire preuve de fermeté dans la défense des valeurs fondamentales de la Convention. Il est essentiel que la jurisprudence européenne continue de tracer une ligne claire entre la liberté d’expression et l’instrumentalisation de cette liberté à des fins de haine ou de violence.

La critique rationnelle de l’islam doit être garantie en Europe
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