Danemark : Retrait abusif d'enfants ?
Pour des parents, se faire enlever leurs enfants par les services sociaux, sans aucune raison, est certainement l'un des pires cauchemars imaginables. Pour Anita et Thomas, ce cauchemar est devenu réalité et, malgré leurs efforts juridiques, leur gouvernement refuse de leur laisser récupérer leurs enfants.
Anita et Thomas se sont mariés au Danemark en 2002 et ont eu deux enfants : un garçon et une fille, aujourd'hui âgés de 16 et 15 ans. Leurs enfants fréquentaient l'école publique, mais en 2013, en raison de certaines difficultés scolaires, Anita et Thomas ont estimé qu'il serait préférable de les scolariser à la maison. Tout allait bien pour leur famille, comme en témoignent les inspections régulières obligatoires. Malgré ces inspections réussies, cependant, une seule plainte d’un parent - qui désapprouvait l'enseignement à domicile et qui était motivé par un vieux différent familial - a déclenché le cauchemar kafkaïen dans lequel ils se trouvent maintenant.
En mars 2018, après 5 ans d’école à la maison et sans préavis, les services sociaux ont frappé à leur porte et ont rapidement informé les parents que les enfants allaient être retirés de leur foyer.
L'officier des services sociaux a regardé les enfants et leur a dit : « Vous devriez venir avec nous, pour regarder l'endroit où vous allez habiter ». Le garçon et la fille étaient tellement pétrifiés par cette demande inattendue qu'ils se sont assis sur le canapé, refusant d'accompagner volontairement les membres des services sociaux. Par conséquent, les services sociaux repartirent sans eux ce jour-là.
Les jours suivants, Anita et Thomas ont reçu la visite de travailleurs sociaux et de psychologues, ce qui est une pratique de routine pour déterminer si la situation est suffisamment grave pour justifier l'action extrême consistant à retirer les enfants à leurs parents et à les placer dans une famille d'accueil.
Anita et Thomas ont demandé aux travailleurs sociaux d'expliquer les raisons légales que les services sociaux auraient pour justifier le retrait de leurs enfants. Le travailleur social a déclaré : « Nous n'avons pas encore vraiment de raison » ; ce à quoi Thomas a adroitement demandé en retour : « Eh bien, si vous n'avez pas de raison, comment pouvez-vous avoir l'intention de nous retirer nos enfants ? » Cette question est restée sans réponse. Au lieu de cela, Anita et Thomas ont été sommés de justifier tout et n'importe quoi dans leur vie, et toutes leurs réponses ont finalement été retournées et utilisées contre eux.
Par exemple, lorsque les enfants « semblaient effrayés », comme le seraient logiquement des enfants lorsque des étrangers se présentent à leur porte et menacent de les retirer de leur maison et de leur famille, les travailleurs sociaux affirment que cette frayeur était causée par Anita et Thomas. Dans un autre exemple, Anita et Thomas ont des murs noirs dans une pièce de leur maison et de la poussière dans leur maison : ces exemples, entre autres absurdités, ont été utilisés comme base pour finalement retirer les enfants de leur foyer.
Anita et Thomas ont contacté un avocat pour obtenir de l'aide et des conseils juridiques. Mais lorsque l'avocat leur a expliqué que la probabilité moyenne pour les parents de garder leurs enfants une fois que les services sociaux les ont jugés inaptes n'était que de 10%, la panique a augmenté au sein de la famille. Craignant de ne jamais avoir gain de cause et de perdre leurs enfants, ils ont fui en Italie, dans l'espoir de résoudre cette situation depuis l’étranger.
Malheureusement, les choses ont empiré lorsqu'ils ont demandé l'aide et les conseils des autorités italiennes. Au lieu de les aider, les autorités italiennes ont étroitement collaboré avec les autorités danoises et ont retiré les enfants de la garde parentale. Les autorités italiennes ont placé les enfants dans un foyer pour enfants à Florence pendant six mois avant que les autorités danoises ne ramènent les enfants au Danemark et les placent dans une famille d'accueil.
Cette situation peut sembler irréaliste ou peut-être exceptionnelle. Mais des preuves récentes indiquent clairement que le Danemark et d'autres pays recourent et ont recouru au retrait forcé sans motif sérieux, et ce à grande échelle. En octobre de cette année, une douzaine d'affaires ont été communiquées par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) contre la Norvège par des parents dont les enfants ont été retirés et qui n'ont eu que quelques heures de visite par an pour voir leurs enfants.
Il ne s’agit pas dans ces cas de remettre en cause la capacité de l’État, par le biais de ses services sociaux, à mettre fin à la garde des parents qui mettent gravement en danger l’éducation, la santé et / ou la vie de leurs enfants. Il s’agit plutôt d’évaluer si l’État a une procédure équitable, objective et solide à suivre avant de prendre des mesures aussi radicales que de retirer la garde aux parents.
La Cour européenne des droits de l'homme, dans sa plus haute formation, a condamné la Norvège cette année[1] précisément pour ne pas avoir évalué avec justice la situation familiale et ignoré l'importance des limites biologiques entre un enfant et sa mère. Dans ce cas précis, la mère s'est volontairement tournée vers la protection sociale pour obtenir de l'aide pour élever son enfant à naître, car elle avait des difficultés personnelles et économiques. Quelques semaines seulement après la naissance, constatant les difficultés de la mère, les services sociaux ont décidé de placer immédiatement le nouveau-né dans un foyer d'accueil d'urgence et ont donné à la mère un droit de visite d'une heure et demie par semaine seulement !
La Cour européenne a estimé que les droits de la mère et de l’enfant à la famille avaient été violés. Elle a clairement soutenu que :
« d’une part, l’intérêt supérieur de l’enfant dicte que les liens entre lui et sa famille soient maintenus, sauf dans les cas où celle-ci se serait montrée particulièrement indigne : briser ce lien revient à couper l’enfant de ses racines. En conséquence, seules des circonstances tout à fait exceptionnelles peuvent en principe conduire à une rupture du lien familial et tout doit être mis en œuvre pour maintenir les relations personnelles et, le cas échéant, le moment venu, « reconstituer » la famille »
Il est intéressant de noter que le gouvernement danois est intervenu dans cette affaire précisément pour défendre la procédure menée par les services sociaux norvégiens. On peut penser que c'est parce que le Danemark a une pratique similaire qui permet de retirer facilement les enfants de leurs parents sans tenir compte de la gravité de cet acte. Le Danemark a soutenu les autorités norvégiennes en déclarant « qu’elles avaient procédé à une appréciation minutieuse de la question et effectué une mise en balance exhaustive des intérêts conflictuels en jeu, et elles auraient manifestement bien saisi que cette affaire portait sur des intrusions de grande ampleur dans la vie privée et familiale. » C'est précisément cette question que la CEDH a abordée et à laquelle elle a répondu dans sa décision de Grande Chambre, en soulignant qu'entre une mère et un enfant, les intérêts communs doivent être soigneusement mis en balance. La Cour a expliqué que les autorités « se sont concentrées sur les intérêts de l’enfant au lieu de s’efforcer de concilier les deux ensembles d’intérêts en jeu, et que, de surcroît, elles n’ont pas sérieusement envisagé la possibilité d’une réunion de l’enfant et de sa famille biologique. »
Le Danemark applique-t-il une procédure régulière dans les cas de retrait d'enfants ? Des preuves que la réponse à cette question est « non » peuvent être trouvées dans des études et déclarations récentes. Selon Martin Olsgaard, un avocat danois qui traite des centaines de cas d'enfants à travers le pays, les lois et les règles de procédure sont enfreintes dans deux cas sur trois[2]. Dans la plupart des cas, il y a un manque de documentation sur les conversations tenues avec les enfants et il y a rarement des audiences statutaires des parties. Cela signifie que les municipalités danoises telles que Brønderslev, Frederiksberg, Rebild, Tønder et bien d'autres, retirent et placent les enfants sans mener correctement les audiences.
L'avocat danois Mads Pramming confirme ces faits et explique que les municipalités sont capables de tels abus parce qu'elles ne sont pas contrôlées ou surveillées par les tribunaux.[3] En effet, au nom de l’application de la notion juridique de subsidiarité, les tribunaux danois refusent de revoir l’appréciation des communes sur la nécessité ou non d’un retrait. S'il est vrai que les municipalités sont mieux placées pour évaluer les situations dans leur région, il est scandaleux que les parents ne puissent pas avoir un examen approprié ni contester la validité de cette évaluation. C'est malheureusement la situation actuelle au Danemark.
Tandis qu'Anita et Thomas continuent de se battre devant les tribunaux pour ramener leurs enfants à la maison, l'ECLJ s'engage à respecter les droits parentaux et familiaux contre toute intrusion indue de l'État et les défendra devant la CEDH.
[1] CEDH, Grande Chambre, Strand Lobben et autres c. Norvège, n° 37283/13, 10 septembre 2019.
[2] “Advokat: Kommuner i hele lande bryder regler i børnesager”, B.T. Nyheder, 21 Novembre 2019.
[3] Espen Slavensky, “Hæderkronet advokat i opråb: Sagsbehandlere er enevældige konger”, TV 2 Lorry, 12 Novembre 2018.