Avortement: La Pologne Condamnée par un comité féministe de l’ONU
Le 26 août 2024, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a condamné la Pologne en raison de sa législation sur l’avortement. En effet, le 22 octobre 2020, le Tribunal constitutionnel polonais a interdit l’avortement eugénique. Il n’est donc plus possible dans le pays d’avorter en raison du handicap de l’enfant. La Vice-présidente du CEDAW, Genoveva Tisheva, a donc mené une enquête confidentielle «sur les allégations d’organisations de la société civile» et s’est rendue en Pologne en 2022. Elle juge ainsi que «la situation en Pologne constitue une violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et peut atteindre le niveau de la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants[1]». Le Comité demande donc à la Pologne des réformes, en commençant par veiller à ce que l’accès à l’avortement soit conforme aux principes de la Convention contre la discrimination à l’égard des femmes. Il est aussi demandé au pays de prendre les mesures législatives nécessaires pour dépénaliser et légaliser totalement l’avortement. Le CEDAW demande également à la Pologne de reconnaître le droit à l’avortement comme un droit fondamental.
Une stratégie de militantisme à l’opposé du droit
Le rapport du CEDAW contre la Pologne est une réponse à une dénonciation[2] faite par plusieurs organisations de militantisme pro-IVG polonaises et le Center for Reproductive Rights (Centre pour les droits reproductifs). Le Comité se fonde sur la Convention contre la discrimination à l’égard des femmes ratifiée en 1980 par la Pologne. Or aucun article de cette Convention ne concerne l’avortement. En revanche, certains articles de la Convention sont interprétés par les membres du CEDAW comme garantissant l’avortement ; il s’agit d’une lecture juridique «vivante». C’est ainsi qu’en 2010, Shanthi Dairian, membre du Comité, expliquait[3] que «le droit à l’avortement est dans l’esprit du traité»: l’IVG serait implicitement mentionnée dans l’article sur la non-discrimination et par l’article 12 sur la santé.
Or, à la signature de la Convention, aucun État n’avait émis de réserve ou ne s’était exprimé sur une interprétation qui irait dans le sens d’une libéralisation de l’avortement. Les pays les plus conservateurs auraient en effet pu émettre des réserves indiquant qu’ils n’interprètent pas tel ou tel article comme les engageant au sujet de l’avortement. S’ils ne l’ont pas fait, c’est qu’ils estimaient qu’une interprétation stricte serait faite de la Convention. De la même façon, le Comité pour les droits de l’enfant avait demandé au Saint-Siège, en tant que partie à la Convention relative aux droits de l’enfant depuis 1990, de prévoir des services de planification familiale et de santé procréative ainsi que des conseils et un appui social appropriés pour empêcher les grossesses non désirées (CRC/C/VAT/CO/2 § 36). Cette Convention ne prévoie aucun article allant dans ce sens et il est évident que le Saint-Siège n’a jamais interprété aucun article dans ce sens au moment de signer. Le Comité des droits de l’enfant, comme celui des droits des femmes, a tordu le droit pour exercer une pression politique sur un État.
Un comité de militants de l’avortement
Le CEDAW compte 23 membres. Parmi eux, neuf ont publiquement pris position en faveur de l’avortement[4]. C’est en particulier le cas de Genoveva Tisheva, la vice-présidente du Comité. Ces membres non élus se servent du prestige de l’ONU pour faire progresser leurs idéologies en tordant le droit international. Cette situation s’explique également parce que certains membres du CEDAW sont issus d’ONG qui ont elles-mêmes une approche libérale de l’avortement. C’est le cas de Nahla Haidar qui était commissaire à la Commission internationale des juristes (soutenue entre autres par l’Open Society Foundations) ou de Dalia Leinarte qui a collaboré à plusieurs reprises avec l’Open Society Institute en Lituanie. Il faut noter que Ana Pelaez Narvaez, la présidente du CEDAW, elle-même atteinte de handicap, ne s’est pas publiquement exprimée sur cette décision.
La stratégie est pratiquement la même depuis des années. Avant les sessions d’examen des pays, des ONG comme le Center for Reproductive Rights soumettent des rapports sur les atteintes au droit à l’avortement dans les pays concernés auprès des Comités de l’ONU. En parallèle, ces ONG mènent des contentieux stratégiques après des juridictions nationales et internationales. Un contentieux stratégique est une action en justice qui ne vise pas à obtenir une réparation pour une victime, mais un changement législatif. Le Center for Reproductive Rights est très actif dans l’emploi de cette stratégie, en particulier auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En effet, depuis 2000, l’organisation s’implique dans de nombreuses affaires dans le but de voir la législation polonaise sur l’avortement condamnée par la CEDH (par exemple les affaires : Tysiąc c. Pologne, R.R. c. Pologne, P. et S. c. Pologne, B.B. c. Pologne, K.B. c. Poland, A.M. et autres c. Pologne et ML c. Pologne). Dans plusieurs de ces affaires récentes, ces lobbys de l’avortement ont échoué à faire condamner la Pologne. C’est par exemple le cas pour les affaires B.B. c. Pologne et A.M. et autres c. Pologne où l’ECLJ était intervenu.
Cette condamnation se place dans la stratégie plus globale des lobbys de l’avortement visant à exploiter la bienveillance des membres des Comités onusiens pour obtenir des avancées juridiques. Il s’agit d’une véritable instrumentalisation et privatisation des organes du droit international. Ces lobbys dont le Center for Reproductive Rights est l’un des plus actifs usent de cette méthode depuis des années avec un certain succès. Même si les décisions de ces Comités ne sont pas juridiquement contraignantes, elles contribuent à créer un environnement de « droit mou » qui finit par exercer une influence considérable sur les États et les Cours de justice internationales. Face à ces dérives, il est du rôle des États de reprendre le pouvoir en menant des audits et en entamant des chantiers de réforme de ces institutions.
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[1] https://www.ohchr.org/en/press-releases/2024/08/poland-violated-womens-rights-unduly-restricting-access-abortion-un
[2] https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CEDAW%2FC%2FPOL%2FIR%2F1&Lang=en
[3] https://c-fam.org/wp-content/uploads/20101124_CEDAW_testimony_CFAM.pdf
[4] Nicole Ameline ; Marion Bethel ; Hilary Gbedemah ; Yamila González Ferrer ; Daphna Hacker ; Dalia Leinarte ; Rhoda Reddock ; Natasha Stott Despoja et Genoveva Tisheva.