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Avortement jusqu’au 9e mois pour ‘‘détresse psychosociale’’ : le danger d’un motif imprécis

IMG pour ‘‘détresse psychosociale’’ ?

Par ECLJ1599817686835
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L’Assemblée a adopté, dans le cadre du projet de loi bioéthique, un amendement ajoutant aux motifs autorisant une interruption médicale de grossesse (IMG) jusqu’au 9e mois la «détresse psychosociale».

Tribune collective parue dans le FigaroVox le 12 août 2020.

Aujourd’hui, hors le cas d’une affection grave de l’enfant à naître, il faut, pour qu’une interruption de grossesse soit pratiquée pour motif médical, que la poursuite de la grossesse mette en « péril grave » la santé de la femme. Cette pratique, dite interruption médicale de grossesse ou IMG, est possible jusqu’au 9e mois de la grossesse.

L’IMG ne doit pas être confondue avec l’IVG qui, elle, peut être pratiquée sans motif médical jusqu’à la douzième semaine de grossesse.

S’agissant de l’IMG, cette notion de péril grave figurait déjà dans la loi Veil et, lors des débats parlementaires, avait donné lieu alors à quelques précisions. Le 28 novembre 1974, lors de l’examen de l’ancien article L.162-10 du code de la santé publique, un amendement avait été déposé pour spécifier que la notion de santé de la mère incluait la santé physique et la santé mentale. Madame Simone Veil avait elle-même précisé : « Le terme même de santé recouvre, me semble-t-il, l’aspect mental aussi bien que l’aspect physique ». Dans ces conditions, à l’époque, cet amendement avait été écarté, la loi retenant simplement le critère d’une poursuite de la grossesse mettant en péril grave la santé de la femme.

De fait, pendant plusieurs décennies et jusqu’à ce jour, la possibilité d’avoir recours à l’interruption médicale jusqu’au 9e mois a été possible lorsqu’une situation de péril psychiatrique grave pour la santé de la mère était constatée.

C’est l’analyse retenue par un article de la revue La lettre du Gynécologue de septembre 2003 intitulé : « Interruption médicale de grossesse pour péril grave psychiatrique ». Pour les rédacteurs de l’article, « la dangerosité est liée à l’impulsivité et au mauvais contrôle pulsionnel plutôt qu’à un état délirant. Le risque majeur est le passage à l’acte suicidaire et/ou à des comportements hétéro-agressifs sur le fœtus (coup, arme blanche, médicaments, etc.) ».

L’article résumait ainsi la démarche à suivre pour évaluer le risque pesant sur la vie de la mère et vérifier s’il existe bien un péril grave : « L’équipe médicale doit répondre dans le cadre de la loi. L’évaluation psychiatrique s’enrichit de données psychosociales qui permettent de poser le risque de danger sur la mère et son enfant. L’évaluation initiale porte sur l’existence ou non d’une pathologie psychiatrique constituée. En second lieu sont posés les risques de passage à l’acte sur la mère et sur l’enfant. »

Le résumé d’une thèse de doctorat en médecine soutenue, le 6 mars 2013, par Madame Lucie Versnaeyen souligne que, dans la pratique, des IMG ont été admises pour des motifs plus larges : « Au niveau médical, le peu de la littérature existante sur le sujet retrouve trois grands types d’indications de recevabilité d’une demande d’IMG pour péril psychique. La première est le risque majeur de passage à l’acte autoagressif lié à la grossesse. Les suivantes renvoient à la notion d’une souffrance psychique incompatible avec la poursuite de la vie mentale de la femme : une maladie mentale sévère et/ou chronique aggravée par la grossesse et un risque pour la santé mentale de la femme en cas de poursuite de la grossesse. »

Ainsi, sous le régime juridique actuellement en vigueur, dans la pratique, ce ne serait pas uniquement le risque de passage à un acte autoagressif qui permettrait de convenir d’un péril psychiatrique grave, mais également une souffrance psychique absolument incompatible avec la santé mentale de la femme.

Or récemment, le souhait d’un élargissement de la notion de péril psychiatrique grave a vu le jour. Le 31 octobre 2019, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a publié un communiqué de presse listant les cas dans lesquels, selon lui, une « IMG médico-sociale » pourrait être pratiquée. Par l’utilisation du terme d’« IMG psycho-social » et par les cas cités, le communiqué de presse a paru multiplier des possibilités d’y avoir recours: la seule situation de péril psychiatrique grave cédait le pas à des conditions telles que la constatation « de danger personnel, de violence, de difficultés psychologiques majeures ou d’extrême précarité ».

Par ailleurs, dans un courrier du 23 avril 2020 que France Info disait avoir consulté mais dont nous ne connaissons pas le contenu exact, M. Olivier Véran, ministre de la Santé, a affirmé que la « détresse psychosociale » serait retenue comme motif aux demandes d’IVG tardives, retardées au-delà de 12 semaines en raison du confinement. C’était engager le gouvernement explicitement sur une voie qui n’était pas prévue par le législateur au sujet de l’IVG.

En mai dernier, deux associations se sont émues de cette possibilité d’effectuer des IMG pour le motif brumeux d’une « détresse psycho-sociale ». Dans un recours déposé devant le Conseil d’État elles ont estimé que cette interprétation, défendue notamment par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, était illicite. Dans un arrêt du 15 juin 2020, le Conseil d’État a rejeté le moyen. Mais il a reconnu a contrario qu’une IMG jusqu’au 9e mois décidée pour le seul motif d’une « détresse psychosociale » sans qu’un péril grave certain et immédiat pour la santé de la mère ne soit constaté, constituerait une pratique illicite.

En deuxième lieu, le Conseil d’État a constaté, au vu des pièces produites, l’absence de preuve, à ce jour, d’IMG pratiquées pour motif de « détresse psychosociale ».

Or, peu après, dans la nuit du 31 juillet au 1er août 2020, avec l’amendement adopté en pleine nuit, en catimini, dans le cadre du projet de loi bioéthique, l’IMG jusqu’au 9e mois devient possible lorsque « la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, ce péril pouvant résulter d’une détresse psychosociale ». La notion de « détresse psychosociale » devient un facteur suffisant pour justifier d’un péril grave et pratiquer une IMG. Désormais, le péril grave risque d’être constaté indépendamment même du risque pesant sur la santé de la femme, simplement comme conséquence d’une « détresse psychosociale » à géométrie variable : situation sociale précaire, risque de violence conjugale ou intrafamiliale, fragilité psychique ne risquant pas de mettre la vie de la mère en danger.

Avec ce risque de détournement, des associations militantes s’engouffreraient dans la brèche pour pousser des femmes à avoir recours à l’IMG parce qu’elles ont dépassé le délai de 12 semaines et qu’elles ne peuvent plus se rendre à l’étranger. Ce détournement serait possible jusqu’au dernier jour de la grossesse, alors même que l’enfant est viable.

Pas à pas, du fait des pressions existantes, l’avortement risquerait de devenir, même dans le cas d’une grossesse très avancée, la solution unique pour répondre à une situation de précarité. L’on peut craindre, à terme, que cet amendement ne soit qu’une étape pour demander comme conséquence d’un « droit à l’avortement » incessamment brandi, la suppression de tout délai.

Une solution nécessairement traumatisante pour les mères et pour le corps médical en lieu et place de solutions d’accompagnement alternatives, toujours possibles dans le cas d’une détresse psychosociale. Une solution révélant que l’enfant à naître ne bénéficierait plus d’aucune protection dans notre pays. Dans les premiers jours de son existence, il deviendrait matériau des recherches et des expériences les plus hasardeuses. Jusqu’aux derniers mois de la grossesse, même l’absence de handicap ne pourrait plus le protéger. Il est donc absolument essentiel d’encourager les sénateurs à rejeter l’amendement qui a été adopté par les députés.

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Cette tribune, écrite par Hubert VEAUVY, avocat, est cosignée par: Nicolas BAUER, doctorant en droit ; Fabien BOUGLÉ, juriste, conseiller municipal et communautaire de Versailles ; Claire BOUGLÉ-LE ROUX, maître de conférence à l’Université de Versailles-Saint-Quentin ; François CHOMARD, avocat; Jean-Eloi DE BRUNHOFF, avocat ; Alice d’ANTHOÜARD, avocate; Etienne DE LARMINAT, avocat; Claire DE LA HOUGUE, docteur en droit et avocate; Marc GATEAU-LEBLANC, avocat; Victoria HOGARD, avocat; Adeline LE GOUVELLO, avocate; Bruno LE GRIEL, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation; Delphine LOISEAU, Chercheur associé à l'ECLJ ; Aude MIRKOVIC, maître de conférence en droit privé et porte-parole de l’association juristes pour l’enfance; Grégor PUPPINCK, docteur en droit, directeur du European Centre for Law and Justice ; Bernard RINEAU, avocat et Olivia SARTON, ancienne avocate, directrice scientifique de l’association Juristes pour l’enfance.

Appel à une politique de prévention de l’avortement
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