Circoncision: rabbin arrêté en Irlande
À Dublin, une descente de police dans un domicile privé a interrompu une cérémonie de circoncision, alors qu’un rabbin s’apprêtait à circoncire un deuxième enfant. En cause, le rabbin Yonathan Abraham, mohel certifié en Angleterre, formé pour pratiquer des circoncisions et avec 13 ans d’expérience à travers l’Europe, a « pratiqué la médecine » « sans être un praticien médical agréé » en Irlande. Il s’expose ainsi à 130 000 euros d’amende et cinq ans de prison selon l’article 37 de la loi sur les praticiens médicaux de 2007.
Or la circoncision, pratiquée dans certains pays comme les États-Unis et le Canada pour des raisons médicales et d’hygiène, notamment de prévention de maladies, est avant tout une pratique rituelle religieuse, plutôt qu’un simple acte de médecine, instituée d’abord par le judaïsme puis appliquée plus tard par l’islam. Dans le judaïsme, la circoncision, ou Brit Milah, est le signe de l’alliance entre Dieu et son peuple. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2007, 661 millions d’hommes de plus de 15 ans seraient circoncis, soit environ 30 % de la population masculine mondiale, dont deux tiers de confession musulmane.
Si le rabbin Abraham avait pratiqué le même acte en Angleterre, cela aurait été tout à fait légal. Mais en Irlande, le tribunal de district de Dublin est allé jusqu’à refuser sa libération sous caution, invoquant la gravité de l'infraction et le risque de fuite. Il est actuellement en détention provisoire, comme s’il était un dangereux criminel et attend son procès, prévu pour ce mardi 6 août.
La circoncision comme pratique rituelle religieuse plurimillénaire
La circoncision n'est pourtant pas un crime, mais un commandement divin dans le judaïsme depuis plus de 3000 ans. Elle échappe aux considérations purement rationnelles puisqu’elle constitue la marque d’appartenance indispensable pour faire pleinement partie du peuple juif, comme l’expliquait le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) dans une note de juin 2018. L’empêcher constitue une grave atteinte à la liberté de religion, comme l’estiment les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction et le Comité des ministres du Conseil de l'Europe.
Pourtant, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, en Norvège, au Danemark et en Islande, la Brit Milah fait l’objet d’un examen minutieux de la part du Parlement, des tribunaux, des associations médicales ou des partis politiques, sur fond de questions liées à l'éthique et au droit à l'intégrité physique, allant jusqu’à amalgamer circoncision et excision. En réalité, circoncision et abattage rituel kacher ou halal souffrent d’une même campagne menée par une coalition politique improbable entre, d’une part, les xénophobes antisémites et islamophobes et, d’autre part, les laïques et les progressistes qui invoquent le bien-être des animaux et des enfants.
L’interdiction de la circoncision porte atteinte à la liberté de religion
Au sein de l’Union européenne, la Coordinatrice de la lutte contre l’antisémitisme et de la promotion de la vie juive, Katharina von Schnurbein, est allée au-delà de la simple lutte contre la haine et la discrimination à l’égard des juifs, pour défendre les coutumes juives face à une surveillance et des limitations toujours plus importantes, y compris de la part de gouvernements d’États membres de l’UE et même d’institutions de l’UE elle-même.
S’il est tout à fait normal d’avoir des conditions légales pour encadrer la circoncision, la communauté juive reste la plus à même pour ajuster cet encadrement, par exemple en laissant aux représentants religieux qualifiés quoique non médecins la possibilité de pratiquer la circoncision. L'ECLJ, en conformité avec le droit international, a demandé à la Ministre de la Justice irlandaise, à la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion, et à la Coordinatrice de l’UE de la lutte contre l’antisémitisme et de la promotion de la vie juive de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour permettre la libération du rabbin Abraham et d'abandonner les poursuites à son encontre.