CEDH

Confinement du culte : la CEDH rejette l’un des recours

Décision CEDH dans Magdić c. Croatie

Par Nicolas Bauer1662052167085

Le 1er septembre 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a malheureusement rejeté la requête Magdić c. Croatie (n°17578/20). M. Magdić, catholique croate, avait attaqué son État pour violation de sa liberté de religion, du fait de l’interdiction du culte public pendant le confinement du printemps 2020.

La question de fond posée par ce recours était la suivante : l’interdiction du culte public était-elle proportionnée à l’objectif de protection de la santé publique ? L’ECLJ avait considéré que non, dans ses observations à la CEDH dans cette affaire ainsi que lors d’une conférence en Italie.

 

La requête déclarée irrecevable par la Cour

Cependant, la Cour n’a pas tranché cette affaire sur le fond. Elle a déclaré la requête irrecevable. M. Magdić se serait plaint in abstracto, sans indiquer concrètement comment il avait été concrètement affecté par l’interdiction du culte public. La CEDH a rappelé le principe selon lequel « pour qu’un requérant puisse se prétendre victime, il faut qu’il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de réalisation d’une violation en ce qui le concerne personnellement ; de simples suspicions ou conjectures sont insuffisantes à cet égard » (§ 9).[1]

Plus précisément, la Cour reproche à M. Magdić de ne pas avoir « précisé à quels rassemblements publics il ne pouvait pas assister en raison des mesures en question […] ni [avoir mentionné] où et quand il avait l’intention de voyager » (§ 10).[2] M. Magdić aurait donc dû rappeler quelques évidences ; en tant que catholique, il voulait se rendre à la messe dominicale, tout simplement. N’ayant pas ces précisions, la CEDH a conclu que « l’absence totale de ces éléments individuels ne permet pas à la Cour de procéder à une appréciation individuelle de la situation du requérant » (§ 11).[3]

Il est vrai que la requête de M. Magdić était brève et peu détaillée. La violation de ses droits lui paraissait tellement flagrante qu’il n’a pas pris la peine d’énumérer l’ensemble des déplacements qu’il aurait aimé effectuer pour rendre son culte à Dieu.

 

Une autre affaire plus solide, en attente de jugement

Cela dit, à l’occasion d’une autre requête pendante sur le même sujet, la CEDH ne pourra pas aussi facilement éviter de répondre sur le fond. La requête de cette deuxième affaire, Association d’obédience ecclésiastique orthodoxe c. Grèce (n°52104/20), est beaucoup plus complète. L’association orthodoxe a précisé exactement en quoi sa liberté de culte avait été violée : quels jours, quels rites, dans quels lieux, etc. La Cour ne pourra pas lui reprocher de se plaindre in abstracto.

L’ECLJ intervient également en tant qu’amicus curiae dans cette deuxième affaire. Nos observations montrent que la liberté de culte de cette association a été violée. Nous avons notamment rappelé qu’en matière de droits de l’homme, il est rare que des interdictions générales et absolues se justifient. En effet, un État adoptant une telle mesure doit pouvoir prouver qu’aucune mesure alternative moins contraignante n’était envisageable.

L’ECLJ a rappelé également que le culte public fait l’objet d’une double protection : celle de la liberté de réunion (article 11) et celle, encore plus importante, de la liberté de religion (article 9). Cela n’est pas le cas de la plupart des rassemblements profanes, qui bénéficient uniquement de la liberté de réunion.

Nous nous sommes appuyés le principe d’«autonomie des organisations religieuses», que la Grande chambre de la CEDH a mobilisé à plusieurs reprises, y compris récemment.

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[1] Traduction de la Cour, par l’affaire Zambrano c. France (déc.), n°41994/21, 21 septembre 2021, § 42.

[2] Traduction libre depuis l’anglais.

[3] Traduction libre depuis l’anglais.

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