Le secteur financier, levier de lutte contre les dérives de la pornographie ?
Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) a envoyé à M. Tomoya Obokata, Rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavage, une contribution écrite relative au rôle du secteur financier dans l’industrie pornographique. L’ECLJ a ainsi répondu à l’appel à contributions lancé par le Rapporteur spécial dans le cadre de son projet de rapport sur « le rôle du secteur financier dans l’élimination des formes contemporaines d’esclavage ».
L’ECLJ a attiré l’attention du Rapporteur spécial sur la nécessité d’évoquer dans son futur rapport la question du rôle du secteur financier dans l’élimination de l’exploitation sexuelle et de la traite des êtres humains sur lesquelles repose la pornographie. À cette fin, la contribution souligne tout d’abord que la pornographie constitue une « plaque tournante » de la traite, comme le prouvent à la fois les faits et divers documents internationaux et européens. En effet, la pornographie est d’une part alimentée par la traite dont sont victimes de nombreuses personnes apparaissant dans ce type de contenus, en particulier des femmes et des enfants. D’autre part, n’étant autre que de la « prostitution filmée », la pornographie alimente la traite en raison des liens étroits entretenus avec la prostitution et le proxénétisme : il est fréquent que des consommateurs de pornographie s’adressent à des personnes prostituées pour reproduire ce qu’ils ont vu à l’écran.
Or, le secteur financier a un rôle capital à l’égard de l’industrie pornographique : avec un chiffre d’affaires astronomique, celle-ci dépend nécessairement d’institutions financières telles que banques et processeurs de paiement qui acceptent de lui fournir leurs services. En 2021, le journal Le Monde qualifiait ainsi le secteur bancaire de « régulateur de facto de l’industrie pornographique ». La contribution de l’ECLJ propose d’étayer cette constatation au travers de quelques exemples.
Alors que l’ECLJ s’engage dans la lutte contre la prostitution et la pornographie, en particulier dans le but d’en protéger les enfants, sa contribution recommande d’utiliser le secteur financier comme un levier pour mener l’industrie du sexe à une forme d’assainissement. Tandis que les sites pornographiques sont dépendants du secteur financier, ce dernier paraît veiller à préserver une certaine image de marque risquant d’être écornée en cas de collaboration avec des sites illégaux. L’ECLJ appelle ainsi le Rapporteur spécial à recommander aux États d’interdire au secteur financier de fournir des services aux fournisseurs de contenus pornographiques illégaux ou dénués de mécanisme de protection des mineurs. C’est dans ce mouvement que s’inscrit une récente proposition de loi polonaise destinée à protéger les mineurs et prévoyant l’interdiction pour les prestataires de paiement de fournir leurs services aux sites figurant sur un registre des domaines pornographiques illégaux, sur le modèle de la réglementation des jeux de hasard en ligne.