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Pourquoi la pornographie porte-t-elle atteinte à la dignité humaine ?

Pourquoi la pornographie porte-t-elle atteinte à la dignité humaine ?

Par Priscille Kulczyk1723597500000
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La notion de dignité humaine repose sur l’idée que chaque personne a un droit égal à être valorisée et respectée pour son propre bien. Parce qu’elle est inhérente à chaque personne par nature, la dignité humaine est universelle, inviolable et inaliénable. Elle ne peut être ni donnée ni retirée par aucun État ou autorité. Les États sont donc tenus de la respecter et de la protéger et ont l’obligation à la fois positive et négative de prévenir tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité d’une personne.

 

Liberté d’expression ou atteinte à la dignité des « acteurs » ?

La pornographie porte profondément atteinte à la dignité des « acteurs » : elle les dépeint en train d’accomplir un acte sexuel, par nature très intime, avec des comportements violents, tant physiquement que mentalement. Le rapport sexuel n’est motivé que par la récompense financière, ce qui constitue une marchandisation du corps humain. Enfin, l’acte sexuel est enregistré et échangé à des fins de voyeurisme. Sa diffusion multiplie les dommages causés à la dignité de la personne.

Si certains acteurs le sont devenus volontairement, ce consentement individuel n’a pas pour effet de rendre la pornographie conforme à la dignité humaine ni n’en justifie la violation : le Protocole de Palerme (art. 3.b) stipule ainsi que le consentement à sa propre exploitation est sans valeur. En effet, un tel « consentement » est rarement un choix, mais plus souvent une nécessité, car il implique de l’argent. Ainsi, « pour être valable, le consentement, par nature personnel et subjectif, doit rester ordonné à la dignité, qui est objective, intrinsèque, inhérente à la personne humaine ». La pornographie constitue donc une atteinte aggravée à la dignité humaine.

Si les dérives de l’industrie pornographique sont certes constatées et parfois dénoncées, le débat tenant à la place de la protection de la dignité humaine face à la liberté d’expression (la pornographie a en effet gagné la bataille de l’image en se présentant comme un genre cinématographique) constitue un frein à la lutte pour y remédier. Au nom de cette liberté subjective, la dignité humaine objective et la protection des droits fondamentaux ne sont plus prioritaires et la pornographie n’est pas reconnue comme étant intrinsèquement mauvaise. Or, comme l’expliquait l’avocate Lorraine Questiaux, dans un entretien pour Médiapart en 2022, il ne faut pas « tomber dans cet argumentaire fallacieux de la liberté. Il n’y a pas de liberté quand il y a de la violence ». Ainsi, au sujet de cette pseudo-liberté artistique, « quand on la passe au crible du Code pénal, on s’aperçoit qu’en réalité on est purement et simplement sur une liste sans fin d’infractions criminelles […] et parce que c’est érotisé on n’aurait pas le droit d’y toucher ».

 

La pornographie montre de la violence sur les personnes

Dans les films pornographiques, la violence est omniprésente. Selon l’analyse des 50 vidéos pornographiques les plus populaires, 88% des scènes contiennent de la violence physique et 49% contiennent au moins une agression verbale. La plupart des contenus pornographiques dépeignent des traitements humiliants et des atteintes physiques contre l’un des « partenaires » sexuels, y compris des comportements criminels tels que le viol, l’inceste et des abus sur des enfants.

Dans le documentaire Pornocratie : les nouvelles multinationales du sexe, des actrices témoignent de l’augmentation de cette violence : « c’est devenu plus brutal, les gens sont devenus fous, bien plus fous qu’avant ». Or cette violence n’est pas « du cinéma » : comme l’exprime l’avocat Seydi Ba, « Les gens vont se dire « ce ne sont pas des viols, c’est joué » parce que c’est l’argument des défenseurs de la pornographie. (…) Comme si on pouvait jouer la douleur et la souffrance aiguë, les larmes, voire parfois dans certaines vidéos, le sang, comme si on pouvait jouer ça ». En outre, ces traitements dégradants sont presque toujours perpétrés contre des personnes vulnérables, à savoir des femmes et des enfants, bien que des hommes soient également concernés : en mai 2020, une étude a montré que la pornographie représente presque systématiquement une inégalité de genre car « Les comportements dominateurs et violents étaient presque toujours dirigés vers les femmes. (...) les inégalités entre les sexes sont courantes dans la pornographie, ce qui a des répercussions sur le développement de relations sexuelles saines chez les spectateurs de pornographie ».

Il existe également une composante « raciale » dans la pornographie, où des personnes de différentes ethnies sont souvent représentées avec des stéréotypes sexuels : les Afro-Américains ont tendance à être dépeints comme des animaux, incapables de se maîtriser et sexuellement dépravés, « pires que des objets » et en insistant de manière disproportionnée sur la violence et l’agressivité, tandis que les femmes asiatiques sont présentées comme des enfants, douces et innocentes[1]. Il existe aussi de la pornographie représentant la projection de fantasmes sexuels pervers concernant des périodes historiques d’abus telles que l’esclavage des Afro-Américains, le génocide des Juifs et le terrorisme[2]. Le racisme toléré dans la pornographie est donc susceptible de favoriser les stéréotypes et comportements racistes et sexistes, y compris les abus sexuels et la violence sexuelle contre les minorités raciales et religieuses.

Plusieurs textes de droit international condamnent ces pratiques. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a lié violence sexuelle et torture en jugeant que « l’ensemble des actes de violence physique et mentale commis sur la personne de la requérante et celui de viol, qui revêt un caractère particulièrement cruel, sont constitutifs de tortures interdites par l’article 3 de la Convention[3] ». Dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1969), les États se sont également engagés à condamner « la discrimination raciale et s’engagent à poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard une politique tendant à éliminer toute forme de discrimination raciale » (art. 2). Le Rapport de la quatrième Conférence mondiale sur les Femmes, tenue à Pékin en septembre 1995, indique qu’ « Il découle de la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des travaux des rapporteurs spéciaux, que la violence fondée sur l’appartenance au sexe féminin, comme (…) la pornographie, (…) [porte] atteinte à la dignité et à la valeur de la personne humaine et [doit] être [combattue] et [éliminée] ». Ainsi, les États devraient respecter le droit international en interdisant la diffusion du contenu pornographique violant la dignité des personnes.

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[1] Voir Alice Mayall et Diana E. H. Russell, “Racism in Pornography”, Feminism & Psychology, June 1, 1993, Volume: 3 issue: 2, page(s): 275-281 ; Zhou, Y., & Paul, B. (2016). “Lotus blossom or dragon lady: A content analysis of “Asian women” online pornography”, Sexuality & Culture, 20(4), 1083-1100.

[2] Voir Alice Mayall et Diana E. H. Russell, “Racism in Pornography”, Feminism & Psychology, June 1, 1993, Volume: 3 issue: 2, page(s): 275-281.

[3] CEDH, Aydin c. Turquie [GC], n° 23178/94, 25 septembre 1997, § 87. Le contexte est toutefois celui d’une garde à vue.

Non à la pornographie !
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