Educ. nat. : Police de la pensée ?
L’ECLJ s’inquiète des dernières communications de l’Éducation nationale concernant la surveillance des comportements à l’école.
Dans le cadre de la réouverture des écoles par suite du déconfinement, le Ministère de l’Éducation nationale a publié des recommandations pédagogiques à l’attention des professionnels de l’éducation. Parmi ces recommandations, deux fiches intitulées Covid 19 et risques de dérives sectaires[1] et Coronavirus et risque de replis communautaristes[2] suscitent de sérieuses inquiétudes concernant la sauvegarde des libertés individuelles en France[3].
Dans ces fiches, le Gouvernement invite les responsables pédagogiques, enseignants et personnel des écoles, à une surveillance accrue et une attention particulière aux discours des élèves qui révèleraient certains types d’opinions ou d’idées, véhiculés par leur environnement familial. En fonction des opinions ou idées exprimées, le Gouvernement recommande des conduites à tenir, notamment le signalement à des cellules mises en place par l’État.
Il s’agit par exemple pour les professionnels de l’éducation d’« identifier les techniques de communication des groupes radicaux » dans le discours des élèves. Cela s’entend par le fait de « critiquer tous les discours d’autorité, notamment scientifiques, et en même temps de s’en servir pour discréditer les discours qui sont hostiles à leurs thèses » ou encore de « participer à une vision manichéenne du monde (les bons scientifiques et les mauvais, les croyants et les impies etc.) ».
Le Ministère motive ces recommandations dans le but notamment de « lutter contre les replis communautaristes qui portent atteintes aux valeurs du pacte républicain et contre toute manifestation de séparatisme », ou encore « développer l’esprit critique des élèves pour mieux lutter contre la désinformation, les fake news, les rumeurs et les théories complotistes ». L’un des enjeux étant d’« identifier les changements de comportement des élèves, susceptibles d’être provoqués par des influences familiales ou extérieures ».
Or, l’ECLJ y voit plus particulièrement un danger et une menace très sérieuse des libertés d’expression, d’opinion, de pensée et de religion, ainsi même qu’une inquiétante ingérence dans la vie privée et familiale des personnes.
La lutte contre les dérives sectaires en ce qu’elle vise à prévenir et lutter « contre les agissements de groupes exploitant la sujétion physique et psychologique dans laquelle se trouvent placés leurs membres »[4] apparaît honorable. Toutefois, l’ECLJ s’inquiète d’un potentiel glissement d’une prévention légitime de comportements abusifs et légalement répréhensibles vers un contrôle global des opinions associé à une répression systématique de celles discordantes avec la politique nationale.
Rappelons que le pluralisme politique est signe de bonne santé d’un État démocratique.
Face à la vive inquiétude soulevée par ces recommandations, l’ECLJ, dans sa mission de veiller au respect des libertés et droits des individus, reste alerte sur ces sujets.
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[1] https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Reprise_deconfinement_Mai2020/69/2/Fiche-Derives-sectaires_1280692.pdf
[2] https://www.ac-paris.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2020-05/fiche-replis-communautaires_1280695.pdf
[3] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/on-nous-demande-de-ne-pas-remettre-en-cause-la-gestion-de-la-crise-des-fiches-pedagogiques-alarment-des-syndicats-d-enseignants_3959293.html
[4] https://eduscol.education.fr/cid61075/prevention-et-lutte-contre-les-risques-de-derives-sectaires.html