Experts ONU contre la pédo-criminalité
Le 10 février 2021, trois experts du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ont appelé l’Union européenne à combler le vide juridique existant pour protéger les enfants contre les abus sexuels sur internet[1]. Les trois experts ayant signé cette déclaration commune sont Najat Maalla M’jid, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur la violence contre les enfants ; Mama Fatima Singhateh, Rapporteur spécial des Nations unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants ; et Joseph Cannataci, Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la vie privée.
Leur déclaration vise à alerter sur les dispositions du Code européen des communications électroniques (CEE) du 21 décembre 2020 qui empêche l’utilisation d’outils technologiques permettant de lutter contre les abus sexuels visant les enfants sur internet. Depuis la mise en place de ce nouveau Code, les signalements ont considérablement diminué, suscitant leur profonde préoccupation. En effet, les rapports des entreprises technologiques réalisés à l’aide de ces outils, sont fondamentaux dans les enquêtes aidant à identifier, localiser et sauver les victimes, ainsi qu’à traduire en justice les auteurs. La Rapporteur spéciale Mama Fatima Singhateh considère ainsi que si rien n’est fait, « de nombreux enfants continueront d’être maltraités en toute impunité sans espoir d’aide ». Cette question est désormais jugée urgente par les experts au moment où Europol met en garde contre l’augmentation considérable des activités liées aux abus et à l’exploitation sexuels sur enfants sur internet et le dark web depuis le début de la crise du Covid.
L’ECLJ s’inquiète de cette situation depuis déjà de nombreux mois. En 2020, nous avions publié un rapport sur le sujet : Pornographie et droits de l’homme. Nous y écrivions que la diffusion de contenu à caractère sexuel en ligne était incompatible avec la protection des droits de l’homme. Les effets négatifs de la pornographie sont multiples et précisément listés sur la base de nombreuses études scientifiques. La pornographie menace également, à une plus grande échelle, la sécurité́ et le bien-être des enfants, des femmes et des hommes dans la société́ tout entière. Nous montrions aussi le manque de protection contre l’exploitation de mineurs dans ce type de vidéo. Bénédicte Colin, membre de la FAFCE (Fédération des associations familiales catholiques d’Europe) et à l’origine de ce rapport était intervenu lors de l’émission Le Droit en débat en janvier 2021. Elle y expliquait alors l’absence de tout consentement réel dans cette industrie pornographique, menant à la banalisation des violences physiques et verbales à l’encontre des femmes. En plus de cela, l’ECLJ souligne l’aspect profondément immoral de la pornographie qui entraine les consommateurs vers une addiction et vers toutes sortes de troubles psychologiques et physiques.
Nous observons que cette question suscite une véritable prise de conscience en Europe puisque deux résolutions concernant la pornographie sont aujourd’hui à l’étude à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), institution dont le but est de défendre les droits de l’homme. La première, intitulée « Dimension sexiste et effets de la pornographie sur les droits humains », a été présentée le 9 avril 2019, par le député allemand Frank Heinrich. Il déplore les effets négatifs de la pornographie sur l’égalité des sexes et la quasi-absence de toute réglementation, que ce soit au niveau national dans les États membres du Conseil de l’Europe ou au niveau international. Les députés invitent donc le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire à « mener des actions résolues et [à] élaborer des propositions de politique juridique visant à combattre les violences faites aux femmes et aux personnes vulnérables à travers la pornographie ».
La seconde, intitulée « Pour une évaluation des moyens et des dispositifs luttant contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques », a été présentée le 5 février 2020, par Dimitri Houbronle, député français (La République en marche). 43 parlementaires ont signé celle-ci, considérant que l’Assemblée parlementaire devrait « examiner et évaluer les législations de ses États membres, ainsi que leurs politiques de lutte contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques […] afin d’établir un état des lieux des bonnes pratiques et faire des préconisations pour aider les États les plus en retard à mettre sur pied des solutions ».
Enfin, l’ECLJ agit aussi en ce moment à la CEDH dans l’affaire R. CHOCHOLÁČ c. Slovaquie (n° 81292/17). Il s’agit de la requête d’un détenu se plaignant de la confiscation de ses documents pornographiques. Nous avons indiqué à la Cour que la Convention ne contient pas de droit à l’accès à la pornographie. De par sa nature et ses effets, elle ne peut être garantie au titre des droits de l’homme puisqu’elle y porte fondamentalement atteinte. L’interdiction de posséder du matériel pornographique est proportionnée et nécessaire dans l’intérêt du détenu et conforme aux standards internationaux.
L’ECLJ a besoin de vous pour sensibiliser les décideurs publics et continuer son action dans les organisations internationales. Pour nous soutenir et soutenir ce combat, vous pouvez signer notre pétition :
[1] https://www.ohchr.org/SP/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=26736&LangID=E