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Comportements addictifs chez l’enfant : l’APCE accuse timidement la pornographie

Comportements addictifs chez l’enfant

Par Priscille Kulczyk1699879282224
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Le 13 octobre 2023, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a débattu en séance plénière d’un rapport intitulé « Prévenir les comportements addictifs chez l’enfant », rédigé par la députée roumaine Diana STOICA (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe - ADLE). Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) avait fait parvenir à cette dernière des observations écrites afin de la rendre attentive au sujet de l’accès des enfants à la pornographie, phénomène de plus en plus massif qui comporte précisément de graves risques de dépendance. Si l’ECLJ note avec satisfaction que la consommation de pornographie est reconnue à plusieurs reprises dans le rapport comme une cause d’addiction comportementale de l’enfant devant être combattue, il regrette toutefois que ni la résolution ni la recommandation adoptées à l’unanimité à l’issue du débat en séance plénière n’en fassent mention expresse.

Écrans, pandémie et pornographie : un cocktail addictif

Le rapport « Prévenir les comportements addictifs chez l’enfant » constate l’augmentation de ce type de comportements, en observe les causes, notamment l’accès à la pornographie, et les « conséquences désastreuses sur leur santé mentale et physique et leur développement » et propose des recommandations pour prévenir ce fléau. Ainsi, « Il est […] essentiel de s’attaquer aux comportements addictifs chez l’enfant pour protéger les droits humains et assurer un développement durable, conformément aux cadres juridiques et aux politiques à l’échelle internationale. En outre, de tels comportements ne se limitent pas à la consommation de substances – ils peuvent aller de pair avec le défilement des médias sociaux, les jeux, ou la pornographie » (§ 2). Le rapporteur ajoute que « Les addictions non liées à des substances, également appelées addictions comportementales ou de processus, sont encore plus fréquentes, plus insidieuses et moins étudiées. Elles comprennent les addictions aux jeux vidéo en ligne, aux réseaux sociaux, aux jeux de hasard et d’argent, à la pornographie » (§ 14). Enfin, « Il apparait également que ce phénomène [de dépendance à internet] peut inclure l’addiction aux réseaux sociaux, aux jeux et aux achats en ligne, ou aux sites pornographiques » (§ 16).

Le rapport fait encore écho aux observations de l’ECLJ en ce qu’il reconnaît que l’accès aisé aux écrans est une cause d’addictions et que la pandémie de covid-19 a eu des conséquences très nocives pour les enfants, notamment en termes de santé mentale. Il énonce ainsi que « Pour lutter contre les comportements addictifs, il est essentiel d’en comprendre les causes profondes. Cela suppose d’examiner un large éventail de questions, [notamment] la facilité d’accès aux appareils électroniques » (§ 19). « Le risque lié à une utilisation problématique et addictive des réseaux et des appareils numériques est de plus en plus répandu dans nos sociétés, et la covid-19 n’a fait qu’aggraver ces aspects négatifs. […] Il est clair que tous les individus doivent apprendre à maîtriser leur utilisation des écrans et à utiliser la technologie avec discernement, cet apprentissage peut être plus difficile pour les enfants, sauf s’ils bénéficient d’un soutien » (§ 42). Concernant la pandémie, le rapporteur affirme que « La crise de santé mentale des enfants et des adolescents qui en a découlé a contribué à l’apparition de comportements addictifs chez les enfants » (§ 3). En effet, « La pandémie de covid-19 ayant provoqué un accroissement de l’anxiété chez les enfants, les comportements addictifs liés ou non à des substances ont constitué des mécanismes d’adaptation chez les jeunes, en particulier pendant les périodes de confinement » (§ 8).

La pornographie, grande absente des textes adoptés par l’Assemblée

À quelques jours du débat à l’APCE sur le présent rapport et voyant que la pornographie n’apparaissait explicitement ni dans la résolution 2520 (2023) ni dans la recommandation 2262 (2023) devant être soumises au vote, l’ECLJ s’est à nouveau adressé au rapporteur pour lui proposer d’amender ces deux textes en ce sens. De son côté, le député espagnol José María SÁNCHEZ GARCÍA a tenté de déposer des amendements afin d’inclure la pornographie dans les addictions citées mais ils n’ont pas été enregistrés en raison d’un problème technique apparemment récurrent dans l’application pour les députés de l’APCE. Malheureusement, c’est donc un rapport parlementaire examinant l’addiction à la pornographie chez les enfants qui a été adopté, mais une résolution et une recommandation qui ignorent l’existence de cette addiction. Celle-ci y avait pourtant sa place, autant sinon plus que les jeux de hasard et d’argent en ligne, qualifiés de « phénomène particulièrement inquiétant » (rapport, § 14) et dont il est beaucoup question dans l’ensemble de ces textes. Pour autant, résolution et recommandation ne sont pas dénuées d’intérêt.

Dans la résolution, c’est-à-dire une prise de position de l’APCE sur le sujet concerné, l’Assemblée demande aux États membres du Conseil de l’Europe « de coopérer étroitement avec l’industrie numérique » afin d’interdire « l’accès aux jeux et paris en ligne », et cela « de la même façon que dans le monde réel » (§ 9.1) : il est en effet logique que ce qui est interdit hors ligne soit aussi interdit en ligne. De ce point de vue, il aurait été opportun que la pornographie, également addictive et dont l’accès est tout autant interdit aux mineurs dans le monde réel, figure dans le texte. Il est néanmoins intéressant de noter que l’Assemblée demande aussi aux États de « mettre en place des campagnes de prévention en ligne adaptées aux enfants concernant […] l’utilisation excessive des outils numériques » (§ 9.3). Elle les invite encore « à adhérer à l’accord partiel élargi ayant créé le Groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions (Groupe Pompidou) » (§ 10), qui est la plateforme de coopération sur les politiques en matière de drogues du Conseil de l’Europe.

Avec la recommandation, c’est-à-dire un avis à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui a l’obligation d’y répondre, l’Assemblée rappelle qu’il « incombe aux États membres de garantir le droit des enfants de jouir du meilleur état de santé possible, y compris en adoptant des mesures de prévention et de traitement des comportements addictifs » (§ 1). Elle formule plusieurs demandes au Comité des Ministres. Elle l’invite notamment à demander au Groupe Pompidou « de prioriser [son] travail sur les addictions comportementales facilitées par les technologies et les pratiques en ligne, en mettant l’accent sur l’analyse des conduites addictives des enfants et les mesures de prévention associées » (§ 4.2) : cela devrait nécessairement permettre de travailler sur la dépendance à la pornographie. L’Assemblée recommande encore au Comité des Ministres « de charger le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe de développer des outils à destination des enfants en vue de sensibiliser aux conséquences d’un usage excessif ou addictif des outils numériques […] dans le cadre de la mise en œuvre de sa Stratégie pour les droits de l’enfant 2022-2027 » (§ 5).

Enfin, l’on peut encore noter que l’APCE a adopté, également le même jour, la résolution 2521 (2023) intitulée « Santé mentale et bien-être des enfants et des jeunes adultes » dans laquelle elle recommande aux États membres du Conseil de l’Europe d’agir pour « répondre à [des] préoccupations ayant un impact sur la santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes adultes en prenant des mesures pour protéger les enfants et les jeunes contre l’exposition à des contenus inappropriés et préjudiciables sur les médias sociaux » (§ 7.2.6). Le rapport associé (doc. 15829) rappelle en effet que « L’utilisation des réseaux sociaux augmente également le risque que les jeunes soient exposés à des contenus inappropriés ou préjudiciables et qu’ils soient la cible de cyberharcèlement ou de comportements prédateurs » (§ 17).

Il faudra donc observer quelles actions relatives à l’addiction à la pornographie entreprendront à la fois le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et le Groupe Pompidou. Pour ce dernier, la dépendance à internet figure parmi les priorités de travail 2023-2025 aux termes de la Déclaration de Lisbonne du 14 décembre 2022 : celle-ci affirme que « Si l’internet offre des possibilités nouvelles et positives, il peut constituer un environnement à risque pour le développement de dépendances comportementales, telles que l’utilisation excessive et compulsive de jeux vidéo, de jeux d’argent, d’achats en ligne, de streaming ou de réseaux sociaux ». Il est dommage que les risques liés à un accès sans limite à la pornographie en ligne ne soient pas plus souvent dénoncés expressément. En la matière, il est désormais urgent de nommer le mal pour mieux le combattre.

Non à la pornographie !
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