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Remise du Prix Humanisme chrétien 2016

Remise du Prix Humanisme chrétien 2016

Par Grégor Puppinck1479806160000

Le Prix Humanisme chrétien 2016 a été remis à Grégor Puppinck pour son essai «  La famille, les droits de l’homme et la vie éternelle » par le Professeur Jean-Didier Lecaillon, Président de l’Académie d’éducation et d’études sociales, Professeur Jean-Didier Lecaillon, et par Maître Dominique Ducret, Président de l’Association d’Éducation et d’Entraide Sociales.

Le Prix Humanisme chrétien est attribué depuis 2004 par un jury franco-suisse constitué de membres de l’AEES (Association d’éducation et d’entraide sociales) et de l’AES (Académie d’éducation et d’études sociales). Ce prix récompense un ouvrage accessible à un large public et s’inspirant des principes de l’humanisme social chrétien.

 

 

 

REMISE DU PRIX HUMANISME CHRETIEN 2016 le 18 novembre à Paris

Dominique Ducret, président de l’AEES

Au nom de l’Association d’éducation et d’entraide sociales, que j’ai l’honneur de présider, je souhaite la bienvenue tout particulièrement aux représentants des éditions de L’Homme Nouveau, ainsi qu’au lauréat du Prix Humanisme Chrétien 2016, Grégor Puppinck et à ses invités.

Je salue la présence, autour de moi, des membres du Jury et des membres de l’Académie d’éducation et d’études Sociales.

L’AEES est une association franco-suisse, dont le siège est en Suisse. Créée en 1925, elle a pour but, à la fois, de contribuer à l’étude, à l’enseignement et à la promotion de principes de comportement conformes à la tradition sociale et humaniste chrétienne et de soutenir toute institution, œuvre ou action répondant à ce but. C’est ainsi que l’AEES soutient et finance, en priorité, l’Académie d’éducation et d’études sociales (AES), association française composée de 40 membres, qui a elle pour but « L’étude des questions sociales dans un esprit conforme à la tradition humaniste chrétienne ».

En 2003, les deux associations ont décidé de créer le Prix « Humanisme chrétien », lequel s’inscrivait dans la succession du prix de l’AES, lui-même décerné depuis 1992. Ce Prix, d’un montant de 10 000 euros est destiné à récompenser « un ouvrage novateur et formateur, accessible au plus grand nombre et répondant aux valeurs de tradition sociale et d’humanisme chrétien que les deux associations ont pour but de promouvoir. Il récompense un livre rédigé en langue française, un film, un DVD ou un CD. La date de publication ou de diffusion ne peut être antérieure à 5 ans. La nationalité de l’auteur est indifférente. Plusieurs personnes peuvent recevoir le prix. »

Un comité de 4 personnes (2 suisses et 2 français) sélectionne les ouvrages proposés par des membres de l’Association ou de l’Académie, ou par des éditeurs et des libraires et il soumet sa sélection à un jury des 16 membres de l’AEES (8 suisses et 8 français).

Comme chaque année, je veux, remercier chaleureusement les membres du comité de sélection et les féliciter pour leur excellent travail : il s’agit de Bernard Lacan, qui le préside, de Jean-Paul Guitton, de Jacques Neirynck et d’André Kolly.

Plusieurs dizaines d’ouvrages ont été soumis au Comité de sélection. Finalement, cinq d’entre eux furent proposés au vote du jury. « La Famille, les droits de l’homme et la vie éternelle » de Grégor Puppinck fut choisi dès le premier tour de la délibération. Obtinrent des voix Samuel Grzybowsky pour son « Manifeste pour une coexistence active » et Erwan Le Morhedec pour son ouvrage « Ca ira mieux demain ».

Dans un instant, le professeur Jean-Didier Lecaillon, membre du jury et président de l’AES, prononcera la laudatio de circonstance. Mais, dans un premier temps, il m’appartient de céder la parole à M. Philippe Maxence, directeur des éditions de L’Homme Nouveau.

Philippe Maxence, directeur des éditions de L’Homme Nouveau.

 

Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de cette soirée et les membres du jury pour l’excellent choix qu’ils ont fait en récompensant le livre et l’essai de Grégor Puppinck La Famille, les droits de l’homme et la vie éternelle. Et, s’ils me le permettent, je voudrais leur attribuer, même si c’est de manière virtuelle, le « Prix du meilleur jugement littéraire » de cette année 2016. C’est la première fois que j’ai l’honneur et le plaisir d’attribuer ce prix très spécial, mais je le fais de grand cœur.

En tant qu’éditeur, nous avons reçu comme un encouragement le fait de voir un de nos livres récompensé par le prix « Humanisme chrétien » d’autant qu’il s’agit d’un livre modeste par sa taille bien qu’il soit à la fois profond et efficace par son argumentation et par la qualité de la réflexion qu’il propose. Encore une fois, notre surprise est d’autant plus grande que les livres récompensés ont habituellement une étoffe matérielle plus importante.

Ce type de petit livre ressemble fort à la pierre de la fronde du jeune David contre le géant Goliath. Sous une écorce modeste, il permet de toucher un large public qui, aujourd’hui, est toujours un peu pressé et a besoin d’une lecture, non pas facile, mais qui lui permette d’entrer vite dans le vif du sujet parce que l’essai repose sur une argumentation assez condensée. Et il a besoin d’ouvrages qui ne lui fassent pas peur au moins matériellement. Et je crois que de ce point de vue-là aussi, l’essai de Grégor Puppinck répond à toutes les attentes que l’on pouvait avoir.

Je vous l’ai dit : ce prix est un encouragement pour un éditeur modeste comme nous pouvons l’être. Les éditions de L’Homme Nouveau éditent des livres depuis une dizaine d’années même si nous allons fêter, le 8 décembre prochain, notre soixante-dixième anniversaire. Notre activité principale est d’abord d’éditer un journal qui porte le titre de L’Homme Nouveau, ainsi que des hors-séries, qui rejoignent en grande partie les préoccupations des deux organismes qui sont à l’origine de ce Prix. Mais, depuis quelques années, nous avons décidé de développer une partie éditoriale en éditant un petit nombre d’ouvrages qui sont principalement des essais.

Vous savez que l’édition traverse une crise assez importante. Les causes en sont multiples. Le niveau de lecture a malheureusement baissé pour des raisons qui sont trop longues à expliquer ce soir et qui sont d’ailleurs diverses. Par ailleurs, la diffusion des livres rencontre aussi un certain nombre d’obstacles, notamment en raison de la concentration des points de vente par le biais d’Internet qui a mangé petit à petit tout le tissu social des librairies indépendantes qui existaient à travers le pays. Enfin, de plus en plus, nous sommes confrontés dans le milieu de l’édition à une réalité plus industrielle qu’artisanale ou, pour le dire autrement, à une logique de production et de rentabilité immédiate qui prend le pas sur l’amour du livre et de la chose bien faite.

J’espère que, grâce à vous, grâce à vos encouragements, grâce à ce Prix et grâce au travail de Grégor Puppinck, nous pourrons continuer à diffuser ce type d’essais qui permettent d’aborder les problèmes de l’heure, en touchant l’intelligence et non simplement les émotions. Malheureusement quand on ne joue pas sur les passions, comme la plupart des auteurs le font aujourd’hui, la télévision ou les principales chaînes de radio restent des agoras interdites. La diffusion des livres en pâtit directement. Pour qu’un livre soit diffusé, plusieurs intervenants entrent en jeu. L’éditeur et l’auteur, bien sûr, mais aussi les lecteurs qui ont su apprécier un livre et qui peuvent le faire connaître autour d’eux. Petit à petit, un livre peut ainsi trouver sa place et parvenir à rencontrer un public de plus en plus grand.

Je souhaite évidemment une telle destinée pour ce livre et pour les autres livres de Grégor Puppinck parce qu’il s’agit d’un auteur qui ne cesse d’écrire. Grégor Puppinck est un homme qui travaille énormément et qui occupe aujourd’hui une place centrale dans le combat des idées pour la défense de la dignité de la personne humaine, pour la défense de la famille, pour la défense de la vie à naître. Il est à un poste central du combat qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux. Encore une fois, je vous remercie de tout cœur de l’avoir encouragé par ce Prix « Humanisme chrétien » qui résume bien, par son seul nom, le sens de sa démarche. Et, avec joie, je me joins à vous pour le féliciter et le remercier.

Jean-Didier Lecaillon, président de l’AES, présente les raisons du choix de l’ouvrage de Grégor Puppinck.

Permettez-moi, pour commencer, une incidente d’ordre personnel : je suis en train de déménager et, tandis que je faisais le tri dans les affaires au lieu de préparer cette intervention, je suis tombé sur une carte de visite oubliée, celle d’un certain Grégor Puppinck ! Nous nous sommes donc rencontrés même si je n’en avais pas la mémoire. Il faut dire que cela remonte à de nombreuses années d’après les quelques notes inscrites au dos de ce précieux document, sans doute à Strasbourg à la Mission Permanente du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe : je comprenais alors mieux, a posteriori, pourquoi nous avions pu être séduits par votre expérience de l’actualité internationale, votre pédagogie et votre esprit de synthèse, parvenant en moins de 100 pages à exposer de façon certes concise mais ne négligeant rien de fondamental, non seulement des principes mais aussi, en prise directe avec l’actualité, des enjeux essentiels pour notre civilisation. Et comme vos propos touchent directement l’humanisme, je me suis dit que c’était bien la Providence qui une nouvelle fois nous permettait de nous croiser. Je fus en effet, comme vous, et pendant de nombreuses années, expert auprès du Conseil de l’Europe et je pourrais sans difficulté témoigner de l’importance certes mais aussi de l’exigence de cette activité. Je voulais ainsi souligner combien le cadre dans lequel vous travaillez, l’ambiance qui y règne, sont difficiles et même ingrats et, en échos, quelles qualités, peu perceptibles de l’extérieur, sont en conséquence nécessaires ; je tenais, à travers cette expérience personnelle, souligner certes les mérites qui sont les vôtres même si votre modestie doit en souffrir, mais aussi expliquer que ce qui paraît évident à la lecture est en fait le fruit d’une longue et exigeante expérience… Bien entendu, ce témoignage relève plus de la sympathie que de l’étude rigoureuse de votre contribution sur laquelle il faut que je vienne pour expliquer le choix du jury de vous décerner le prix Humanisme Chrétien. Car c’est bien votre contribution qui est primée, et c’est sur elle que je concentrerai désormais mon propos.

Je vais pour expliquer le choix du jury de décerner à Grégor Puppinck le prix Humanisme chrétien 2016, m’appuyer sur une référence que Bernard Lacan, membre du jury, me rappelait récemment en citant Pascal s’adressant aux Jésuites en terminant sa seizième Provinciale : « Mes révérends Pères, mes lettres n’avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d’être si étendues. Le peu de temps que j’ai eu a été la cause de l’un et de l’autre. Je n’ai fait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte », ce que depuis lors nous pouvons résumer en : « Pardonnez-moi, je n’ai pas eu le temps de faire plus court… ». Mais vous, vous avez pris le temps de faire court puisque nous couronnons aujourd’hui, ce qui pour nous est une première, un ouvrage de moins de 90 pages ! Autant dire que notre jury, inspiré par cette belle pensée de Pascal, n’a pas jugé la minceur de votre livre comme un obstacle à le distinguer.

En revanche, il a considéré et apprécié la pertinence, la rigueur et la concision de l’analyse que vous faites de l’évolution de nos sociétés européennes et des désastres auxquels elles se livrent.

Au risque d’être pour ma part infidèle à la réflexion pascalienne, puis-je illustrer cette appréciation générale en évoquant quelques-uns de vos propos, chacun permettant d’expliquer notre choix à défaut de le justifier ? Au risque d’être trop long avant de vous féliciter et de vous remercier, mon rôle n’est-il pas de relever quelques-uns des nombreux points qui méritent une attention et que nous espérons promouvoir à travers ce prix ? Votre constat tout d’abord est édifiant et ne devrait laisser personne indifférent : le projet humaniste européen dites-vous a « dégénéré en une postmodernité individualiste et nihiliste » au nom de laquelle sont peu à peu détruits les fondements d’une société chrétienne.

Vous exposez alors, de façon documentée et claire, comment la société occidentale est passée d’une conception des droits de l’homme correspondant aux droits naturels à une conception postmoderne où il s’agit de promouvoir des droits antinaturels individualistes. C’est dire que vous savez aller à l’essentiel…

Vous faites ensuite une mise en garde dont l’utilité n’échappera à personne : délaissant leur vocation qui est de protéger l’homme contre la société, les droits de l’homme sont devenus des outils pour construire une société virtuelle, déniant la réalité et jugée seule apte à libérer l’individu de toute dépendance, de toute norme sociale, et finalement de la nature elle-même.

Vous auriez pu vous contenter de ce diagnostic qui est déjà en soi, pour nous, d’une importance capitale ; mais vous allez plus loin en vous attachant à proposer des pistes d’action pour l’Eglise en général, chaque chrétien en particulier.

Allant ainsi à l’essentiel, en moins de 100 pages sans pourtant rien négliger faut-il le rappeler, de telle sorte que personne ne pourra plus dire qu’arrêté par une lecture trop lourde et trop complexe « il ne savait pas », vous expliquez très bien comment on est passé d’une dignité humaine fondée sur la nature humaine telle que Dieu l’a faite, à une dignité où il s’agit de s’émanciper le plus possible de cette nature humaine et de Dieu. Nous sommes ainsi conduits au cœur de l’humanisme chrétien : nous ne pouvons pas faire l’économie d’un Sauveur et de la grâce pour sortir de l’individualisme qui met le monde à l’envers expliquez-vous ; si la quête individualiste est vouée à l’insatisfaction, car l’être imparfait que nous sommes ne peut tirer de lui-même sa propre satisfaction, seul l’amour de Dieu peut nous libérer de l’individualisme insistez-vous. Concrètement, s’agissant de la famille qui vous sert de référence permanente, vous nous conduisez presque naturellement à reconnaître qu’en matière d’action, il faut faire resplendir la beauté des familles chrétiennes et du don de soi par amour de Dieu, rejoignant ainsi notamment et naturellement le Pape François dans sa lettre post-synodale. Quel programme aussi séduisant que pratique…

Inutile de vous dire que nous accueillons avec une grande adhésion votre analyse, qui rejoint d’ailleurs et complète les travaux que nous conduisons au sein de l’Académie d’Education et d’Etudes Sociales sur les grandes problématiques de notre temps. Mais surtout, en dégageant une vue d’ensemble de la logique des dégradations sociétales en cours, vous apportez un éclairage supplémentaire à nos recherches, d’un grand intérêt pour nous puisqu’il leur donne une réelle cohérence. Votre analyse nous a paru enfin et peut-être surtout de nature à alerter le grand public et à lui faire prendre la mesure des dérives qui lui sont imposées au nom d’une prétendue liberté alors qu’il s’agit en fait d’un grave assujettissement.

En définitive, ce qui nous a paru essentiel et nous a convaincu de décider de vous distinguer, c’est non seulement la justesse et l’opportunité actuelle de votre réflexion, mais aussi la clarté et la concision avec lesquelles vous la développez. Clarté et concision ne sont-elles pas les autres noms de la compétence ? Accessible à un large public, tourné vers l’action, sont autant de critères pour le prix HC ; nous les retrouvons dans votre travail.

Ce que nous retiendrons évidemment, en ces temps troublés qui nous désarçonnent si souvent, c’est votre message d’Espérance. En cela aussi nous vous remercions car nous avons besoin de solutions et d’optimisme ; je tenais à terminer sur cette note.

Beaucoup de gens devraient lire ce livre pour bien comprendre ce qui se passe aujourd’hui, notamment dans les enceintes parlementaires. Nos concitoyens auraient intérêt à réfléchir sur les dérives de notre époque, et ce livre peut les y aider. Nous avons besoin de gens qui ont compris les choses et peuvent les expliquer ; vous êtes de ceux-là.

Je vous avais prévenu : je ne suis pas très pascalien… Le moment est quand même venu que je vous félicite au nom de nous tous et que je vous remercie de votre contribution. Je le fais sans réserve et même chaleureusement en souhaitant que nous ayons une 3ème (ou d’autres) occasion(s) de nous rencontrer.

 

Remerciements de Grégor Puppinck

Monsieur le Président de l’Académie d’éducation et d’études sociales, Professeur Jean-Didier Lecaillon,

Monsieur le Président de l’Association d’éducation et d’entraide ociales, Maître Dominique Ducret,

Chers Messieurs, Chères Mesdames,

Chers parents et amis,

C’est avec une joie et une reconnaissance sincères que je reçois ce Prix Humanisme chrétien. J’en suis d’autant plus heureux que j’ai beaucoup d’estime, et même d’admiration, pour les membres de l’Académie d’éducation et d’études sociales que je connais, au moins, par leurs travaux, leurs actions et leur réputation. Pour la plupart, vous êtes mes aînés, et c’est avec une reconnaissance filiale que je reçois ce prix. Je suis aussi honoré de succéder à des personnes telles que Martin Steffens et Mgr Michel Schooyans, pour citer un récipiendaire récent et un autre plus ancien. Ce prix est un encouragement à poursuivre mon travail, à tirer les conséquences de notre foi.

Je souhaite rendre hommage à l’œuvre de l’Académie d’éducation et d’études sociales et de l’Association d’Éducation et d’Entraide Sociales. Les travaux réguliers que vous menez et le prix que vous décernez contribuent à la vitalité de la pensé sociale chrétienne. La reconnaissance publique que vous apportez aux personnes qui, dans diverses disciplines, tentent de rendre « accessible au plus grand nombre les valeurs de tradition sociale et d’humanisme chrétien » est bienfaisante, elle valorise une pensée dont la société a grand besoin.

La pensée chrétienne est poussée aux marges de la société alors qu’elle en est le cœur. Tout ce qui peut être fait pour que cette pensée alimente et irradie la société mérite de l’être. Certes, la pensée chrétienne est souvent marginalisée, mais elle est riche et toujours actuelle. Elle est, j’en suis convaincu, d’une qualité supérieure aux diverses écoles de pensées, non seulement parce qu’elle poursuit la grande tradition de la pensée classique, mais aussi et surtout parce qu’elle n’a pas renoncé à l’existence du vrai, du bien et du beau. C’est cet attachement aux transcendantaux, et dont la connaissance est rendue sensible par l’expérience chrétienne, qui permet à la pensée chrétienne de répondre à toutes les situations, et plus encore, avec une perspective et une hauteur de vue inégalées. Et c’est là la force d’un auteur catholique : elle n’est pas en lui, elle est dans l’amour de la vérité qui requière un humble et complet don de soi. Pour le juriste, et c’est là mon expérience, la philosophie et la théologie morales, en particulier celle de Saint Thomas, donnent un éclairage et une profondeur de vue uniques pour comprendre l’articulation des problèmes juridiques. C’est dans la théologie morale que j’ai trouvé par exemple les clefs de compréhension de l’objection de conscience, qui est l’un des problèmes les plus ardus du droit. La morale catholique présente l’intérêt, pour le juriste, de ne pas avoir renoncé à la possibilité même de la justice et à la capacité de la raison humaine de la discerner.

Et c’est là, je pense, le rôle spécifique du juriste chrétien : rechercher la lumière pour restaurer l’ordre naturel et qu’ainsi chacun puisse vivre et accomplir sa vocation. Il cherche à comprendre le monde confus à la lumière diffuse de la vérité puis à y remettre de l’ordre pour que cet ordre même témoigne de la Vérité. Expliquer la réalité, mettre en ordre le désordre, c’est prouver que Dieu existe et lui rendre hommage. Le droit permet particulièrement d’exprimer l’amour de l’ordre et de la justice. La loi est un dictamen rationis, elle est aussi une participation à la raison divine. Le sens inné de la justice, la loi naturelle et éternelle sont des objets d’émerveillement : ils témoignent en chacun des caractères spirituel et moral de la conscience humaine.

Les juristes catholiques sont par profession – c’est-à-dire à la fois par métier et par vocation – des humanistes chrétiens. Humanistes, ils travaillent à comprendre le monde et à l’ordonner au mieux, à « l’ajuster » ; Chrétiens, ils sont animés par une compréhension globale du bien qui se distingue de la voie commune. L’accès à la pensée catholique est une voie de connaissance et d’illumination, mais elle est ouverte à tous, ce n’est pas une gnose.

Mais l’humaniste chrétien n’est pas clérical, il n’est pas non plus adepte d’un régime religieux ; au contraire même, il est peut-être le seul à savoir et à pouvoir distinguer le temporel du religieux, la morale de la religion, la justice de l’idéologie, car il ne place pas le temporel et le spirituel au même plan.

Le christianisme n’a pas distingué le religieux et le profane sur un mode horizontal, à la manière moderne, en affirmant que le religieux et le profane seraient deux aspects de la vie individuelle et sociale devant coexister chacun de son côté. Ce mode horizontal de distinction implique un nivellement du religieux et du profane et permet leur confusion. Le christianisme les distingue sur un mode vertical : le religieux et le profane sont distincts comme le sont le naturel et le surnaturel. En fait, pour le chrétien, les catégories du naturel et du surnaturel reflètent mieux sa compréhension de l’univers que celles du profane et du religieux. En situant la religion sur un plan distinct et plus élevé, le plan naturel est préservé dans ses attributions : il n’est pas directement affecté par le surnaturel, mais il en est éclairé. La lumière aide à agir au plan naturel, mais ne contraint pas. Ainsi, être humaniste chrétien, ce n’est pas « profaner » la religion, mais c’est vivre au plan naturel à la lumière surnaturelle.

C’est ce rapport entre les plans naturel et surnaturel qui structure le petit livre que vous avez bien voulu récompenser. Son titre même « La Famille, les droits de l’homme et la vie éternelle » reflète les trois niveaux de l’existence : le plan naturel avec la famille, le plan moral avec les droits de l’homme et le spirituel avec la vie éternelle.

Ce qui ressort de ce petit livre, de façon très simple, c’est que ces trois plans de l’existence sont faits pour s’ordonner les uns aux autres, dans la perspective de la vie éternelle. C’est l’harmonie entre ces trois dimensions de l’existence qui est source de vie.

François Ganière, trésorier de l’AEES, remet à Grégor Puppinck le prix Humanisme chrétien 2016.

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