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L’ECLJ participe à une conférence sur la protection des enfants face à la pornographie en ligne

Pornogr@phie : protéger les enfants

Par Priscille Kulczyk1669600380000
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Le 8 novembre 2022, a eu lieu au Parlement européen à Bruxelles une conférence sur le thème des « Défis et dangers de l’exposition des enfants aux contenus sexuellement explicites à l’ère numérique - L’impact nocif de l’accès précoce à la pornographie en ligne » organisée par la Fédération des Associations Familiales Catholiques en Europe (FAFCE), en collaboration avec l’équipe du député européen François-Xavier Bellamy (PPE).

Le Centre européen pour le droit et la justice a été invité à y intervenir concernant l’aspect juridique de la question : le texte de l’intervention figure ci-après.

Les autres intervenants, experts dans le domaine médical et membres d’organisations engagées sur cette problématique, ont mis en évidence les conséquences médicales et relationnelles de la consommation de pornographie, envisagé des moyens à mettre en œuvre pour tenter de remédier à ce fléau et présenté le récent rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat français « Porno : l’Enfer du Décor ».

Il faut espérer désormais que cette conférence permettra de fédérer dans la bataille contre le fléau pornographique à la fois les associations de terrain et les décideurs européens. Ainsi que l’a exprimé M. Bellamy, il doit s’agir d’« un point de départ pour une meilleure protection des enfants en Europe. »

 

L’intervention de l’ECLJ :

« J’aimerais tout d’abord remercier M. Bellamy, député européen, ainsi que la Fédération des associations familiales catholiques en Europe pour avoir organisé cette conférence importante.

Le Centre européen pour le droit et la justice travaille sur la question de la pornographie : nos recherches mèneront à la publication d’un rapport ou d’un livre en 2023.

Vu la nocivité de la pornographie dont parleront certainement les experts médicaux, il est absolument nécessaire d’en réglementer l’accès, en particulier d’empêcher aux enfants d’y accéder, mais tout en sachant bien aussi que la pornographie ne devient pas soudainement inoffensive à 18 ans révolus.

De manière générale, la protection des enfants contre l’exposition à la pornographie en ligne est une question difficile à résoudre au plan juridique parce qu’elle donne actuellement lieu à un affrontement entre plusieurs droits, à savoir :

- D’un côté, les droits de l’enfant internationalement reconnus qui découlent de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 (l’article 17.e. stipule que « les États parties favorisent l’élaboration de principes directeurs appropriés destinés à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien-être […] ») et de tous les textes internationaux traitant de matières spécifiques en lien avec la question de la pornographie,

- De l’autre, il y a notamment le droit au respect de la vie privée (p. ex. pour les adultes qui veulent avoir accès à la pornographie), la liberté d’expression (souvent invoquée par les défenseurs de la pornographie), ou encore les règles en matière de protection des données personnelles (notamment le Règlement général sur la Protection des Données de 2016).

Pour un regard au plan juridique sur la thématique du jour, je m’appuierai sur un schéma qui a été imaginé par Lola Velarde de Political Network for Values et que nous avons complété. Il présente une palette de solutions, plus ou moins efficaces en elles-mêmes, mais qui combinées, peuvent permettre de protéger les enfants de la pornographie. J’en commenterai quelques points importants.

Il peut être pertinent de commencer par reconnaître expressément, à l’aide de résolutions non-contraignantes, le danger que représente la pornographie, à tous niveaux, par exemple pour la santé publique, à l’instar de ce qui se fait pour le tabagisme ou l’alcoolisme. Aux États-Unis, c’est ce qu’ont fait 17 États sur la base d’un projet initié par le National Center on Sexual Exploitation (NCOSE).

Nommer le mal, c’est bien, agir concrètement pour empêcher les enfants d’accéder à la pornographie c’est mieux. Les institutions européennes se sont exprimées en ce sens dans les principaux textes suivants.

Au sein du Conseil de l’Europe, des résolutions appellent notamment les États à agir en ce sens :

- En 2011, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a souligné « la nécessité de protéger les enfants de l’exposition aux contenus pornographiques violents et extrêmes, qui pourrait nuire à leur développement équilibré » dans la résolution sur « La pornographie violente et extrême ».

- La résolution « Dimension de genre et effets de la pornographie sur les droits humains » en 2021 est aussi pertinente.

- Le sujet a été particulièrement traité dans la résolution « Pour une évaluation des moyens et des dispositifs de lutte contre l’exposition des enfants aux contenus pornographiques » adoptée en avril de cette année 2022.

Du côté de l’Union européenne, la directive Services de médias audiovisuels révisée en 2018 exige des États membres qu’ils garantissent que les services de médias audiovisuels « qui pourraient nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient mis à disposition que dans des conditions telles que les mineurs ne puissent normalement pas les entendre ni les voir […] Les contenus les plus préjudiciables, tels que la pornographie  [...], font l’objet des mesures les plus strictes » (nouvel article 6 bis).

- Ces divers textes sont également en faveur de l’apposition d’un message d’avertissement sur les matériels pornographiques. Aux États-Unis, l’Utah a adopté la Porn Warning Label Law qui exige, sous peine d’amende, un message d’avertissement pendant au moins cinq secondes avant l’affichage de tout contenu pornographique ou un message d’avertissement avant d’accéder à un site pornographique et que ledit site fournisse un effort raisonnable pour vérifier l’âge des utilisateurs.

- Autre mesure : Réglementer les politiques de modération et de signalement en imposant des obligations en la matière pour les fournisseurs de services en ligne peut permettre d’éradiquer une partie des contenus préjudiciables qui seraient autrement accessibles aux mineurs. Cela a une importance particulière pour les plateformes qui ne sont pas « pornographiques » à proprement parler mais sur lesquelles se trouvent de tels contenus, notamment les réseaux sociaux. On peut espérer que le nouveau « règlement sur les services numériques » qui vient d’être adopté permettra d’accentuer la lutte contre la pornographie, notamment en responsabilisant les très grandes plateformes (Google, Facebook etc). Les plateformes en ligne devront par exemple proposer aux internautes un mécanisme pour signaler facilement les contenus illicites et devront rapidement traiter les notifications. Elles devront coopérer avec des signaleurs de confiance dont les signalements seront traités en priorité. Les très grandes plateformes en ligne ont des obligations renforcées d’évaluation des risques systémiques liés aux services fournis, notamment par rapport aux droits de l’enfant.

- Autre mesure : Imposer aux sites pornographiques de vérifier l’âge de leurs utilisateurs est une mesure largement promue au niveau européen. En 2022, dans la Nouvelle stratégie européenne pour un internet mieux adapté aux enfants, la Commission européenne « invite les États membres à soutenir des méthodes efficaces de vérification de l’âge » et « les entreprises du secteur à mettre en œuvre efficacement » de telles mesures. Mais cela se heurte à certaines difficultés techniques et juridiques comme le montrent les exemples des législations du Royaume-Uni et plus récemment de la France. Cependant, ce n’est pas au législateur de résoudre ces difficultés techniques, mais aux fournisseurs de contenus pornographiques !

- Finalement, on en vient à l’interdiction de la pornographie. Criminaliser la pornographie « violente » (s’il ne s’agit pas là d’un pléonasme...) et « extrême » fait consensus : l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe y a appelé les États membres dans des résolutions précitées. Mais interdire toute forme de pornographie est une mesure évidemment controversée qui a en tout cas l’avantage de tenir compte du fait que la pornographie est intrinsèquement mauvaise et contraire à la dignité humaine. Sur ce point, j’aimerais en particulier noter l’existence de la Convention pour la répression de la circulation et du trafic des publications obscènes adoptée dans le cadre des Nations Unies en 1923 à laquelle plusieurs dizaines d’États sont parties, dont des États membres de l’Union européenne. Par ce traité, ils se sont notamment engagés à poursuivre et punir le trafic pornographique, et cela dans des termes très larges tant en ce qui concerne les types de contenus que les actes qui s’y rapportent (fabrication, détention, mode de circulation etc). La question qui se pose est celle de son actualité à l’ère d’internet ; mais vu sa portée très large, ce texte ne paraît toutefois pas anachronique.

Pour conclure :

Des fondements existent au plan européen et international pour lutter pour la protection des enfants mais c’est la volonté qui a tendance à manquer. D’où l’importance de convaincre à la fois le grand public, les décideurs, l’industrie pornographique (bien que cette dernière n’y a, à vrai dire, pas intérêt) de la nécessité de telles réglementations. »

Non à la pornographie !
Lire le texte complet de la pétition

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