Euthanasie : l’ADMD démasquéeGradient Overlay
Institutions Françaises

Euthanasie : l’ADMD démasquée

Euthanasie : l’ADMD démasquée

Par Grégor Puppinck1746612000000
Partager

L’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) s’enorgueillit – avec raison - d’être à l’origine du débat sur l’euthanasie et le suicide assisté en France, d’avoir su imposer ses idées et jusqu’à son vocabulaire. Elle a l’oreille du gouvernement et tient la plume de parlementaires ; connaître sa pensée est donc essentiel pour comprendre le débat sur l’euthanasie. La proposition de loi adoptée par la Commission des affaires sociales le 2 mai 2025 prévoit même de donner un rôle à l’ADMD pour assurer sa mise en œuvre. Il est donc impératif d’exposer publiquement l’idéologie radicale et la stratégie de cette organisation.

Le double discours de l’ADMD

Si l’ADMD se limite aujourd’hui à réclamer la légalisation de l’euthanasie volontaire des adultes malades, sa retenue actuelle sur l’euthanasie des mineurs, des personnes handicapées ou âgées est purement stratégique, et relève de la technique du double discours.

Interrogé durant l’Assemblée Générale de l’ADMD de 2022 sur l’opportunité « d’aller plus loin » que le texte de loi discuté alors et de réclamer l’extension de l’euthanasie aux mineurs, aux personnes âgées et aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer, Jean-Luc Romero – président emblématique de l’ADMD jusqu’en 2021 - répondit qu’il y a un débat interne sur cette question mais que l’association « n’avait pas souhaité aller plus loin, en disant, stratégiquement, ce n’est pas le moment ». L’important serait déjà de faire adopter « le socle » de la loi autorisant le principe de l’euthanasie. Plus tard, dans un second temps, « comme les Belges ont amélioré leur texte, on l’améliorera » ; la Belgique a, en effet, largement étendu l’accès à l’euthanasie aux mineurs et aux personnes dépressives depuis la loi initiale. Cette retenue de l’ADMD ne serait donc qu’une simple stratégie de dissimulation pour ne pas « donner un chiffon rouge » aux opposants suivant l’expression de Jean-Luc Romero, mais celui-ci ajoute que si sa proposition de loi ne passe pas, alors il faudra réfléchir à une autre proposition, « et là, peut-être, être dix fois plus radical ».

Le député franc-maçon Jean-Louis Touraine, auteur d’une proposition de loi pour légaliser l’euthanasie en 2017 et régulièrement invité par l’ADMD, partage exactement et explicitement cette stratégie lors d’une une réunion avec l’association pro-euthanasie Le Choix le 30 novembre 2024[1] : « une fois qu’on aura mis le pieds dans la porte, il faudra revenir tous les ans et dire « on veut étendre ça. » […] [d]ans la première loi, il n’y aura pas les mineurs, il n’y aura pas des maladies psychiatriques, dans la première loi, il n’y aura même pas les maladies d’Alzheimer. Donc tout ça ne viendra pas tout de suite. Mais dès qu’on aura au moins obtenu une loi […] on pourra étendre les choses, […] il faudra introduire cette égalité, mais je pense que ce sera un combat important et que nous devrons continuer aussi au moment de l’application de la loi. »

L’actuel président de l’ADMD, Jonathan Denis, ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit en 2022 : « Comme la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse, telle que votée en 1975, était très incomplète, nous devons craindre que la loi qui sera proposée au vote des parlementaires, en 2023 nous dit-on, ne réponde pas à l’ensemble de nos revendications […]. Nous devrons accepter des concessions qui ne seront que temporaires, transitoires. Car dès lors que le principe même de l’aide active aura été voté, le front des anti-choix aura été brisé et nous pourrons enfin avancer rapidement et faire évoluer la loi vers ce que nous souhaitons tous : une loi du libre choix qui ne comporte aucune obligation pour quiconque.[2] »

Cette façon de manier le double discours n’est pas récente à l’ADMD. Déjà en 1985, Paul Chauvet, président de l’ADMD, écrivait alors : « Il conviendra donc toujours d’avancer sur deux plans : celui de la demande acceptable aujourd’hui, et celui affirmé, confirmé, de l’idéal recherché, pour faire progresser notre objet[3] ». L’ADMD cherche à rassurer et à cacher le radicalisme de son idéologie.

Le radicalisme de l’ADMD

Une recherche dans les Bulletins de l’ADMD révèle le radicalisme de cette organisation. Sa position à l’égard de l’euthanasie forcée fut encore débattue en 1988, lorsque le bureau de l’association proposa de modifier ses statuts pour déclarer explicitement qu’elle « s’oppose à l’euthanasie qui ne serait pas l’expression d’une volonté libre et réfléchie de la personne ». Il s’agissait alors de mettre un terme à toute ambiguïté sur la question. Pudiquement, le bulletin suivant de l’association indique que cette proposition suscita de grandes difficultés et fut finalement rejetée[4].

Certes, plus tard, l’ADMD a déclaré s’opposer « à toute euthanasie pratiquée sans demande de la personne concernée », mais tout en soutenant des personnes poursuivies en justice pour avoir euthanasié des patients sans leur consentement. Ce fut le cas dès les années 1980, lorsque l’ADMD se réjouissait de l’acquittement de Pierre Thébault, un infirmier ayant tué une femme de 86 ans ayant une fracture du col du fémur[5], ou encore en 2013 lorsque l’ADMD soutenait le Dr Bonnemaison poursuivi en justice pour avoir empoisonné sept patients hors d’état d’exprimer leur volonté[6].

La pratique de l’euthanasie forcée trouve une justification théorique dans la conception de la dignité humaine portée par des fondateurs et responsables historiques de l’ADMD. Le fait que cette association insiste aujourd’hui sur l’importance du principe d’autonomie individuelle n’est pas contradictoire avec l’euthanasie forcée, car le principe du respect de l’autonomie individuelle résulte de la conviction selon laquelle la dignité réside dans la maîtrise de soi, la conscience et la volonté individuelles. Dès lors, la mort serait préférable à « l’indignité » de la perte d’autonomie. Dans son Bulletin, des responsables de l’ADMD citent cette phrase de Nietzsche : « on devrait mourir fièrement, quand il n’est plus possible de vivre avec fierté[7]. » Il est vrai que l’idéal supérieur de l’ADMD n’est pas l’euthanasie des personnes mourantes ou inconscientes, mais le suicide volontaire des personnes qui craignent de se voir dépérir. Pour Odette Thibault, théoricienne et cofondatrice de l’ADMD, le suicide « est le seul moyen de mourir… vivant »[8], c’est « la suprême autonomie, celle qui définit l’être humain… avant qu’on ne la perde tout à fait. »[9] Quant au sénateur Henri Caillavet, un ancien président de l’ADMD, « le suicide conscient est l’acte unique authentique de la liberté de l’homme[10] ». Cette apologie du suicide comme acte de liberté s’exprime en contrepoint d’une peur tout aussi extrême de la déchéance physique et de la dépendance. Pour Caillavet, « Lorsque nous sommes – morts en nous-mêmes – pourquoi maintenir une flamme vacillante ne permettant plus qu’une existence végétative, sinon proche de la sénilité ? Est-ce vivre que de ne plus être autonomes, de dépendre d’autrui, de ne plus être capable d’intégrer le monde extérieur et d’être parfois soumis à un acharnement thérapeutique illusoire ? Certainement pas[11]. »

De ce point de vue, un être privé d’autonomie et de capacités relationnelles ne serait pas ou plus vraiment humain ; ils auraient perdu toute dignité. Comme l’écrit Odette Thibault, « Tout individu ne possédant plus ces facultés peut être considéré dans un état sous-humain ou infra-humain, poussé à l’extrême dans le cas du débile profond[12] ». Dès lors, ajoute-t-elle, « beaucoup d’individus sont des morts-vivants, déjà morts à l’humain bien avant la fin de leur vie organique[13] ». Les tuer ne serait donc pas un meurtre, puisqu’ils seraient déjà morts à l’humanité ; et cela ne violerait pas leur autonomie individuelle puisqu’ils en sont démunis. Odette Thibault va jusqu’à écrire : « Prolonger cette déchéance est, à mon avis, une des plus graves atteintes qu’on puisse porter à la dignité humaine[14] ».

À ces arguments sur l’indignité et l’inhumanité de la fin de vie s’ajoutent des considérations économiques, sur la charge sociale des personnes handicapées et séniles. Odette Thibault écrit encore à propos des personnes âgées : « Dès qu’ils sont inutiles, ou qu’ils représentent une charge supplémentaire, comme c’est le cas dans les périodes de pénurie, on est content de les voir disparaitre[15] ». Un autre administrateur historique de l’ADMD, Albert Cuniberti, ajoute, dans le bulletin de l’association : « l’acharnement que l’on met à conserver une dérisoire caricature de vie à un nombre croissant de vieillards qui ne le souhaitent pas, coûte de plus en plus cher et devient pour la société une charge de moins en moins supportable[16]. »

De telles citations donnent une idée de ce à quoi pourrait ressembler une proposition de loi « dix fois plus radicale » de l’ADMD, ainsi que de la direction de la « pente glissante » dans laquelle ce lobby veut pousser la société française.

________

[1] Jean-Louis Touraine, Conférences et débats publiques en direct : Le Choix - Citoyens pour une mort choisie - 30/11/2024, Intervention à 3h50.

[2] Lettre de l’ADMD, 27 septembre 2022.

[3] Paul Chauvet, Rapport moral et d’orientation en vue de l’Assemblée Générale du 15 juin 1985, Bulletin de l’ADMD, n°17, avril 1985, p.5 à 13.

[4] Bulletins de l’ADMD, n° 29 et 30, 1988.

[5] Bulletin de l’ADMD, n° 18, octobre 1985, p. 21.

[6] Euthanasie : le docteur Bonnemaison radié de l’Ordre des médecins - Gènéthique, 28.01.2013.

[7] Nietzsche, Crépuscule des Idoles, trad. Hémery, Gallimard, 1974, p.129 reproduite dans Bulletin de l’A.D.M.D. n° 26, décembre 1987, p. 19.

[8] Odette Thibault, « Faut-il changer la loi ? Pourquoi j’ai écrit mon testament de vie. », Bulletin de l’ADMD. n° 12, octobre 1983, p. 20..

[9] Odette Thibault, « Mourir à la carte – J’ai fait un rêve… », Bulletin de l’ADMD n° 24, juin 1987, p. 13.

[10] Caillavet, L’euthanasie, un mot qui ne doit pas faire peur, Bulletin de l’ADMD, n°24, Juin 1987, p. 6 et s.

[11] Bulletin de l’ADMD, N°26. Déc. 87, p. 3.

[12] Odette Thibault, La maitrise de la mort, Editions universitaires, 1975, p. 163.

[13] Odette Thibault, La maitrise de la mort, Editions universitaires, 1975, p. 78.

[14] O. Thibault, La maitrise de la mort, Editions universitaires. 1975, p. 196.

[15] La maitrise de la mort (Editions universitaires. 1975. 224 pages), p. 79-80.

[16] Albert Cuniberti, Réflexion d’un septuagénaire sur la vieillesse, la mort, et sur l’A.D.M.D. ; Bulletin de l’ADMD n° 25, septembre 1987, p. 32-35.

L’ONU doit rappeler que l’euthanasie viole les droits fondamentaux
Lire le texte complet de la pétition

SIGNATURES

Cookies et vie privée

Notre site internet ne diffuse aucune publicité pour le compte de tiers. Nous utilisons simplement des cookies pour améliorer la navigation (cookies techniques) et pour nous permettre d'analyser la façon dont vous consultez notre site internet, afin de l'améliorer (cookies analytiques). Les informations personnelles qui peuvent vous être demandées sur certaines pages de notre site internet (comme s'abonner à notre Newsletter, signer une pétition, faire un don...) sont facultatives. Nous ne partageons aucune de ces informations que nous pourrions recueillir avec des tiers. Vous pouvez consulter notre politique de confidentialité et de sécurité pour ici plus de précision.

Je refuse les cookies analytiques