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Institutions Françaises

Euthanasie : la pente glissante

Euthanasie : la pente glissante

Par Grégor Puppinck1688391005824
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La commission des affaires sociales du Sénat a adopté ce 28 juin un nouveau rapport sur la fin de vie dans lequel elle s’oppose à l'inscription d'un droit à une « aide active à mourir » dans la loi, pointant notamment la difficile définition des critères d'accès à l'euthanasie ou au suicide assisté. Ce rapport est adopté alors que la ministre déléguée à la santé a annoncé que le projet de loi sur la fin de vie devrait voir le jour avant le 21 septembre. D’après le projet du gouvernement, tel que présenté par Le Figaro, toute personne majeure atteinte d’une affection grave et incurable qui engage son pronostic vital à « moyen terme » pourrait bénéficier d’une aide active à mourir, à l’exception des personnes atteintes de maladies psychiques.

Ce projet de loi porte en lui-même les germes de dérives vers une extension du droit à la « mort choisie » : cela n’a rien d’étonnant car il résulte largement du militantisme de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui s’enorgueilli d’avoir imposé le sujet et les termes du débat, et qui déclare, déjà, vouloir aller plus loin à l’avenir. Ce risque de dérive ou pente glissante apparaît nettement, à la fois dans le texte préparé par le gouvernement, et dans ceux de l’ADMD. Démonstration.

L’accès à la « mort choisie », selon une expression du gouvernement employée pour désigner le suicide assisté et l’euthanasie, reposerait sur le respect de l’autonomie individuelle. Avec la compassion, ce principe est le second fondement de l’acceptation de la mort volontaire. Il reconnaît à chacun un pouvoir sur son propre corps. Or ce pouvoir est en passe de s’étendre sur sa propre vie. Ainsi fondée sur l’autonomie individuelle, la « mort choisie » n’est pas une exception à l’interdit de tuer (tel l’avortement ou la légitime défense), mais un droit fondamental. C’est toute la logique de l’ADMD de réclamer « le droit de choisir l’heure et le moyen de sa propre mort ». Pour Henri Caillavet, président emblématique de l’ADMD, « le droit de choisir l’instant et la forme de sa délivrance est une liberté matricielle fondamentale »[1], et certainement pas une concession dérogatoire. C’est aussi la logique retenue par le projet du gouvernement qui envisage de présenter l’aide active à mourir comme un soin, et donc un droit intégré dans le code de la santé publique et non comme une exception insérée dans le code pénal. Dès lors, l’aide active à mourir s’inscrit dans une logique de droit individuel, ce qui oblige la société à justifier chaque limitation portée à ce droit.

S’opère alors un renversement : la justification initiale de l’aide active à mourir devient une limitation portée à ce droit individuel. Le fait de réserver l’aide active à mourir aux seules personnes « atteintes d’une affection grave et incurable qui engage leur pronostic vital à moyen terme » n’est plus regardé comme une justification de la loi, mais comme une limitation du droit individuel à l’aide active à mourir, limitation qui prive toutes les autres personnes de la jouissance de ce droit. Ces personnes pourront contester en justice chaque refus des médecins de leur accorder l’euthanasie.

L’Etat devra alors se justifier, et la tâche sera ardue, tant il est difficile de résister à l’affirmation et à l’extension d’une nouvelle « liberté ». Plus encore, les limites posées par le projet du gouvernement sont extrêmement fragiles. D’abord, parce que le fait de conditionner la jouissance d’un droit ou d’une liberté à l’état de santé d’une personne pose problème : c’est en principe un motif interdit de discrimination. En outre, pourquoi faudrait-il attendre que le pronostic vital soit engagé « à moyen terme » pour bénéficier de l’euthanasie ? Cette notion de « moyen terme » est non seulement totalement imprécise, mais aussi contestable, car elle impose à la personne souffrante désireuse de mourir d’attendre jusqu’à l’imminence de sa mort naturelle pour pouvoir bénéficier d’une aide active à mourir. Cela est absurde : il faudrait souffrir longtemps pour obtenir le droit d’être délivré de la souffrance. En outre, c’est durant cette période qui précède la mort que la personne malade peut bénéficier de soins palliatifs et moins ressentir le besoin d’euthanasie. Il en va différemment, comme le note l’ADMD, du « malade qui refuse de connaître les phases ultimes de sa maladie », de l’« infirme qui refuse de supporter plus longtemps les effets de son infirmité » et de la « personne âgée qui refuse de descendre tous les degrés de la senescence. (…) Dans tous ces cas, c’est l’aide active à mourir répondant à une demande lucide et réitérée, qui apparaît comme la seule solution » [2]. Cette aide active à mourir est une sorte d’assurance-mort, une sortie de secours de l’existence pour répondre à l’angoisse de ceux qui redoutent leur éventuelle déchéance et son lot de souffrances.

 

Les limites posées par le gouvernement sont bien fragiles. De fait, dès lors que l’interdit de tuer est levé, ces limites ne peuvent pas résister durablement face à la logique de la « liberté de mourir ». La situation dans les pays ayant levé cet interdit l’illustre abondamment.

La dérive, ou la « pente glissante » vers le suicide assisté est inévitable. Elle est inscrite dans l’idée même d’un droit à la mort volontaire découlant de l’autonomie individuelle.

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[1] Bulletin de l’ADMD, N°21, septembre 1986.

[2] Compte rendu du conseil d’administration, Bulletin de l’ADMD, n° 39, 1991, p. 30)

L’ONU doit rappeler que l’euthanasie viole les droits fondamentaux
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