Un hôpital britannique revendique le droit de retirer le maintien en vie d'une jeune Israélienne, contre la volonté de ses parents et les demandes de l'État d'Israël.
Par David A. Chesley, Étudiant en droit à l'Université Regent en Virginie aux États-Unis.
Une affaire urgente est sur le bureau du Premier ministre britannique Boris Johnson aujourd'hui. Une petite fille de deux ans nommée Alta Fixsler, citoyenne israélienne résidant au Royaume-Uni, est née avec une grave maladie cérébrale, et ses parents ont cherché tous les moyens possibles pour la soigner. Malheureusement les médecins d'Alta à l'hôpital pour enfants Royal Manchester (RMCH) ont décidé d'interrompre le maintien en vie de la petite fille contre la volonté de sa famille. Ses parents ont pris des dispositions pour qu'elle soit transférée en Israël, et le gouvernement israélien ainsi que deux hôpitaux israéliens soutiennent les parents d'Alta dans cette affaire et ont accepté de s'occuper d'elle. Cependant, le RMCH a demandé à un juge de la Haute Cour britannique de débrancher son système de maintien en vie, et sa requête a été acceptée contre la volonté de ses parents et du gouvernement israélien. Le ministre israélien de la Santé a demandé au secrétaire d'État britannique à la Santé et aux Affaires sociales d'autoriser le transfert d'Alta en Israël.
Une célèbre affaire anglaise similaire avait été portée devant la Cour européenne des droits de l'homme il y a environ quatre ans, concernant un jeune garçon nommé Charlie Gard. En juin 2017, la CEDH avait jugé qu'en droit, il était dans l'intérêt supérieur de Charlie de mourir, et que ses parents avaient eu tort de vouloir préserver sa vie tout en cherchant à obtenir une procédure expérimentale susceptible de lui sauver la vie. Dans l'affaire Charlie Gard, comme dans celle-ci, un hôpital étranger avait proposé de fournir des soins supplémentaires sans aucun coût pour le système de santé britannique ou tout autre hôpital britannique.
La petite Alta risque maintenant d'être laissée à l'abandon comme l'a été Charlie Gard, contre la volonté de ses parents.
Cela constitue une violation du droit à la vie d'Alta Fixsler, du droit de ses parents de choisir comment soigner leur enfant, de la liberté religieuse de ses parents et des lois de la République d'Israël dont elle est citoyenne. Une fois de plus, nous avons ici un exemple choquant de la tendance européenne à ignorer le droit à la vie d'un individu, en s'en remettant soit aux médecins, soit aux juges ou encore aux hommes politiques pour déterminer la valeur de la vie d'une personne innocente.
Le droit à la vie d'Alta est pourtant d'une importance primordiale. Sans protéger le droit à la vie, une société ne peut protéger aucune autre liberté essentielle, comme la liberté de parole, d'association ou de presse ; une personne morte n'a aucune liberté. Le RMCH ne peut pas non plus soutenir que le droit à la vie d'Alta entre en conflit avec d'autres intérêts publics, comme ce pourrait être le cas si ses soins médicaux continus devaient coûter des sommes importantes à la sécurité sociale britanique. Ses parents cherchent simplement à retourner dans leur pays d'origine, où ils pourront bénéficier de soins médicaux sans frais pour le Royaume-Uni. Deuxièmement, ce sont les parents d'Alta, et non le RMCH ou les tribunaux du Royaume-Uni, qui ont le droit de prendre la décision finale concernant l'arrêt de son maintien en vie. Troisièmement, les parents d'Alta sont des juifs orthodoxes hassidiques, et leur foi exige que l'on ne mette jamais fin au maintien en vie d'un être humain dont l'espérance de vie est supérieure à six mois. L'État d'Israël l'interdit légalement. Un médecin a estimé son espérance de vie à six ou huit ans, avec une probabilité qu'elle vive jusqu'à l'adolescence si elle atteint l'âge de quatre ans. Mettre fin à son maintien en vie serait une violation de la liberté religieuse de sa famille et un mépris des lois de son pays d'origine. De plus, étant donné qu'Alta est une citoyenne israélienne et que l'État d'Israël a proposé de s'occuper d'elle à ses propres frais, le fait que le RMCH refuse de la libérer pourrait même constituer une séquestration d'une citoyenne israélienne.
On pourrait espérer que la vie d'Alta puisse être préservée en cas de recours devant la CEDH. Malheureusement, comme nous l'avons vu dans le cas de Charlie Gard, il est peu probable que la CEDH renverse cette décision. Néanmoins, il existe certaines différences entre le cas d'Alta et celui de Charlie qui méritent d'être prises en considération.
Trois questions sont au cœur du problème juridique dans le cas d'Alta.
La première est de savoir qui a le droit de prendre des décisions pour Alta. À cet égard, il est malheureusement peu probable que la CEDH soit en désaccord avec le jugement de la Haute Cour britannique. Selon la Division de la Famille de la Haute Cour britannique, les médecins d'Alta sont responsables pour décider de ce qui est le mieux pour l'enfant, même si cela va à l'encontre des souhaits ou des convictions religieuses de ses parents. Dans ce cas, tous les médecins impliqués s'accordent à dire qu'elle ressentirait de fortes douleurs si elle était transportée. Cependant, ses parents et le gouvernement israélien pensent qu'elle pourrait peut-être être sauvée, et la loi israélienne exige une fois de plus que sa vie soit préservée en raison de sa longue espérance de vie. Néanmoins, comme la RMCH estime que ses chances de survie sont minimes, les tribunaux britanniques ont jugé que la douleur qu'elle subirait l'emportait sur tout bénéfice. Cette situation est tragique et souligne la nécessité pour le gouvernement britannique d'accorder une autorisation pour son transport en Israël ; le système juridique britannique ne la sauvera pas.
La deuxième question juridique est celle de la liberté de religion. Étant donné que la foi des parents d'Alta interdit de mettre fin à son maintien en vie, la décision de la division de la famille de la Haute Cour constitue une violation directe de la liberté de pensée, de conscience et de religion d'Alta, conformément à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cependant, le tribunal n'a pas conclu en ce sens. Il n'a pas accepté que la petite Alta soit considérée comme ayant la même foi religieuse que ses parents, mais a laissé entendre qu'elle devait plutôt être traitée de manière neutre, c'est-à-dire comme une personne sans foi (sic), et que son bien-être objectif devrait être évalué par ses médecins, en accordant relativement peu de poids aux convictions de ses parents.
De plus, le tribunal a fait une analyse superficielle du sens profond de la foi, ce qui nuit profondément à sa crédibilité. La juridiction a traité la religion comme un simple moyen d'obtenir du réconfort ou une certaine joie personnelle ; et malheureusement, en raison de l'état de la petite Alta, elle est incapable d'éprouver de nombreuses joies de la vie. Le tribunal a donc laissé entendre que, même si Alta était considérée comme une juive orthodoxe, cette foi religieuse ne devrait pas être prise en compte car elle ne pourrait pas en bénéficier. Il s'agit bien entendu d'une mauvaise compréhension de la profondeur, de l'étendue et de la nuance de la liberté de religion. La foi et l'observance religieuses sont souvent fondées sur des visions de la réalité qui sont censées donner un sens objectif à la vie d'une personne, indépendamment de la façon dont l'adepte ressent ou vit cette foi.
Il se peut cependant que la CEDH considère le cas d'Alta différemment de celui de Charlie Gard. Dans l'affaire Gard, les parents de Charlie voulaient également que leur enfant soit maintenu en vie et la CEDH n'a pas protégé cette volonté sur le fondement de leur liberté religieuse. Cependant, les Fixsler ont une affiliation formelle à une confession religieuse qui interdit officiellement une telle interruption du maintien en vie, ce qui peut avoir plus de poids que les simples convictions personnelles de ses parents. C'est au moins une distinction que la Cour pourrait prendre en compte. Dans un cas comme dans l'autre, il serait préférable que le gouvernement britannique accepte la demande du ministre israélien de la Santé, afin d'éviter qu'on la laisse mourir prématurément.
La troisième question juridique est celle de la compétence internationale. Alta est une citoyenne d'Israël et, comme nous l'avons vu plus haut, les lois de l'État d'Israël interdisent de mettre fin au maintien en vie d'un patient médicalisé dont l'espérance de vie est supérieure à six mois. Il est difficile d'établir l'espérance de vie précise d'Alta, mais au moins un médecin l'estime entre six et huit ans au minimum, soit douze à seize fois plus que la période autorisée par la loi israélienne. Il existe même une possibilité raisonnable qu'elle survive jusqu'à l'adolescence. La décision de la Division de la Famille de la Haute Cour britannique, si elle était confirmée, violerait donc presque certainement la loi israélienne. Bien que le RMCH ne se trouve pas dans l'État d'Israël, il cherche néanmoins à forcer une citoyenne israélienne qui se trouve actuellement au Royaume-Uni à mourir alors que son pays d'origine a demandé à ce qu'elle soit libérée, et cette libération n'aurait aucune conséquence négative pour le RMCH. Elle ne pourrait que nuire à Alta, si l'on croit à tort que sa vie est moins importante que la douleur physique qu'elle subirait si elle était déplacée.